Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée pour M. X... ;
Vu, 1°) la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour administrative de Lyon respectivement les 26 juillet 1996 et 23 décembre 1996, présentés pour M. Léo X..., demeurant 355 corniche Kennedy 13007 Marseille, par Maître ROCCA SERRA, avocat ;
M. X... demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement en date du 6 juin 1996 en tant que par ce jugement le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 4 octobre 1993 par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a prononcé sa réintégration dans le corps des professeurs d'enseignement général des collèges
2° d'annuler ce même jugement en tant que par ce jugement le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 84.400,04 F, en conséquence de la révision de l'indemnité allouée à M. X..., et la somme de 1.315.702,65 F, représentant l'indemnité qui reste à valoir sur la réparation du préjudice futur, soit jusqu'en 2007, âge de sa retraite ;
3° d'annuler la décision du 4 octobre 1993 ;
4° de condamner l'Etat à lui verser les sommes susvisées ;
- de condamner également l'Etat à lui verser les intérêts moratoires et intérêts capitalisés, relatifs à l'indemnité déjà allouée comme à celle qui reste à valoir ;
- de condamner l'administration à lui verser 10.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu, 2°) enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 18 septembre 1996, la requête présentée au nom de l'Etat par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE ;
Le ministre demande à la Cour de réformer le jugement du 6 juin 1996 en tant que par ce jugement le Tribunal administratif de Marseille a fixé de manière erronée les modalités de liquidation des intérêts sur la somme de 359.260,86 F versée à M. X... à titre d'indemnité pour la période du 8 août 1988 au 10 novembre 1992, et de leur capitalisation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 octobre 1997 :
- le rapport de Mme LORANT, conseiller;
- les observations de M. X... ;
- les conclusions de M. BENOIT, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées de M. X... et du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE sont relatives au même jugement; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;
Considérant que, par arrêté du recteur de l'académie d'Aix-Marseille du 8 août 1988, M. Léo X..., professeur d'enseignement général des collèges, alors âgé de 41 ans, a été mis d'office à la retraite, à la suite de l'avis émis le 2 août 1988 par la commission de réforme des Bouches-du-Rhône qui l'avait déclaré inapte à son emploi d'enseignant "de manière absolue et définitive" ; que M. X... a formé deux recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation de cet arrêté devant le Tribunal administratif de Marseille ; que, par jugement du 26 février 1991, le Tribunal lui a donné acte du désistement de ses requêtes , que, par une troisième requête enregistrée le 3 août 1991, l'intéressé a demandé la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice résultant dudit arrêté ; que, par un jugement en date du 10 novembre 1992, le même Tribunal, d'une part, a jugé que "l'administration, en prononçant la mise à la retraite d'office de M. X..., sans avoir préalablement invité ce dernier a présenter une demande de reclassement comme lui en faisait obligation l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité", et, d'autre part, a condamné le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE à verser à l'intéressé une indemnité correspondant au traitement qu'il aurait dû percevoir, diminué de la pension de retraite perçue et des primes et indemnités liées à l'exercice effectif de son emploi ; que le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a, d'une part, réintégré M. X... dans le corps des professeurs d'enseignement général des collèges, par un arrêté du 4 octobre 1993 prenant effet à compter de sa notification, et, d'autre part, mandaté à l'intéressé le 26 décembre 1993 la somme de 359.260.86 F en exécution du jugement susvisé du 10 novembre 1992 ; que, par une dernière requête, enregistrée le 23 novembre 1993, M. X... a demandé l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 1993, l'entière exécution du jugement du 10 novembre 1992 par la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 84.400.04 F, en complément de la somme de 359.260.86 F déjà versée et dont il estime qu'elle a été mal calculée, et une indemnité de 1.315.702 F pour son préjudice à valoir jusqu'en 2007, ainsi que les intérêts avec application du taux majoré, sur les sommes dues, et la capitalisation des intérêts ; que le Tribunal a rejeté les conclusions aux fins d'annulation et d'indemnisation présentées par M. X..., par un jugement dont ce dernier demande à la Cour l'annulation en tant qu'il n'a fait droit qu'à sa demande d'intérêts et de capitalisation des intérêts sur la somme de 359.260.86 F ; que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, par un recours distinct, a quant à lui contesté le mode de calcul des intérêts et leur capitalisation ;
Sur la légalité de la décision du recteur du 4 octobre 1993 :
En ce qui concerne l'abrogation :
Considérant que l'arrêté rectoral du 4 octobre 1993 prononçant la réintégration de M. X... a abrogé et non pas retiré la décision, en date du 8 août 1988, prononçant son admission d'office à la retraite ;
Considérant que la circonstance que M. X... ait renoncé à poursuivre l'annulation de l'arrêté susvisé du 8 août 1988, et que le Tribunal administratif de Marseille, dans son jugement du 26 février 1991, ait donné acte de ce désistement, ne saurait conférer à cet arrêté un caractère définitif ;
