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05/06/2024 | FRANCE | N°22BX02302

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 05 juin 2024, 22BX02302


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La communauté de communes du pays de Nay, M. B... Caperet, M. A... C..., M. H... Laffitte, M. I... D... et M. F... E... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques, le préfet du Gers et le préfet des Hautes-Pyrénées ont pris acte des modifications apportées à ses statuts par le syndicat mixte d'alimentation en eau potable du nord-est de Pau, notamment pour ce qui concerne sa composition, l

es modalités de son administration et de son fonctionnement.



Par un jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du pays de Nay, M. B... Caperet, M. A... C..., M. H... Laffitte, M. I... D... et M. F... E... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques, le préfet du Gers et le préfet des Hautes-Pyrénées ont pris acte des modifications apportées à ses statuts par le syndicat mixte d'alimentation en eau potable du nord-est de Pau, notamment pour ce qui concerne sa composition, les modalités de son administration et de son fonctionnement.

Par un jugement n° 2000495 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques, du préfet du Gers et du préfet des Hautes-Pyrénées du 31 décembre 2019, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

I) Sous le n° 22BX02302, par une requête et un mémoire enregistrés les 22 août 2022 et 16 octobre 2023, le syndicat mixte d'alimentation en eau potable du nord-est de Pau (SMNEP), représenté par Me Bernal, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 juillet 2022 du tribunal administratif de Pau ;

2°) de rejeter la demande présentée par la communauté de communes du pays de Nay, M. B... Caperet, M. A... C..., M. H... Laffitte, M. I... D... et M. F... E... devant le tribunal administratif de Pau ;

3°) de mettre à la charge des demandeurs de première instance une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a estimé à tort que la délibération du 26 septembre 2019, acte préparatoire de l'arrêté en litige, était illégale du fait de l'insuffisante information transmise aux conseillers syndicaux ; M. Caperet, vice-président du SMNEP et délégué la de la communauté de communes du Pays de Nay était présent à la réunion préparatoire du 12 septembre 2019 au cours de laquelle l'évolution de la représentativité a été exposée via un tableau de représentativité, de sorte que les évolutions présentées lors du comité syndical du 26 septembre 3019 ne pouvaient être ignorées ; les convocations du 12 septembre 2019 étaient assorties d'une synthèse des délibérations préalables, en particulier celle relative à l'adhésion de la communauté d'agglomération Tarbes Lourdes Pyrénées (CARTLR) ; conformément à ces convocations, les documents de travail ont été mis en ligne sur l'espace sécurisé du SMNEP le 19 septembre 2019, auquel les conseillers syndicaux ont accès à tout moment ; le projet de révision des statuts et les modificatifs de la représentativité, en particulier le tableau de représentativité, ont été mis en ligne ; la transmission faite à M. Laffitte démontre la mise à disposition en ligne à l'ensemble des conseillers syndicaux ;

- à le supposer établi, le vice de procédure retenu par le tribunal n'a privé les demandeurs de première instance d'aucune garantie ; l'évolution de la composition du SMNEP entraîne inévitablement une modification de la représentativité de la communauté de communes du Pays de Nay ; la modification en cause, qui corrèle la représentativité à la consommation d'eau, est équitable dès lors que le SMNEP tire ses recettes des ventes d'eau ;

- c'est à tort que le tribunal a appliqué à un syndicat mixte les dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;

- le tribunal aurait dû faire usage de son pouvoir de modulation des effets contentieux de l'annulation de l'arrêté en litige ;

- l'arrêté en litige n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 5211-20 du code général des collectivités territoriales ; cet arrêté a été notifié et publié le 8 janvier 2020, date à laquelle la communauté de communes du Pays de Nay était demeurée silencieuse pendant plus de trois mois ; la communauté de communes n'a pas pris, dans le délai de trois mois, de délibération statuant sur la modification statutaire du SMNEP, et n'a pas répondu au courriel du 20 décembre 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui demandait si son assemblée envisageait de se positionner sur cette modification statutaire ; le délai de trois mois dont disposait la communauté de communes pour adopter une délibération relative à cette modification statutaire expirant le 2 janvier 2020, son assemblée délibérante devait être convoquée au plus le 27 décembre 2019, ce qui n'a pas été le cas ; le vice de procédure invoqué n'a ainsi privé la communauté de communes d'aucune garantie ;

- l'annulation prononcée par le tribunal expose les usagers au risque d'être privés d'eau et empêche la désignation d'un nouveau délégataire.

