Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 juillet 2002 sous le n°02MA1398, présentée par la SCP Delmas, Rigaud, Lévy, Jonquet, avocats, pour MM. Claude Y, Jacques Z, Henri X, et la SCP BROSSET-HECKEL et CHABARDES, architectes, élisant domicile ...) ;
Ils demandent à la Cour :
1) de réformer le jugement du 22 mai 2002 par lequel le tribunal administratif de Montpellier les a solidairement et conjointement condamnés à verser à la commune de Béziers la somme de 201.499,14 euros en réparation des désordres affectant la cuisine centrale de la commune, ensemble a mis à leur charge les trois-quarts des frais d'expertise s'élevant à la somme totale de 3.920,03 euros ;
2) de condamner la commune de Béziers à leur verser la somme de 1.000 euros au titre de leurs frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe le 9 octobre 2002, présenté par la SCP Coste- Berger- Pons, avocats, pour la société SOGEA SUD, qui sollicite sa mise hors de cause, ensemble demande que les appelants soient condamnés à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe le 11 avril 2005, présenté par la SCP Tertian- Bagnoli, avocats, pour la société SOCOTEC, dont le siège social est 3 avenue du Centre Guyancourt à Saint-Quentin en Yvelines (78182) ;
Elle demande à la Cour :
1) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il l'a déclarée partiellement responsable des désordres allégués par la commune de Béziers ;
2) de la mettre hors de cause et de rejeter les prétentions indemnitaires que ladite commune a dirigées à son encontre ;
3)à titre subsidiaire, de condamner MM Y, Z et A, ainsi que les sociétés SARL SLI et SCP Brosset-Heckel-Chabardes, à la relever et garantir intégralement ;
4) à titre infiniment subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué ;
5) de condamner tout contestant à lui verser la somme de 5.000 francs au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 25 avril 2005, présenté par Me Auby pour la commune de Béziers, qui demande à la cour :
1) de confirmer partiellement les condamnations prononcées par les premiers juges, mise à part celle prononcée à l'encontre des architectes qui doit être réformée en les condamnant à payer la somme de 151.124,35 euros ;
2) de condamner les appelants à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2005 :
- le rapport de M. Brossier, premier conseiller,
- les observations :
de Me Didier de la SCP Delmas-Rigaud-Lévy pour M. Y et autres,
de Me Tertian pour la SOCOTEC,
- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la commune de Béziers demande, en réparation des désordres apparus dans sa cuisine centrale du fait d'infiltrations entre le sol et les locaux inférieurs, la condamnation solidaire et conjointe, au titre de leur obligation de garantie décennale, des concepteurs de cet ouvrage public, avec imputation des dommages à raison, d'une part, de 75% aux architectes MM. Claude Y, Jacques Z, Henri X, et la SCP BROSSET-HECKEL et CHABARDES, ainsi qu'à leur assureur la MAV, d'autre part, de 25 % au bureau d'études SLI et au contrôleur technique SOCOTEC ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le Tribunal a rejeté les prétentions indemnitaires de la commune dirigées contre l'assureur MAV comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, ainsi que les conclusions de la société Sogéa tendant à l'octroi de frais exposés et non compris dans les dépens à défaut de mise en cause ; que cette partie du dispositif du jugement attaqué n'est plus contestée devant le juge d'appel ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les premiers juges ont condamné les appelants à payer à la commune de Béziers un montant total de dommages et intérêts supérieur à celui qu'elle avait demandé, ainsi qu'elle le reconnaît elle-même ; que, par ailleurs, les premiers juges ont omis de répondre au moyen soulevé par divers défendeurs de première instance et tiré de l'irrégularité du rapport de l'expert B, qui aurait méconnu le principe du contradictoire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les appelants sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il les condamne, avec le bureau d'études SLI et le contrôleur technique SOCOTEC, d'une part, à indemniser solidairement et conjointement la commune de Béziers des préjudices allégués en rejetant l'appel en garantie formé par SOCOTEC, d'autre part à supporter la charge des dépens ; qu'il y a lieu, pour la Cour, de procéder à l'évocation des conclusions indemnitaires de la commune de Béziers et d'y statuer ;