Considérant qu'au contraire le jugement du 10 novembre 1992 ayant déclaré illégale par voie d'exception, à la demande expresse de l'intéressé, la décision dont s'agit au motif que M. X..., qui n'avait été déclaré inapte qu'au seul exercice des fonctions d'enseignement oral, aurait dû être invité à présenter une demande de reclassement, a constitué une circonstance de droit nouvelle qui ouvrait à l'administration la possibilité de réintégrer M. X... par un acte contraire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recteur était en droit d'abroger l'arrêté du 8 août 1988 et de réintégrer M. X..., sans que puisse y faire obstacle l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui, relatif à la liquidation et au montant de la pension, est sans effet sur la légalité d'une décision qui modifie la position du fonctionnaire en le replaçant en activité ;
En ce qui concerne l'affectation de M. X... sur un emploi au collège Elsa TRIOLET :
Considérant qu'à la date à laquelle M. X... a été mis d'office à la retraite, il était toujours titulaire dans le corps des professeurs généraux d'enseignement des collèges ; que dès lors le recteur était tenu de le réintégrer sur un emploi statutaire correspondant à son grade dans l'attente de la procédure de reclassement susmentionnée prévue par le décret du 30 novembre 1984 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recteur a pu légalement abroger, par l'arrêté du 4 octobre 1993, son précédent arrêté du 8 août 1988 ; que par suite M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dudit arrêté ;
Sur l'exécution du Jugement du 10 novembre 1992 :
Considérant que l'exécution du jugement du 10 novembre 1992 implique le paiement à M. X... par l'Etat d'une indemnité correspondant "au traitement que M. X... aurait dû percevoir après reclassement, et ce non compris les primes et indemnités diverses liées à l'exercice effectif d'un emploi, diminué de la pension de retraite allouée" ;
Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. X... a été réintégré légalement dans les cadres de L'EDUCATION NATIONALE à compter du 11 octobre 1993 ; que par suite il ne peut prétendre au versement de l'indemnité susmentionnée que pour la période du 8 août 1988, date de sa mise à la retraite, au 11 octobre 1993, date de sa réintégration ; qu'il résulte de l'instruction que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, le 26 décembre 1993, a versé à M. X..., au titre de cette période, la somme de 359.260,86 F ; que cette indemnité a été correctement liquidée, sur la base des traitements bruts dus à l'intéressé, en retenant des indices de traitement exacts et une date de passage à l'indice 417 fixée à juste titre au 13 mars 1989 ; qu'ainsi M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Marseille a jugé qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur ses conclusions à fin d'exécution du jugement du 10 novembre 1992 et rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires chiffrées respectivement à 84.400.04 F et 1.315.702 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a fait droit aux conclusions de M. X... relatives au versement des intérêts moratoires et des intérêts capitalisés sur les sommes déjà versées ; que les conclusions de ce chef présentées en appel par M. X... sont irrecevables;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le Tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que le conclusions présentées à ce titre par le requérant doivent dès lors être rejetées ;
Sur les conclusions du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE :
En ce qui concerne les intérêts :
Considérant que M. X... a demandé, le 7 février 1991, le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi par lui depuis le 8 août 1988 ; que cette indemnité s'élevant à 359.260,86 F lui a été versée le 26 décembre 1993 ; que le ministre est fondé à soutenir que seules les sommes dues au titre de la période du 8 août 1988 au 7 février 1991 doivent produire intérêts à compter du 7 février 1991 ; que, pour les fractions suivantes de ladite indemnité, elles produisent intérêts à compter de leur échéance mensuelle successive jusqu'au 26 décembre 1993, date du paiement ; qu'il y a lieu de reformer en ce sens le jugement ;
En ce qui concerne la capitalisation :
Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil, "les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière" ; que la capitalisation des intérêts peut être demandée en vertu de ce texte même après le paiement du principal de la dette, dès lors que ces intérêts n'ont pas eux-mêmes été versés ;
Considérant que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE n'est pas fondé à soutenir que, le principal ayant été versé, l'article 3 du jugement du 6 juin 1996 serait inapplicable, dès lors qu'en faisant droit, dans ledit jugement, à la demande de capitalisation des intérêts présentée par M. X... le 24 mars 1994, le Tribunal a régulièrement estimé que les intérêts produits par l'indemnité versée à l'intéressé le 26 décembre 1993, et eux-mêmes non encore versés, constituaient une créance productrice d'intérêts ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : L'Etat (MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE) est condamné à verser à M. X... les intérêts au taux légal à compter du 7 février 1991 jusqu'au 26 décembre 1993 sur la fraction de la somme de 359.260.80 F (trois cent cinquante neuf mille deux cent soixante francs et quatre vingt centimes) correspondant à l'indemnité due à l'intéressé au titre de la période du 8 août 1988 au 7 février 1991 ; les fractions suivantes de ladite indemnité porteront intérêts à compter de leur date d'échéance successive jusqu'au 26 décembre 1993.
Article 3 : L'article 1 du jugement du Tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du Ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au Ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.