Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société GTA Mayotte a demandé au tribunal administratif de Mayotte de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 2 033 833,23 euros et 32 776,48 euros en règlement, respectivement, des lots n°s 2 et 3b du marché de travaux relatif à la construction d'un collège à Kwalé.
Par un jugement n° 1900350 du 14 février 2022, le tribunal administratif de Mayotte a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête présentées au titre du règlement du lot n° 3b du marché et, à l'article 2 de son dispositif, a rejeté le surplus des demandes de la société GTA Mayotte.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 avril 2022, la société GTA Mayotte, représentée par Me Cerveaux, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du dispositif du jugement du tribunal administratif de Mayotte du 14 février 2022 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 033 833,23 euros en règlement du lot n° 2 du marché de travaux relatif à la construction d'un collège à Kwalé, assortie des intérêts légaux et des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que :
- le lot n° 2 doit être regardé comme ayant été réceptionné avec réserves et non sous réserves, de sorte que les délais d'établissement du projet de décompte final ont commencé à courir à compter de cette réception ;
- ce délai a couru au plus tard à compter du procès-verbal de levée de ces réserves ;
- le lot n° 2 doit être regardé comme ayant été tacitement réceptionné dès lors que le maître de l'ouvrage en a pris possession dès l'achèvement des opérations préalables à la réception et n'a jamais fait connaître son refus de recevoir cet ouvrage ;
- faute d'établissement du décompte général par le maitre de l'ouvrage, son projet de décompte général est devenu le décompte général et définitif du lot 2.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 13 mai 2014, le vice-recteur d'académie de Mayotte, représentant le ministre de l'éducation nationale, pouvoir adjudicateur, a publié un avis d'appel public à la concurrence concernant les différents lots du marché de construction d'un collège à Kwale. Par actes d'engagements du 19 mars 2015, les lots n° 2 " gros œuvre " et n° 3b " menuiserie bois " de ce marché ont été confiés à la société GTA Mayotte. Celle-ci a adressé le 1er mars 2018 au maître d'œuvre et au maître d'ouvrage un projet de décompte final portant sur le lot n° 2. Ce projet mentionnait une somme restant à lui régler d'un montant de 2 098 756,03 euros, dont 1 906 408,84 euros étaient justifiés par la transmission d'un mémoire en réclamation. La société GTA Mayotte a ensuite établi un projet de décompte général dont le maître d'ouvrage a accusé réception 12 avril 2018. La société GTA Mayotte relève appel du jugement du 14 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a, notamment, rejeté ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 2 033 833,23 euros au titre du solde du lot n° 2 de ce marché de travaux.
2. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article 13.3.2 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de travaux : " Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'œuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3. / Toutefois, s'il est fait application des dispositions de l'article 41.5, la date du procès-verbal constatant l'exécution des travaux visés à cet article est substituée à la date de notification de la décision de réception des travaux comme point de départ des délais ci-dessus. " Aux termes de l'article 13.4.2 du même cahier : " Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : / - trente jours à compter de la réception par le maître d'œuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire. (...) ". L'article 13.4.4 de ce cahier prévoit que : " Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, un projet de décompte général signé (...) Si, dans ce délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif. Le délai de paiement du solde, hors révisions de prix définitives, court à compter du lendemain de l'expiration de ce délai. "
3. D'autre part, l'article 41.3 du même cahier prévoit que : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S'il prononce la réception, il fixe la date qu'il retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. / La réception prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. / Sauf le cas prévu à l'article 41.1.3, à défaut de décision du maître de l'ouvrage notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'œuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire ". Selon l'article 41.5 de ce cahier : " S'il apparaît que certaines prestations prévues par les documents particuliers du marché et devant encore donner lieu à règlement n'ont pas été exécutées, le maître de l'ouvrage peut décider de prononcer la réception, sous réserve que le titulaire s'engage à exécuter ces prestations dans un délai qui n'excède pas trois mois. La constatation de l'exécution de ces prestations doit donner lieu à un procès-verbal dressé dans les mêmes conditions que le procès-verbal des opérations préalables à la réception prévu à l'article 41. 2. "
4. Il résulte de la combinaison des stipulations du CCAG mentionnées aux points 2 et 3 que, lorsque le maître de l'ouvrage ne notifie au titulaire aucune décision expresse de réception ou de refus de réception dans les trente jours suivant la date du procès-verbal des opérations préalables à la réception, les propositions du maître d'œuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire. Dans ce cas, le point de départ du délai de trente jours pendant lequel le titulaire doit, en application de l'article 13.3.2 du CCAG, transmettre son projet de décompte final, est alors déterminé au regard de la proposition du maître d'œuvre relative à la réception. Lorsque le maître d'œuvre propose de réceptionner l'ouvrage au moins en partie sous réserves, le délai ouvert au titulaire pour transmettre son projet de décompte final court à compter du procès-verbal de levée de ces réserves, y compris, le cas échéant, pour les travaux qu'il propose de réceptionner sans réserves ou avec réserves.