Par des mémoires, enregistrés les 20 janvier 2023 et 19 janvier 2024, la communauté de communes du pays de Nay (CCPN), M. B... Caperet, M. A... C..., M. H... Laffitte, M. I... D... et M. F... E..., représentés par Me Noël, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge du syndicat mixte d'alimentation en eau potable du nord-est de Pau d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- conformément à l'article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales, le SMNEP est un syndicat mixte " fermé " auquel s'appliquent de plein droit les dispositions prévues aux articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du CGCT ;

- ainsi que l'a jugé le tribunal, la délibération du comité syndical du 26 septembre 2019 n'a pas été précédée d'une information suffisante des conseillers syndicaux ; les courriers de convocation du 12 septembre 2019 étaient uniquement accompagnés des projets de délibérations, à l'exclusion de l'annexe comportant le projet de statuts modifiés et une note explicative ; le site intranet du SMNEP ne comportait qu'un projet de rapport balayant l'ensemble des projets de délibération ; seul M. Laffitte, maire d'Arthez d'Asson, s'est vu communiquer, à sa demande, l'annexe comportant les nouveaux statuts du SMNEP permettant de calculer le nombre de délégués titulaires, sans d'ailleurs qu'aucune note explicative permettant d'appréhender le projet de délibération ne lui soit adressée ; le SMNEP n'apporte aucun élément de preuve d'une mise en ligne du projet de modification des statuts ou d'une transmission de ce projet aux conseillers syndicaux ; les conseillers syndicaux n'ayant pas d'information sur le volume consommé par chaque membre du SMNEP, ils n'étaient pas en mesure d'évaluer le nombre de délégués titulaires et suppléants résultant de la modification statutaire ; la participation de M. Caperet, délégué titulaire de la CCPN, au sein de la commission en charge de l'élaboration du projet de statuts modifiés, ne pallie pas l'insuffisante information des autres conseillers syndicaux ;

- ce vice de procédure a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la délibération du 26 septembre 2019 et a privé les conseillers syndicaux d'une garantie ; seuls ont été pris en compte les volumes de consommation de 2019, et non une moyenne des dernières années de 2019 ; cette méthodologie a porté préjudice à la CCPN, dont la consommation était plus élevée les années précédant 2019 ; la délibération avait ainsi d'importants enjeux ;

- l'arrêté a été pris dès le 31 décembre 2019, en méconnaissance du délai légal de trois mois laissé aux collectivités membres du SMNEP pour se prononcer sur les modifications statutaires envisagées ; la CCPN a été privée de la possibilité de convoquer ses élus, le cas échéant en urgence, pour délibérer jusqu'au 2 janvier 2020 ; elle a d'ailleurs présenté un recours gracieux contre l'arrêté en cause ;

- les éléments apportés par le SMNEP ne permettent pas de démontrer que l'annulation rétroactive de l'arrêté en litige aurait des conséquences manifestement excessives.

