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14/05/2025 | FRANCE | N°25BX00752

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre (juge unique), 14 mai 2025, 25BX00752


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler

l'arrêté du 3 mars 2022 par lequel le maire de la commune de Saumos a rejeté sa demande

de permis de construire pour un local professionnel sur des parcelles cadastrées B-454, 453, 456, 1274 et 1276 situées route de Santujane.



Par un jugement n° 2203900 du 10 janvier 2025, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision, a enjoint au maire de délivrer le

permis sollicité dans un délai de deux mois et a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler

l'arrêté du 3 mars 2022 par lequel le maire de la commune de Saumos a rejeté sa demande

de permis de construire pour un local professionnel sur des parcelles cadastrées B-454, 453, 456, 1274 et 1276 situées route de Santujane.

Par un jugement n° 2203900 du 10 janvier 2025, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision, a enjoint au maire de délivrer le permis sollicité dans un délai de deux mois et a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 mars 2025 sous le n° 25BX00752, et un mémoire enregistré le 4 mai 2025, la commune de Saumos, représentée par le cabinet Seban Nouvelle Aquitaine (Me Simon), qui a relevé appel de ce jugement sous le n° 25BX00712, demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution, et de condamner M. A... à lui verser une somme

de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande est fondée tant sur l'article R. 811-15 du code de justice administrative que sur l'article R. 811-17 ;

- le jugement est irrégulier : il n'est pas signé et se fonde manifestement sur une note en délibéré qui n'a pas été communiquée à la commune ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu une erreur d'appréciation sur le caractère nécessaire du bâtiment projeté pour l'activité sylvicole du demandeur, alors que la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) a rendu un avis défavorable, ce qui permet de regarder l'avis du préfet rendu sous réserve de la position de la CDPENAF comme également défavorable ; le maire se trouvait donc, devant un avis conforme défavorable, en situation de compétence liée pour rejeter la demande en application de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme ; par suite, tous les moyens présentés, qui n'étaient pas dirigés contre l'avis du préfet, étaient inopérants ;

- subsidiairement les moyens retenus par le tribunal sont infondés :

- la surface exploitée par M. A... n'est pas de 170 hectares mais seulement

de 3,876 hectares, et s'il exploite d'autres parcelles ailleurs il n'en a pas donné la localisation, ce qui ne permet pas d'apprécier la nécessité de la construction pour l'exploitation agricole au sens de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;

- l'avis de la société ENEDIS du 13 janvier 2021 indique que le projet nécessite une extension du réseau électrique de 40 mètres en dehors du terrain, et il ne ressort pas des pièces du dossier, autres que les écritures devant le tribunal, que le demandeur ait entendu prendre à sa charge ces travaux ; c'est donc à bon droit que le maire, en application de l'article L.111-11 du code de l'urbanisme, a opposé l'incapacité d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ils pouvaient être exécutés ; la circonstance que des prescriptions de prise en charge auraient pu être édictées ne peut être utilement invoquée au regard de l'avis du Conseil d'Etat

du 11 avril 2025 n° 498803 ;

- les autres moyens soulevés devant le tribunal ne pouvaient qu'être écartés comme irrecevables, comme l'a justement estimé le tribunal, car présentés au-delà du délai de cristallisation du débat contentieux prévu par l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme ;

- la circonstance que la commune ait délivré le permis en exécution du jugement ne rend pas sans objet son appel ni la demande de sursis ; la réalisation de la construction risquerait d'être irréversible ;

- dans l'hypothèse où la cour ne retiendrait aucun des motifs du refus de permis, elle demande que leur soit substitué le motif tiré de la méconnaissance de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme, alors que la commune de Saumos est au nombre des 159 communes considérées comme particulièrement sensibles au risque " feu de forêt ", que 1 250 hectares ont été détruits dans l'incendie de septembre 2022, outre 2 250 hectares sur la commune de Sainte Hélène voisine, et que le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme préconise d'assurer une gestion stricte du risque en prohibant notamment la dispersion du bâti en zone boisée.

