Vu, 1°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 19 mai 2000 sous le n° 00MA01074, présentée pour Mme Martine Y, demeurant ... par la SCP ROBERT, avocat ;
Mme Y demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 991200 et 991199, en date du 9 mars 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de Mme Z, épouse X, l'arrêté du 19 mai 1998 du préfet des Bouches-du-Rhône autorisant le transfert de l'officine de pharmacie de M. Jawad A du 22, rue du Petit Vacon au centre commercial Intermarché, à Rognac ;
Classement CNIJ : 55 03 04 01
C
2°/ de rejeter la demande présentée au tribunal administratif par Mme X ;
Elle soutient :
- que la demande de Mme X, qui avait pour but la protection de son intérêt personnel et privé, et non d'un intérêt collectif, et ne pouvait bénéficier d'une protection, était irrecevable ;
- que le jugement est entaché d'une erreur de fait, l'emplacement d'origine et l'emplacement d'accueil étant situés dans le même quartier, et d'une erreur de droit, puisque le transfert n'est pas de nature à compromettre l'approvisionnement normal en médicaments du quartier d'origine, et améliore la desserte du quartier les Constantounes et , dans une moindre mesure, du quartier les Cros de Guiens , dont les autres pharmacies sont éloignées ou inaccessibles ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 5 octobre 2000, présenté pour Mme Z, épouse X, qui conclut d'une part au rejet de la requête, et d'autre part à la condamnation de Mme Y à verser une somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Elle soutient :
- qu'elle a intérêt à agir contre une décision qui bouleverse les conditions économiques d'exploitation des officines déjà présentes ;
- que la pharmacie de Mme Y avait été créée par voie dérogatoire pour desservir le quartier les Frégates ;
- que l'ancien et le nouveau quartier sont séparés par la bretelle d'accès à l'autoroute A7 ;
- que le transfert d'une pharmacie créée sur dérogation en fonction des besoins réels de la population compromet l'approvisionnement en médicaments de cette population ;
- que Mme Y ne démontre pas l'unité de comportement des habitants des Frégates et de ceux des Constantounes ;
- que les besoins de la population du quartier d'accueil sont déjà satisfaits ;
- que le nouvel emplacement est à 800 mètres des pharmacies le plus proches, et conduit à un parasitisme des officines existantes, ne répondant pas à un but de santé publique ;
- qu'il y avait donc erreur de fait et erreur manifeste d'appréciation dans l'arrêté préfectoral ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 décembre et le 6 décembre 2001, présenté pour la ministre de l'emploi et de la solidarité, qui conclut à l'annulation du jugement attaqué ;
Elle soutient que le transfert de l'officine de pharmacie s'est fait à l'intérieur d'un même quartier ;
Vu le nouveau mémoire enregistré le 6 juin 2002, présenté pour Mme X, qui persiste dans ses conclusions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré présentée pour Mme X ;
Vu, 2°) sous le n° 00MA01075, la requête enregistrée le 19 mai 2000 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour Mme Y demeurant ... par la SCP ROBERT, avocat
Mme Y demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 991197 en date du 9 mars 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de Mme Agnès B, épouse C, et de Mme Lucille D, l'arrêté du 19 mai 1998 du préfet des Bouches-du Rhône autorisant le transfert de l'officine de pharmacie de M. Jawad A du 22, rue du Petit Vacon au centre commercial Intermarché, à Rognac ;
2°/ de rejeter la demande présentée au tribunal administratif par Mmes C et D ;
Elle soutient :
- que la demande de Mmes C et D avait pour but la protection de leurs intérêts personnels et privés, et non d'un intérêt collectif, et ne pouvait bénéficier d'une protection, étant ainsi irrecevable ;
- que le jugement est entaché d'une erreur de fait, l'emplacement d'origine et l'emplacement d'accueil étant situés dans le même quartier, et d'une erreur de droit, puisque le transfert n'est pas de nature à compromettre l'approvisionnement normal en médicaments du quartier d'origine, et améliore la desserte du quartier les Constantounes et , dans une moindre mesure, du quartier les Cros de Guiens , dont les autres pharmacies sont éloignées ou inaccessibles ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 octobre 2000, présenté pour Mmes C et D, qui concluent au rejet de la requête, et, en outre, à la condamnation de Mme Y à leur verser une somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Elles soutiennent :
- qu'elles ont intérêt à agir contre une décision qui bouleverse les conditions économiques d'exploitation des officines existantes ;
- que la pharmacie de Mme Y avait été créée par voie dérogatoire pour desservir le quartier les Frégates ;
- que l'ancien et le nouveau quartier sont séparés par la bretelle d'accès à l'autoroute A7 ;
- que le transfert d'une pharmacie créée sur dérogation en fonction des besoins réels de la population compromet l'approvisionnement en médicaments de cette population ;
- que Mme Y ne démontre pas l'unité de comportement des habitants des Frégates et de ceux des Constantounes ;
- que les besoins de la population du quartier d'accueil sont déjà satisfaits ;
- que le nouvel emplacement est à 800 mètres des pharmacies les plus proches, et conduit à un parasitisme des officines existantes, ne répondant pas à un but de santé publique ;
- qu'il y avait donc erreur de fait et erreur manifeste d'appréciation dans l'arrêté préfectoral ;
Vu le mémoire , enregistré le 3 décembre et le 6 décembre 2001, présenté pour la ministre de l'emploi et de la solidarité, qui conclue à l'annulation du jugement attaqué ;
Elle soutient que le transfert de l'officine de pharmacie s'est fait à l'intérieur d'un même quartier ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 6 juin 2002, présenté pour Mmes C et D, qui persistent dans leurs conclusions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 2004 :