5. Il résulte de l'instruction que le procès-verbal des opérations préalables à la réception du lot n° 2 a été établi par le maître d'œuvre le 26 mars 2017. Au vu du nombre de réserves dont était assorti ce procès-verbal, le vice-recteur d'académie de Mayotte n'a pas prononcé la réception de ce marché et le maître d'œuvre a mis la société GTA Mayotte en demeure de procéder à la levée de ces réserves avant le 23 octobre 2017, en précisant qu'à défaut le maître d'ouvrage pourrait conclure un marché de substitution à ses frais et risques. Un procès-verbal de réception des travaux et levée des réserves a finalement été établi par le maître d'œuvre le 31 octobre 2017. Ce procès-verbal faisait toutefois état de réserves persistantes concernant des malfaçons et a été établi sous réserve de la réalisation de certains travaux, notamment de peinture et de calfeutrement ainsi que de serrage des boulons de la charpente métallique. Or, il est constant que la société GTA Mayotte n'a pas sollicité ultérieurement la levée de ces réserves dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 41-5 du CCAG. La société appelante, qui n'établit ni même ne soutient que lesdites réserves ne correspondaient pas à des travaux contractuellement prévus ou qu'elle aurait en réalité entièrement exécutés, ne peut utilement faire valoir que les travaux considérés ne présentaient qu'une importance secondaire. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que les travaux correspondant au lot n° 2 aurait été explicitement réceptionnés.
6. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le vice-recteur de l'académie Mayotte n'a pas versé à la société appelante le solde du marché ni ne lui a restitué le dépôt de garantie mais l'a, au contraire, mise en demeure d'achever les travaux. Dans ces conditions, le maître d'ouvrage ne peut être regardé comme ayant entendu mettre fin aux relations contractuelles avec le titulaire du marché et renoncer à obtenir l'achèvement des travaux dans les règles de l'art. Par suite, quand bien même le rectorat de Mayotte a pris possession de l'ouvrage et l'a mis en service à compter de l'établissement du procès-verbal des opérations préalables à la réception, le lot n° 2 ne saurait être regardé, ainsi que le soutient la société GTA Mayotte, comme ayant fait l'objet d'une réception tacite.
7. Ainsi, les travaux n'ayant été réceptionnés ni explicitement ni tacitement, et aucun procès-verbal de constat de l'exécution des travaux réceptionnés sous réserve n'étant intervenu, le délai d'établissement du projet de décompte final prévu à l'article 13.3.2 du CCAG n'a pas couru et la transmission prématurée d'un tel décompte au maître d'œuvre et au pouvoir adjudicateur par la société GTA Mayotte n'a pu faire courir le délai de trente jours prévu à l'article 13.4.2 du CCAG ni, par conséquent, donner lieu à l'établissement d'un décompte général et définitif dans les conditions prévues par l'article 13.4.4 de ce cahier.
8. Il résulte de ce qui précède que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont constaté qu'elle ne pouvait pas se prévaloir d'un décompte général et définitif tacite et ont rejeté, pour ce motif, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser le solde des sommes figurant dans ce décompte. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société GTA Mayotte est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société GTA Mayotte ainsi qu'à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressé au vice-recteur d'académie de Mayotte.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2024.
Le rapporteur,
Manuel A...
Le président,
Laurent PougetLa greffière,
Chirine Michallet
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22BX01207 2