Par un mémoire enregistré le 7 avril 2025, M. A..., représenté par la SELARL Lex Urba (Me Rousseau) conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Saumos une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- après réitération de sa demande, le permis lui a été délivré le 13 mars 2025 ; il n'y a donc plus lieu de surseoir à l'exécution du jugement, qui est entièrement exécuté ; au demeurant, les conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ne sont assorties d'aucune précision sur les conséquences difficilement réparables du jugement ;

- les moyens tirés de prétendues irrégularités du jugement sont sans incidence sur les conditions du sursis et par suite irrecevables ; ils sont au demeurant infondés ;

- à la date à laquelle la préfète s'est prononcée, son avis conforme était favorable, et l'avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers est un avis simple qui ne saurait devenir un avis conforme ; il n'appartenait pas au maire de requalifier lui-même le sens de l'avis transmis par la préfète ; le requérant ne pouvait anticiper que serait soulevé pour la première fois en appel un tel moyen, et rediriger devant le tribunal ses moyens contre l'avis de la préfète ;

- au demeurant l'avis de la préfète est illégal dès lors que la construction est nécessaire à son exploitation, et qu'il avait donné la superficie de celle-ci dans une lettre, ce qui est confirmé par l'agrément du centre national de la propriété forestière à son plan de gestion ;

- en s'estimant lié par l'avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation, et ce moyen, s'il était irrecevable devant le tribunal administratif en raison de la cristallisation du débat, est opérant en appel ;

- il n'avait pas été informé de la nécessité de prendre en charge les frais de raccordement au réseau électrique, ce qui pouvait lui être imposé par le permis, et aucune extension du réseau n'est nécessaire au sens de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme.

Un mémoire a été enregistré pour M. A... le 13 mai 2025, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 14 mai 2025 :

- le rapport de Mme Catherine Girault, présidente ;

- les observations de Me Lafond, représentant la commune de Saumos, et celles de Me Rousseau, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est propriétaire d'une unité foncière de 3,87 hectares entièrement boisée, située sur le territoire de la commune de Saumos (Gironde), et a souhaité y implanter un local professionnel en maçonnerie comportant un bureau avec sanitaires et une pièce de rangement fermée, outre deux abris adossés à la construction, destinés au tracteur et au gyrobroyeur nécessaires à son activité de sylviculteur créée en 2019. La demande de permis de construire déposée le 9 décembre 2021 a fait l'objet d'une prolongation du délai d'instruction pour consultation de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. La préfète de la Gironde a donné le 9 janvier 2022 un avis favorable sous réserve de l'avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles

et forestiers. Celle-ci, qui avait déjà donné un premier avis défavorable au projet le

1er septembre 2021, a réitéré cet avis défavorable le 2 février 2022. Par arrêté du 3 mars 2022, le maire a refusé d'accorder le permis sollicité. La commune de Saumos, qui a relevé appel du jugement du 10 janvier 2025 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision et lui a enjoint de délivrer le permis, demande par la présente requête qu'il soit sursis à son exécution.

Sur l'exception de non-lieu à statuer sur le sursis :

2. La circonstance que pour l'exécution de l'injonction qui lui était faite par le jugement du 10 janvier 2025, la commune a délivré le permis sollicité n'est pas de nature à retirer tout objet à la requête en sursis à exécution, dès lors que s'il y était fait droit, la commune pourrait envisager un retrait du permis délivré. Par suite, il y a lieu de se prononcer sur la demande.

Sur les conditions du sursis :

3. Aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative : " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif... ". Aux termes de l'article R. 811-15 de ce code: " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".

4. Aux termes de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : (...) 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; (...) ".

