Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 31 mars 2000 sous le n° 00MA00654, présentée pour la Société Civile Immobilière I PASTORI, représentée par son gérant et dont le siège social est Domaine de Rocca Marina à Cargèse (20130), par Me Laurence X..., avocat au Barreau d'Ajaccio ;
La S.C.I. I PASTORI demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 97-63, en date du 20 janvier 2000, par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 4 décembre 1996 par lequel le maire de la commune de Cargèse a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de réaménager un domaine à vocation touristique ;
2°/ d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
3°/ de condamner la commune de Cargèse à lui verser la somme de 6.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Classement CNIJ : 68-03-03-02-02
C
Elle soutient :
- qu'elle n'a pas été convoquée à l'audience au cours de laquelle l'affaire a été appelée en méconnaissance de l'article L.17 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, car elle n'a reçu que le 13 janvier 2000 la convocation expédiée le 15 décembre 1999 pour l'audience du 7 janvier 2000 ;
- que ni le nom, ni la qualité du signataire de la décision de refus ne sont précisés de sorte que l'on ne peut vérifier la compétence de son auteur ;
- que les visas sont erronés, les articles R.111-3 et R.111-14 ayant été abrogés ;
- que cet arrêté est insuffisamment motivé ;
- que les délais d'instruction prévus par l'article R.421-18 du code de l'urbanisme ont été dépassés ;
- que le projet refusé consiste en la rénovation de bâtiments existants depuis plus de quarante ans ;
- qu'il n'est pas possible d'interdire la rénovation des bâtiments existants ;
- qu'en outre, à la date à laquelle la demande a été déposée, le plan d'occupation des sols de 1977 mis en révision le 19 octobre 1984 autorisait en zone NB2A où se situe le projet les constructions individuelles isolées d'une surface hors oeuvre nette de 150 m² sur 3.000 m² ;
- que seul le directeur régional de l'équipement a donné un avis défavorable sur le projet, les autres autorités dont le maire de Cargèse s'y étant montrées favorables ;
- que le projet n'apporte aucune atteinte au site, la rénovation étant réalisée en matériaux favorisant l'intégration, pas plus qu'il ne porte atteinte à l'environnement, à la salubrité ou à la sécurité publique ;
- que le projet est suffisamment desservi au regard de l'article R.111-4 du code de l'urbanisme ;
- que l'arrêté attaqué n'indique pas en quoi le projet de la S.C.I. I PASTORI contrarierait l'action d'aménagement du territoire et d'urbanisme ;
- qu'à titre subsidiaire, le plan d'occupation des sols approuvé par délibération du 25 juillet 1996 est illégal en tant qu'il classe le terrain d'assiette en zone 1ND, en bordure de plage, car certaines parties de celle-ci sont classées en zone 1NAB, 1NAC et 2NA sans que ces différences de classement soient justifiées ;
- que ces règles créant des discriminations anormales au sein d'une zone homogène ne répondent pas aux nécessités de l'urbanisme ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 5 mai 2000, présenté par la commune de Cargèse, représentée par son maire en exercice ; elle conclut en souhaitant que le projet d'aménagement touristique de la S.C.I. aboutisse ; elle fait valoir qu'il convient de prendre en compte les réalités objectives à savoir la préexistence de constructions très anciennes et l'incohérence du zonage ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ensemble le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2004 :
- le rapport de M. LAFFET, président assesseur ;
- et les conclusions de M. HERMITTE, premier conseiller ;
Considérant que, par jugement en date du 20 janvier 2000, le Tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de la S.C.I. I PASTORI dirigée contre l'arrêté en date du 4 décembre 1996 par lequel le maire de Cargèse a opposé un refus à sa demande de permis de construire ; que la S.C.I. I PASTORI relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R.193 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicable : Toute partie doit être avertie, par une notification faite conformément aux articles R.139 ou R.140, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. - Dans les deux cas, l'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience..., et qu'en vertu des dispositions des articles R.139 et 140 du même code les notifications des avis d'audience sont obligatoirement effectuées au moyen de lettres recommandées avec demande d'avis de réception ou, en cas de notification dans la forme administrative, avec récépissé ou procès-verbal de la notification par l'agent qui l'a faite ;
Considérant que, si l'avis informant l'avocat de la S.C.I. I PASTORI de la date de l'audience a été envoyé par lettre recommandée le 15 décembre 1999, il n'a été reçu par son destinataire que postérieurement à l'audience qui s'est tenue le 7 janvier 2000 ; qu'il est constant que, malgré les troubles graves qui affectaient la distribution postale en Corse en raison d'un mouvement de grève, ni la S.C.I. I PASTORI, ni sont avocat n'ont été avertis de la date de l'audience par d'autres moyens que l'envoi de ladite lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal ; que, dans ces conditions, la S.C.I. I PASTORI est fondée à soutenir que les prescriptions de l'article R.193 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ont été méconnues et que le jugement doit être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par la S.C.I. I PASTORI devant le Tribunal administratif de Bastia ;
Sur la légalité de l'arrêté en date du 4 décembre 1996 :