Par un mémoire enregistré le 21 novembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer s'associe aux conclusions du syndicat mixte d'alimentation en eau potable du nord-est de Pau.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Pau a estimé à tort que l'arrêté du 31 décembre 2019 était entaché d'illégalité au motif que la délibération du comité syndical du 26 septembre 2019 sur lequel il était fondé était elle-même illégale du fait de l'insuffisance des informations transmises aux conseillers syndicaux au regard des dispositions des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ; les conseillers syndicaux ont bien été destinataires des documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat ; ils ont été informés en temps utile de l'ordre du jour du comité syndical du 26 septembre 2019 et des projets de délibérations portant sur l'adhésion d'un nouveau membre et la modification des statuts du syndicat, et ont eu accès aux documents de travail, y compris le projet de révision des statuts, via l'espace sécurisé en ligne du SMNEP ;

- l'arrêté ne revêt pas un caractère prématuré ; la date de notification de la délibération au CCPN, attestée au vu du seul tampon apposé par son service courrier, n'est pas avérée ; à supposer que cette date puisse être retenue, l'arrêté n'a commencé à produire ses effets qu'à compter de sa publication au recueil des actes administratifs le 9 janvier 2020, soit sept jours après l'extinction du délai de trois mois énoncé par l'article L. 5211-20 du code général des collectivités territoriales ; la CCPN ne peut pas être regardée comme ayant été privée d'une garantie dès lors que rien ne l'empêchait de délibérer sur le projet de modification statutaire jusqu'au 2 janvier 2020.

Par une ordonnance du 22 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 22 février 2024.

II) Sous le n° 22BX02303, par une requête et un mémoire enregistrés les 22 août 2022 et 5 janvier 2023, le syndicat mixte d'alimentation en eau potable du nord-est de Pau, représenté par Me Bernal, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Pau du 12 juillet 2022 ;

2°) de mettre à la charge de la communauté de communes du pays de Nay, de M. B... Caperet, de M. A... C..., de M. H... Laffitte, de M. I... D... et de M. F... E... somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens soulevés dans sa requête au fond sont sérieux.

Par un mémoire enregistré le 10 novembre 2022, la communauté de communes du pays de Nay (CCPN), M. B... Caperet, M. A... C..., M. H... Laffitte, M. I... D... et M. F... E..., représentés par Me Noël, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge du syndicat mixte d'alimentation en eau potable du nord-est de Pau d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens invoqués par le syndicat requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy ;

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris ;

- et les observations de Me Taormina, représentant le syndicat mixte d'alimentation en eau potable du nord-est de Pau, et de Me Gibert, représentant la communauté de communes du Pays de Nay et de MM. Caperet, C..., Laffitte, D... et E....

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 26 septembre 2019, le comité syndical du syndicat mixte d'alimentation en eau potable du nord-est de Pau (SMNEP), dont la communauté de communes du Pays de Nay est membre, a approuvé la modification de ses statuts, prévoyant en particulier qu'à partir du 1er avril 2020, le nombre de délégués de chaque membre du syndicat serait déterminé non plus en fonction de sa population, mais en fonction du volume d'eau acheté au SMNEP au titre de l'année N-1. Par un arrêté du 31 décembre 2019, le préfet des Pyrénées-Atlantiques, le préfet du Gers et le préfet des Hautes-Pyrénées ont pris acte des modifications apportées aux statuts du SMNEP. Par un jugement du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Pau a, sur la demande de la communauté de communes du Pays de Nay et de MM. Caperet, C..., Laffitte, D... et E..., annulé cet arrêté. Par une requête n° 22BX02302, le SMNEP relève appel de ce jugement. Par une requête n° 22BX02303, il demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les nos 22BX02302 et 22BX02303 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté en litige :

3. Aux termes de l'article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. (...) ". Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. (...) Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. ". Aux termes de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. "

4. En premier lieu, en application de l'article L. 5711-1 du même code, les syndicats mixtes " fermés " tels que le SMNEP, qui est constitué d'établissements publics de coopération intercommunale, sont soumis aux dispositions des chapitres Ier et II du titre Ier du livre II de la cinquième partie de ce code, relatives aux établissements publics de coopération intercommunale et donc à celles de l'article L. 5211-1 rendant applicables aux organes délibérants de ces établissements publics les règles relatives au fonctionnement du conseil municipal. Aux termes de cet article, les établissements publics de coopération intercommunale sont soumis aux règles applicables aux communes de 3 500 habitants et plus s'ils comprennent au moins une commune de 3 500 habitants et plus, ce qui est le cas des établissements composant le SMNEP. Ainsi, contrairement à ce que soutient le SMNEP, les dispositions des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales lui sont applicables.