5. Pour admettre la nécessité de la construction en litige pour l'exploitation sylvicole de M. A..., le tribunal a souligné qu'il n'y avait pas disproportion entre les surfaces exploitées et le projet dès lors que les surfaces exploitées excèdent le terrain d'assiette de la construction, qui est inférieur à 4 hectares, et couvrent 170 hectares. L'importance de cette superficie, si elle était seulement mentionnée dans le recours gracieux du demandeur au maire de la commune, est corroborée par l'agrément produit en appel du centre national de la propriété forestière à son plan de gestion en date du 30 septembre 2021, qui mentionne 160,6480 hectares sur les communes de Saumos, Sainte Hélène et Le Temple. Dans ces conditions, les coupes des arbres relèvent d'une activité de sylviculteur nécessitant un matériel spécifique, et le moyen tiré de ce que la construction permettant notamment de l'abriter ne serait pas nécessaire à une activité agricole ne parait pas sérieux en l'état de l'instruction, alors même qu'il appartiendra au pétitionnaire de justifier de la localisation des parcelles exploitées pour démontrer au fond la nécessité du bâtiment pour son exploitation et sa localisation.

6. La commune soutient pour la première fois devant la cour que le maire était tenu de refuser le permis sollicité au regard des dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme dès lors que la préfète avait rendu un avis favorable avec la réserve que le projet ne pourrait être accepté que s'il est nécessaire à l'activité agricole " avec avis favorable de la CDPENAF ", et qu'au regard de l'avis défavorable rendu ultérieurement par cette commission, l'avis de la préfète devait être regardé comme défavorable. Toutefois, M. A... conteste également le bien-fondé de cet avis, lequel s'est borné à estimer que les surfaces forestières exploitées ne justifient pas la construction du bâtiment projeté, sans indiquer ni les surfaces retenues ni les motifs de cette position. Au regard de ce qui a été dit au point 5, le moyen tiré de ce que le maire aurait été lié par un avis défavorable n'apparaît pas davantage de nature à justifier le sursis à exécution du jugement.

7. En revanche, le maire a retenu un second motif de refus tiré, en application de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, de la nécessité d'une extension du réseau électrique sur 40 mètres en dehors de l'assiette de la propriété, pour laquelle la commune ne serait pas en mesure de déterminer par qui et dans quel délai devrait être pris en charge le coût évalué à 3 089,40 euros hors taxe. Le pétitionnaire auquel est opposée une décision de refus de permis de construire ou d'opposition à déclaration préalable ne peut utilement se prévaloir devant le juge de l'excès de pouvoir de ce que l'autorité administrative compétente aurait dû lui délivrer l'autorisation sollicitée en l'assortissant de prescriptions spéciales. Par suite, M. A... ne pouvait utilement soutenir pour la première fois devant le tribunal qu'il était disposé à prendre en charge le coût, au demeurant modeste, de cette extension à réaliser, selon l'avis d'ENEDIS, par la communauté de communes.

8. S'il n'est pas établi que le maire aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur ce motif, la commune invoque pour la première fois devant la cour une substitution de motif en soulignant l'importance du risque d'incendie dans ce secteur très boisé, de nature à justifier le refus d'une construction isolée au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, lequel dispose : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". M. A... a été invité à présenter ses observations sur cette substitution de motif. Dans le contexte local d'un risque avéré d'incendie qui s'est déjà réalisé en 2022, et alors que si l'entretien de la forêt peut contribuer à prévenir ce risque, les bâtiments destinés à abriter le matériel et gérer la partie administrative de l'exploitation pourraient être localisés à proximité des villages plutôt qu'au cœur des zones boisées, le motif tiré d'une atteinte à la sécurité publique en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est de nature à fonder un refus et suffirait à lui seul à le justifier.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, la commune de Saumos est fondée à demander le sursis à exécution de ce jugement sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel de la commune de Saumos contre le jugement n° 2203900 du tribunal administratif de Bordeaux, il sera sursis à l'exécution de de ce jugement.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saumos et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mai 2025.

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 25BX00752 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 25BX00752
Date de la décision : 14/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS SEBAN NOUVELLE AQUITAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-14;25bx00752 ?
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