- le rapport de M. ZIMMERMANN, premier conseiller ;
- les observations de Me PONTIER pour Mme X et pour Mmes Agnès C et Lucille D ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Considérant que les requêtes susvisées n° 00MA01074 00MA01075 de Mme Y sont relatives au même arrêté préfectoral ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la légalité de l'arrêté du 19 mai 1998 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.570 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable à l'espèce : Toute ouverture d'une nouvelle officine, tout transfert d'une officine d'un lieu dans un autre sont subordonnés à l'octroi d'une licence délivrée par le représentant de l'Etat dans le département après avis du conseil régional de l'ordre des pharmaciens et du directeur régional des affaires sanitaires et sociales. (...) Les transferts d'officine ne peuvent être autorisés qu'à la double condition qu'ils ne compromettent pas l'approvisionnement normal en médicaments de la population du quartier d'origine et qu'ils répondent à un besoin réel de la population résidant dans le quartier d'accueil. (...) Dans le cas d'un transfert entre communes, les besoins de la nouvelle population à desservir s'apprécient selon les règles fixées à l'article L.571. Cette licence fixe l'emplacement où l'officine sera exploitée. ; que sur le fondement de ces dispositions, le préfet des Bouches-du-Rhône a autorisé M. Jawad A, pharmacien à Rognac, à transférer son officine du 22, rue du Petit Vacon, au lieu-dit Les Frégates , à 700 mètres de là, dans le centre commercial situé à l'angle de l'avenue René Cassin et du boulevard Courbet, par arrêté du 19 mai 1998 ; que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Marseille, saisi d'une part par Mme X, d'autre part par Mmes C et D, qui exploitent des officines de pharmacie à Rognac, a annulé ledit arrêté préfectoral au motif que le transfert autorisé n'était pas un transfert à l'intérieur d'un même quartier, mais un transfert d'un quartier à un autre, impliquant, nécessairement une appréciation différente ; que Mme Y, ayant succédé à M. A dans l'exploitation de l'officine en cause, fait appel de ces deux jugements ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le secteur dit Les Frégates est délimité par une autoroute, la voie ferrée Paris Marseille et une voie rapide le séparant du reste du bourg de Rognac, et, notamment, du centre commercial dans lequel le transfert de la pharmacie a été autorisé par l'arrêté litigieux du 19 mai 1998, mais que l'avenue René Cassin, qui franchit la voie rapide par un pont, relie ces deux ensembles et permet notamment aux habitants des immeubles du lieu-dit Les Frégates , qui ne disposent pas sur place de structures commerciales suffisantes, de rejoindre le centre commercial et différents services administratifs de la commune ; que, dans ces conditions, le transfert de l'officine dans ce centre commercial ne peut être regardé comme comportant transfert d'un quartier à un autre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Marseille a annulé la décision précitée du préfet des Bouches-du-Rhône au motif que l'officine de pharmacie avait été transférée dans un quartier différent du quartier d'origine ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mmes X, C et D devant le Tribunal administratif de Marseille ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'officine de pharmacie n'a pas été transférée dans un quartier différent ; que, par suite, les intimées ne sont pas fondées à soutenir que ce transfert aurait compromis l'approvisionnement en médicaments du quartier d'origine, la circonstance que l'officine avait été créée par dérogation en 1983 étant sans influence à cet égard ;
Considérant que Mmes X, C et D ne peuvent utilement soutenir que l'arrêté attaqué ne pouvait intervenir qu'après respect des procédures prévues au 8ème alinéa de l'article L.571 du code de la santé publique, les conditions de création de la pharmacie étant sans influence sur la procédure à suivre en cas de transfert ultérieur de l'officine ;
Considérant enfin que la circonstance que la lettre du 21 avril 1998 par laquelle le directeur régional des affaires sanitaires et sociales a transmis au préfet des Bouches-du-Rhône l'avis favorable de son service à la demande de transfert ait été signée par le directeur adjoint, et non par le directeur lui-même, et ne comporte pas de mention de délégation de signature ou de pouvoir, ne suffit pas à faire regarder l'arrêté attaqué comme entaché d'une irrégularité substantielle de procédure résultant de l'incompétence du signataire de cet avis ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des demandes en première instance, que Mme Y est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté préfectoral du 19 mai 1998 ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la cour condamne Mme Y, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, à verser à Mmes X, C et D les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les jugements susvisés n° 991197-991198 et 991999-991200 en date du 9 mars 2000 du Tribunal administratif de Marseille sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées devant le Tribunal administratif de Marseille par Mmes X, C et D sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de Mmes X, C et D tendant à la condamnation de Mme Y à leur verser des sommes au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Y, Mme X, Mme C, Mme D et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Délibéré à l'issue de l'audience du 17 février 2004, où siégeaient :
M. LAPORTE, président de chambre,
Mme LORANT, présidente assesseur,
M. ZIMMERMANN, premier conseiller,
assistés de Mme LOMBARD, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 9 mars 2004.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Guy LAPORTE Franck ZIMMERMANN
Le greffier,
Signé
Marie-Claire LOMBARD
La République mande et ordonne au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 00MA01074 00MA01075