5. En second lieu, le défaut d'envoi, avec la convocation aux réunions du conseil municipal d'une commune de 3 500 habitants et plus, de la note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour prévue à l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

6. En l'espèce, la convocation du 12 septembre 2019 adressée aux conseillers syndicaux du SMNEP en vue de la séance du 26 septembre suivant comportait l'ordre du jour de la séance et indiquait notamment, sans autre précision, que serait abordée la question de l'adhésion de la communauté d'agglomération Tarbes Lourdes Pyrénées et de la modification des statuts du SMNEP. Cette convocation n'était pas accompagnée d'une note de synthèse mais assortie d'un document résumant les projets de délibérations, qui indiquait seulement que " suite à la demande d'adhésion de la communauté d'agglomération Tarbes Lourdes Pyrénées, il convient de réviser les statuts du SMNEP ". Cette convocation informait également les conseillers syndicaux que les documents de séance seraient mis en ligne à partir du 19 septembre 2019 sur le site intranet du syndicat, et leur rappelait les modalités d'accès à ce site. Il ressort également des échanges de messages du 23 septembre 2019 entre M. Laffitte, conseiller syndical délégué de la communauté de communes du Pays de Nay, et M. Rolin, président du SMNEP, qu'à cette date, le seul document ajouté sur le site intranet du syndicat et relatif à la modification des statuts du SMNEP consistait en une proposition de délibération. Cette proposition de délibération se bornait à indiquer que l'acceptation de la demande d'adhésion de la communauté d'agglomération Tarbes Lourdes Pyrénées impliquait de réviser les statuts et, en particulier de prévoir une représentativité des membres proportionnelle aux volumes consommés, et approuvait les " statuts annexés ". Il ressort également de ces échanges de messages que, sur la demande de M. G..., le projet de statuts modifiés a, non pas été adressé seulement à M. G..., mais ajouté sur le site intranet du SMNEP, auquel l'ensemble des conseillers syndicaux avaient accès. Ce projet de statuts modifiés prévoyait, à son article 9-1, qu'à compter du 1er avril 2020, le nombre de délégués serait proportionnel au volume acheté au SMNEP au cours de l'année N-1, et comportait un tableau indiquant, par tranche de volume de consommation, le nombre de délégués titulaires et suppléants. Toutefois, les documents ainsi versés sur le site intranet du SMNEP ne comportaient aucun élément justifiant la modification des règles de représentativité, et en particulier, n'expliquaient pas en quoi l'adhésion de la communauté d'agglomération Tarbes Lourdes Pyrénées, fortement peuplée mais consommant auprès du SMNEP des volumes d'eau relativement modestes, impliquait d'instaurer une représentativité corrélée non plus à la population des membres du syndicat mais à leur consommation d'eau potable auprès de ce syndicat. De plus, faute de tout élément relatif aux volumes d'eau achetés au SMNEP en 2019 par les membres du syndicat, ces seuls documents ne permettaient pas davantage aux conseillers syndicaux de déterminer le nombre de délégués de chaque membre résultant des nouvelles règles de représentativité et, par suite, d'appréhender concrètement l'incidence de ces nouvelles règles.

7. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les membres de la commission en charge de l'élaboration du projet de statuts modifiés, qui s'est réunie le 12 septembre 2019, ont été destinataires d'un tableau retraçant avec précision les conséquences de l'adhésion de la communauté d'agglomération Tarbes Lourdes Pyrénées en termes de représentativité des membres du SMNEP, tableau qui, en particulier, indiquait la consommation d'eau auprès du SMNEP de chaque membre en 2019 et précisait le nombre de délégués de chaque membre résultant de l'application des règles de représentativité en vigueur et des nouvelles règles de représentativité proposées. Toutefois, la circonstance qu'un des délégués de la communauté de communes du Pays de Nay ait participé à ladite commission ne permet pas d'établir que l'ensemble des élus auraient été destinataires de ce tableau. Il ne ressort par ailleurs ni des échanges de messages entre M. Rolin et M. Laffitte ni d'aucune pièce du dossier que ce tableau aurait, comme le prétend le SMNEP, également été ajouté aux documents de séance figurant sur son site intranet avant la séance du 26 septembre 2019.