Considérant, en premier lieu, que si la société I PASTORI allègue qu'en l'absence d'indication du nom et de la qualité du signataire sur l'acte attaqué il n'est pas possible de vérifier si le refus de permis de construire a été pris par une autorité compétente, il résulte des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été signé par le maire de Cargèse ; que dès lors le moyen doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que si l'arrêté attaqué comporte des erreurs de visas, cette circonstance est sans influence sur sa légalité alors qu' en tout état de cause, la décision critiquée n'est pas fondée sur les articles du code de l'urbanisme qui, abrogés, ont été visés à tort ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R.421-29 du code de l'urbanisme : Si la décision emporte rejet de la demande (...) elle doit être motivée ; que l'arrêté par lequel le maire de Cargèse a rejeté la demande de permis de construire présentée par la S.C.I. requérante énonce les considérations de droit et de fait sur lequel il est fondé ; qu'il est donc suffisamment motivé au regard des dispositions sus-rappelées de l'article R.421-29 ;
Considérant, en quatrième lieu, que, comme l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif de Bastia, le délai d'instruction de la demande présentée par la S.C.I. I PASTORI expirait, en vertu de l'article R.421-18 du code de l'urbanisme, le 23 octobre 1996 ; qu'à compter de cette date la société requérante pouvait se prévaloir d'un permis de construire tacite que le maire de la commune de Cargèse pouvait retirer dans le délai de deux mois à condition qu'il soit illégal, ce qu'il a fait dès le 4 décembre 1996 dans le délai dont il disposait ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'à la date de l'arrêté attaqué, seul le plan d'occupation dont la révision avait été approuvée par délibération du conseil municipal de Cargèse en date du 25 juillet 1996 était applicable ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la demande, bien que déposée le 22 juillet 1996 antérieurement à la date de cette approbation, aurait dû être instruite sur le fondement du plan d'occupation des sols approuvé en 1977 et mis en révision le 19 octobre 1984 ;
Considérant, en sixième lieu, qu'à l'appui de sa demande d'annulation de la décision de refus de permis de construire qui lui a été opposée, la S.C.I. I PASTORI invoque, par voie d'exception, l'illégalité du plan d'occupation des sols révisé approuvé le 25 juillet 1996 en tant que ses auteurs ont classé le terrain d'assiette du projet en zone 1ND ; que, cependant, il appartient aux auteurs d'un plan d'occupation des sols de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; que leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait fondée sur une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que la plage de Ménasina où est situé le complexe touristique qui doit être réaménagé est classée en zone 1ND dans laquelle, en vertu de l'article 1ND1 du règlement du plan d'occupation des sols applicable, seuls peuvent être autorisés les aménagements nécessaires à l'exercice des activités agricoles, les chemins piétonniers, les installations, constructions et aménagements nécessaires à la sécurité maritime ou aérienne, à la défense nationale et à la sécurité civile ainsi que sous conditions de l'enquête publique préalable prévue à l'article 2 du décret n° 89-694, les travaux nécessaires à la conservation ou à la protection de ces espaces aux termes de l'article L.146-6, et les aménagements légers dont la liste est fixée par l'article R.146-2..., tous les travaux non définis à cet article étant interdits selon l'article 1ND2 ; que ce classement est fondé sur la volonté de protéger l'un des sites les plus remarquables de la commune de Cargèse par sa végétation et sa topographie en évitant toute construction sur des pentes rapidement abruptes ; qu'ainsi, nonobstant le classement en zone ND d'une autre partie de la bande littorale jouxtant immédiatement la plage de Ménasina, et en zones 1NAc, 2NA ou NBb de parties situées à proximité mais plus à l'intérieur des terres, les auteurs du plan d'occupation des sols, en optant pour ce parti d'aménagement, ont pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, établir le classement contesté ; qu'en outre, le détournement de pouvoir allégué en ce qui concerne ce classement n'est pas établi ;
Considérant, dès lors, qu'en application des dispositions des articles 1ND1 et 1ND2 du règlement du plan d'occupation des sols, le maire de la commune de Cargèse a pu légalement refuser le permis sollicité dont l'objet était un changement de destination de locaux entraînant la création de 18 logements à la place de bungalows et de boutiques, quand bien même le projet n'entraînerait pas de constructions nouvelles sur le terrain d'assiette, et donc retirer le permis de construire tacite dont pouvait se prévaloir la S.C.I. I PASTORI ;
Considérant, enfin, que les circonstances que le projet soit suffisamment desservi par les différents réseaux publics, qu'il ait reçu un avis favorable de chacun des services consultés, qu'il ne porterait atteinte ni au site, ni à l'environnement, ni à la salubrité et la sécurité publique, et qu'il serait conforme à l'action d'aménagement du territoire sont, par suite, sans influence sur la légalité de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.C.I. I PASTORI n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté en date du 4 décembre 1996 par lequel le maire de la commune de Cargèse a rejeté sa demande de permis de construire ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Cargèse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la S.C.I. I PASTORI la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : le jugement n° 97-63, en date du 20 janvier 2000, du Tribunal administratif de Bastia est annulé.
Article 2 : La demande de la S.C.I. I PASTORI devant le Tribunal administratif de Bastia, ainsi que le surplus de ses conclusions devant la Cour administrative d'appel de Marseille sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la S.C.I. I PASTORI, à la commune de Cargèse et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Délibéré à l'issue de l'audience du 12 février 2004, où siégeaient :
M. ROUSTAN, président de chambre,
M. LAFFET, président assesseur,
Mme FEDI, premier conseiller,
assistés de Mme EJEA, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 26 février 2004.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Marc ROUSTAN Bernard LAFFET
Le greffier,
Signé
Françoise EJEA
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 00MA00654