Vu le recours, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 24 janvier 2000 sous le n°00MA00112, présenté par le MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE ;
Le ministre demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 10 novembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Marseille, à la demande de la Société Dollars Auto, a annulé la décision en date du 2 mars 1998 par laquelle le préfet des Bouches du Rhône a fait opposition à l'engagement d'apprentis par la Société Dollars Auto et a suspendu la prestation de travail de M. Kamel X, apprenti de cette société avec maintien de la rémunération ;
2°/ de rejeter la demande de la Société Dollars Auto tendant à l'annulation de la décision en date du 2 mars 1998 par laquelle le préfet des Bouches du Rhône a fait opposition à l'engagement d'apprentis par la Société Dollars Auto et a suspendu la prestation de travail de M. Kamel X, apprenti de cette société avec maintien de la rémunération ;
Classement CNIJ : 66-032
C
Il soutient que la demande de la Société Dollars Auto devant le Tribunal administratif n'était pas recevable dès lors que le recours administratif préalable devant le directeur régional en vertu de l'article L.117-5-1 du code du travail est obligatoire ; qu'ainsi la décision née sur celui-ci s'est substituée à la décision initiale du préfet ; que seule cette deuxième décision pouvait faire l'objet de la demande d'annulation ; que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les violences contre M. X, l'apprenti de la Société Dollars Auto, dont il a fait l'objet au sein de celle-ci sont établies et justifiaient, sans aucun doute sur la matérialité des faits, la décision en cause ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 22 février 2001 présenté pour la Société Dollars Auto, représentée par son gérant en exercice, le cabinet d'avocats Henri et Serge MIMRAN- Mathilde TESNIERE- Virginie PAJOT-Patricia SION ;
La Société Dollars Auto demande à la Cour :
1°/ de rejeter la requête ;
2°/ de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Elle soutient que le recours administratif préalable devant le directeur régional du travail et de l'emploi n'étant pas un préalable obligatoire au recours contentieux, la décision née sur ce recours administratif ne s'est pas substituée à la décision du préfet, laquelle pouvait faire l'objet du recours contentieux qui n'est donc pas irrecevable ; que cette décision n'est pas suffisamment motivée ; que l'exactitude matérielle des faits reprochés à M. Thierry Y, frère du gérant de la Société Dollars Auto, de violences sur l'apprenti M. X n'est pas établie ; qu'enfin la décision est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet n'était pas compétent pour prendre son article 2 qui énonce que la prestation de travail de M. X est avec maintien de la rémunération suspendue à compter de la notification de la présente décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2003 :
- le rapport de Mme FERNANDEZ, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.117-5-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ; Par dérogation aux dispositions des articles L.117-5 et L.117-8, lorsque les conditions d'exécution du contrat d'apprentissage sont de nature à porter atteinte à la sécurité, aux conditions de travail, à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti, l'inspecteur du travail met en demeure l'entreprise de rétablir les conditions normales d'exécution du contrat d'apprentissage et prononce en même temps la suspension de l'exécution de la prestation de travail de l'apprenti, avec maintien de la rémunération. Il saisit le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, dans un délai de quinze jours, sur la possibilité pour l'entreprise de continuer à engager des apprentis et sur la poursuite de l'exécution du ou des contrats d'apprentissage en cours. La suppression de l'exécution de la prestation de travail de l'apprenti conserve son effet jusqu'à la décision définitive rendue par le préfet du département. En cas d'opposition à l'engagement d'apprentis, la suspension de l'exécution de la prestation de travail avec maintien de rémunération se poursuit pendant quinze jours. Le recours contre l'opposition, qui est porté devant le directeur régional du travail et de l'emploi, doit intervenir dans ce délai. Le directeur régional du travail et de l'emploi se prononce sur ce recours dans un délai de quinze jours. Dans ce cas la suspension avec maintien de rémunération conserve son effet jusqu'à sa décision. ... ;
Considérant qu'après la saisine, le 22 décembre 1997, des services de l'inspection du travail par une plainte de M. X, apprenti de la Société Dollars Auto, pour violences à son encontre au sein de son entreprise, par M. Thierry Y, frère du gérant, l'inspecteur du travail compétent a prononcé le 12 janvier 1998 la suspension de l'exécution de la prestation de travail de l'apprenti de la Société Dollars Auto, M. X, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L.117-5-1 du code du travail ; que par la décision du 2 mars 1998, le préfet des Bouches du Rhône a, sur le fondement des dispositions du même article, d'une part, dans l'article 1er de cette décision, fait opposition à l'engagement d'apprentis par la Société Dollars Auto et d'autre part, dans l'article 2 de cette même décision, suspendu la prestation de travail de M. X avec maintien de rémunération, article qui, en tout état de cause, ne peut être regardé que comme l'indication par le préfet, que, dès lors qu'il avait fait opposition à engagement d'apprentis par l'article 1er, sur le fondement de l'article L.177-5-1 précité, la suspension de la prestation de travail de l'apprenti avec maintien de rémunération devait se poursuivre au moins encore quinze jours à compter de sa décision ; que le 17 mars 1998 la Société Dollars Auto a présenté, contre cette décision préfectorale, un recours administratif devant le directeur régional du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur mentionné dans l'article L.177-5-1 du code du travail précité ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que, eu égard notamment à la précision des mécanismes mis en place qui comportent la désignation d'une autorité devant laquelle doit être porté le recours dans un délai déterminé et qui doit elle-même se prononcer dans un délai déterminé, il résulte des dispositions précitées de l'article L.117-5-1 du code du travail que le recours administratif devant le directeur régional du travail et de l'emploi sur la décision du préfet est un préalable obligatoire avant tout recours contentieux ; que la décision née sur ce recours administratif se substitue à la décision préfectorale initiale ; que, dès lors, la demande de la Société Dollars Auto, enregistrée le 28 avril 1998 devant le tribunal administratif, tendant à l'annulation de la décision en date du 2 mars 1998 du préfet, laquelle avait disparu de l'ordonnancement juridique du fait de la survenance de la décision du directeur régional du travail et de l'emploi le 1er avril 1998 sur le recours administratif, était irrecevable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'emploi et de la solidarité est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille n'a pas fait droit à la fin de non recevoir dont s'agit pour rejeter la demande de la Société Dollars Auto ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la partie perdante puisse obtenir, à la charge de son adversaire, le remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par la Société Dollars Auto, doivent dès lors être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 10 novembre 1999 du Tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la Société Dollars Auto est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la Société Dollars Auto tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et à la Société Dollars Auto.
Délibéré à l'issue de l'audience du 16 décembre 2003, où siégeaient :
M. LAPORTE, président de chambre,
Mme LORANT, présidente assesseur,
M. MOUSSARON, président assesseur,
Mme GAULTIER, premier conseiller,
Mme FERNANDEZ, premier conseiller,
assistés de Mme LOMBARD, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 6 janvier 2004.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Guy LAPORTE Elydia FERNANDEZ
Le greffier,
Signé
Marie-Claire LOMBARD
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 00MA00112