8. Dans ces conditions, au regard des seuls éléments qui leur ont été adressés, les conseillers syndicaux n'ont pas été mis à même de comprendre les motifs de la modification envisagée des règles de représentativité au sein du SMNEP ni d'en mesurer les implications, et n'ont ainsi pas disposé d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette insuffisance d'information les ayant privés d'une garantie, la délibération du 26 septembre 2019, approuvée à l'issue d'une procédure irrégulière, est entachée d'illégalité de même que, par voie de conséquence, l'arrêté en litige prenant acte de la modification des statuts du SMNEP.

9. Il résulte de ce qui précède que le SMNEP n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 31 décembre 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques, le préfet du Gers et le préfet des Hautes-Pyrénées ont pris acte des modifications apportées aux statuts du SMNEP.

En ce qui concerne la modulation des effets dans le temps de l'annulation contentieuse :

10. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

11. Lorsque le juge d'appel est saisi d'un jugement ayant annulé un acte administratif et qu'il rejette l'appel formé contre ce jugement en ce qu'il a jugé illégal l'acte administratif, la circonstance que l'annulation ait été prononcée par le tribunal administratif avec un effet rétroactif ne fait pas obstacle à ce que le juge d'appel, saisi dans le cadre de l'effet dévolutif, apprécie, à la date à laquelle il statue, s'il y a lieu de déroger en l'espèce au principe de l'effet rétroactif de l'annulation contentieuse et détermine, en conséquence, les effets dans le temps de l'annulation, en réformant le cas échéant sur ce point le jugement de première instance.

12. L'annulation de l'arrêté du 31 décembre 2019 prenant acte de la modification des statuts du SMNEP ayant pour effet de remettre en vigueur ses statuts approuvés par l'arrêté interpréfectoral du 30 avril 2019, ledit syndicat n'est pas fondé à soutenir qu'il se trouverait privé, faute de statuts, de toute possibilité de fonctionnement et, en particulier, de la faculté de conclure une nouvelle délégation de service public. Par ailleurs, si le Syndicat des Eaux Luy Gabas Lées, déjà membre du SMNEP en vertu des statuts issus de l'arrêté du 30 avril 2019, a vu depuis lors sa composition évoluer, et si la communauté d'agglomération Tarbes Lourdes Pyrénées n'était pas membre du SMNEP en vertu de ces mêmes statuts, il n'est pas établi que ces circonstances feraient obstacle à ce que leurs habitants soient approvisionnés en eau potable. En tout état de cause, le SMNEP était à même, dès après l'annulation prononcée par le jugement attaqué, de reprendre la procédure de modification de ses statuts. Dans ces conditions, en l'absence de conséquences manifestement excessives sur le fonctionnement du service public de distribution d'eau, il n'y a pas lieu, à la date du présent arrêt, de déroger au principe de l'effet rétroactif de l'annulation contentieuse prononcée par le tribunal.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

13. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 12 juillet 2022 du tribunal administratif de Pau, les conclusions de la requête n° 22BX02303 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22BX02303 du syndicat mixte d'alimentation en eau potable du nord-est de Pau.

Article 2 : La requête n° 22BX02302 du syndicat mixte d'alimentation en eau potable du nord-est de Pau est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat mixte d'alimentation en eau potable du nord-est de Pau, à la communauté de communes du pays de Nay et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques, au préfet du Gers et au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve-Dupuy

Le président,

Laurent Pouget La greffière,

Chirine Michallet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°s 22BX02302, 22BX02303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02302
Date de la décision : 05/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CABINET PARME

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-05;22bx02302 ?
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