Sur la régularité du rapport de l'expert B :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas sérieusement contesté que l'expert B, nommé par ordonnance du juge des référés administratifs du 27 mai 1992, s'est rendu une première fois sur les lieux des dommages en l'absence des défendeurs en juillet 1992 ; qu'il a alors pris connaissance de l'affaire de façon suffisamment détaillée pour demander aux services municipaux, le 8 septembre 1992, d'une part, des détails sur leur connaissance de l'existence de deux courriers précis émanant du carreleur et de son sous-traitant, d'autre part et en cas de réponse positive, la teneur de leurs instructions à la maîtrise d'oeuvre ; que la ville a répondu à cette demande le 6 octobre 1992 et qu'il n'est pas contesté que les appelants n'ont eu connaissance de ces échanges de courriers que lors du premier accédit du 14 octobre 1992 ; que, dans ces conditions, la chronologie des opérations d'expertise n'établit pas que la première visite sur place, organisée en juillet 1992 entre l'expert et l'administration demanderesse, puisse être regardée comme une simple prise de contact ; qu'il s'ensuit que les appelants sont fondés à soutenir que le déroulement des opérations d'expertise a méconnu le principe du contradictoire ;
Considérant que le rapport de l'expert B doit, dans ces conditions, être regardé comme une pièce du dossier communiqué aux parties qui s'avère, dès lors, utilisable par la Cour comme toute autre pièce soumise à leur critique contradictoire ; que n'a pas été contestée, par ailleurs, la régularité du second rapport de l'expert C, nommé par ordonnance du 23 avril 1996 afin notamment de décrire l'aggravation des désordres, rapport qui reprend et avalise une partie des conclusions de l'expert B ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les désordres affectant la cuisine centrale de Béziers et tenant à un défaut d'étanchéité du sol de ladite cuisine, ont été connus dans toute leur étendue après la réception émise sans réserve à ce sujet le 30 juin 1986, à la suite de la mise en exploitation de l'ouvrage ; que ces désordres ont notamment entraîné une visite sur place des constructeurs les 11 et 12 juin 1987, suivie d'une dépose à certains endroits du carrelage constatée par un procès-verbal du 16 juin 1987 ; que les phénomènes d'infiltration relevés ont donné lieu à une première procédure de référé-expertise en juillet 1992, avant la saisine du juge du fond le 17 octobre 1995 et avant l'expiration du délai de la garantie décennale ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert C, des constats de l'huissier Dalmier et des constatations de M. B, que ce défaut d'étanchéité, alors que la cuisine industrielle dont s'agit nécessite le nettoyage puissant et fréquent de ses équipements et le lessivage intensif et quotidien de son sol, entraîne des infiltrations et des écoulements importants à travers la dalle et dans le sous-sol ; que ces désordres persistants, d'une part, sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage, d'autre part, induisent des phénomènes importants d'humidité dans les pièces du sous-sol, alors que certaines sont affectées au stockage ou contiennent des équipements électriques ; que, dans ces conditions, le défaut d'étanchéité en litige ne permet pas une utilisation de l'ouvrage conforme à sa destination et s'avère de nature à engager la responsabilité des constructeurs en application des principes de mise en oeuvre de la garantie décennale dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment des constatations de l'expert C et de M. B, lesquelles ne sont pas sérieusement contestées, que les désordres litigieux proviennent d'un défaut de conception imputable à la maîtrise d'oeuvre assurée par les architectes MM. Claude Y, Jacques Z, Henri X, la SCP BROSSET-HECKEL et CHABARDES, assistés par le bureau d'étude Société languedocienne d'ingénierie SLI, ainsi qu'à un défaut de perspicacité du contrôleur technique SOCOTEC, compte tenu du choix technique retenu qui doit être regardé comme inadapté pour assurer l'étanchéité du sol d'une cuisine industrielle, et alors même que le cahier des charges du lot n°13 relatif aux revêtements de sol et faïences stipulait l'exécution d'une étanchéité sur l'ensemble de la dalle de la cuisine ; qu'en raison de cette exigence et de la particularité du local à habiller, le carreleur SOLREV s'est adjoint un sous-traitant spécialisé, la Société d'Etanchéité du Midi, laquelle a attiré son attention par écrit le 24 septembre 1985 sur le fait que la chape d'imperméabilisation demandée (enduit d'imprégnation à froid, enduit d'application à chaud, et bitume armé type 40 armature tissus de verre) ne répondait pas aux normes d'étanchéité ; que ce courrier, de nature à exonérer la responsabilité desdits entrepreneurs ainsi qu'ils le demandent, a été explicitement mentionné dans le procès-verbal de la réunion de chantier du 15 octobre 1985, à laquelle étaient présents le groupement d'architectes, le bureau d'études et le contrôleur technique, et au cours de laquelle a été néanmoins confirmé le choix technique de la maîtrise d'oeuvre, qui s'est avéré ensuite inadapté ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que le maître de l'ouvrage avait attiré l'attention de la maîtrise d'oeuvre sur les problèmes d‘étanchéité rencontrés lors de l'exploitation de la cuisine centrale de Montpellier ; qu'il n'est pas établi que ledit maître de l'ouvrage ait été correctement avisé des différentes possibilités techniques et, par suite, qu'il ait été mis à même de prendre une décision éclairée sur les risques encourus ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en retenant des taux de responsabilité dans la survenance des désordres respectivement de 75 % pour les architectes concepteurs : MM. Claude Y, Jacques Z, Henri X et la SCP BROSSET-HECKEL et CHABARDES, et de 25 % pour le bureau d'études SLI, qui avait en charge les normes techniques, et le contrôleur technique SOCOTEC, qui aurait dû alerter le maître de l'ouvrage lorsqu'il a eu connaissance le 15 octobre 1985 des critiques soulevées par les entrepreneurs à l'encontre du choix technique retenu par la maîtrise d'oeuvre ;
Sur les préjudices :
Considérant que M. B, dont les travaux présentent un caractère utile à l'évaluation des dommages, évalue le coût total de la réparation à la somme de 1.300.000 F (TVA incluse non récupérée), soit 198.183,72 euros ; que, par ailleurs, le rapport de l'expert C fait état d'une actualisation de l'aggravation des dommages de 1993 à 1997 estimée au taux de 2,182 % ; que dans ces conditions, et compte tenu notamment de ces deux rapports non sérieusement contestés, le montant total de l'évaluation des dommages à réparer atteint la somme de 1.328.366 F (202.508,09 euros) ; que le partage susmentionné de responsabilité aux taux de 75 % et de 25%, appliqué à ce montant, entraîne une répartition des charges à hauteur des sommes de 996.274,50 F (151.881,07 euros) et de 332.091,50 F (50.627,02 euros) ; que la commune de Béziers, dans le dernier état de ses écritures du 27 avril 2005, évalue l'ensemble de ses dommages à la somme totale de 201.500,66 euros (soit 1.321.757,70 F), dont elle demande réparation, d'une part, aux architectes à hauteur de 151.124,35 euros (991.310,77 F), d'autre part, au bureau d'études et au contrôleur technique à hauteur de 50.376,31 euros (330.446,93 F) ; qu'il y a lieu de lui accorder ces sommes, inférieures à celles dues, dans la répartition sollicitée ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que le rapport de M. B, bien qu'entaché d'un vice de procédure, doit être regardé comme ayant présenté un caractère utile à la solution du litige ; que les frais et honoraires des experts B et C ont donné lieu à deux ordonnances de liquidation et taxation des 19 août 1993 et 11 mars 1997, d'un montant total de 3.920,03 euros ( 25.713,73 F) ; qu'eu égard au partage de responsabilité susmentionné, ces frais doivent être mis à la charge conjointe et solidaire, d'une part, de MM. Claude Y, Jacques Z, Henri X, et la SCP BROSSET-HECKEL et CHABARDES à hauteur de 2.940,02 euros (19.285,28 F), d'autre part, du bureau d'études SLI et du contrôleur technique SOCOTEC à hauteur de 980,01 euros (6.428,43 F) ;
Sur l'appel en garantie de la société SOCOTEC :
Considérant, d'une part et ainsi qu'il a été dit précédemment, que les désordres en litige ne sont pas imputables à la société SOLREV ;
Considérant, d'autre part, que la société SOCOTEC a eu connaissance des réserves techniques expresses émises par l'entreprise Société d'Etanchéité du Midi quant au procédé d'étanchéité choisi par la maîtrise d'oeuvre et qui ont été retranscrites sur le procès-verbal de la réunion de chantier du 15 octobre 1985 à laquelle elle était présente ; qu'à défaut de toute réaction de sa part, elle doit être regardée comme ayant manqué à ses obligations professionnelles de contrôleur technique et n'apporte aucun élément suffisamment sérieux de nature à fonder son appel en garantie contre la maîtrise d'oeuvre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appel en garantie formé par la société SOCOTEC contre MM. Claude Y, Jacques Z, Henri X, la SCP BROSSET-HECKEL et CHABARDES, le bureau d'études SLI et la société SOLREV doit être rejeté ;
Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant au remboursement de leurs frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice du 22 mai 2002 est annulé en tant qu'il condamne MM. Claude Y, Jacques Z, Henri X, et la SCP BROSSET-HECKEL et CHABARDES, le bureau d'études SLI et le contrôleur technique SOCOTEC, d'une part, à indemniser solidairement et conjointement la commune de Béziers des préjudices qu'elle allègue en rejetant l'appel en garantie formé par SOCOTEC, d'autre part, à supporter la charge des dépens et des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 2 : MM. Claude Y, Jacques Z, Henri X, et la SCP BROSSET-HECKEL et CHABARDES sont condamnés solidairement à verser à la commune de Béziers la somme de 151.124,35 euros (991.310,77 F) à titre indemnitaire, ensemble la somme de 2.940,02 euros (19.285,28 F) au titre des frais d'expertise.
Article 3 : Les sociétés SLI et SOCOTEC sont condamnées solidairement à verser à la commune de Béziers la somme de 50.376,31 euros (330.446,93 F) à titre indemnitaire, ensemble la somme de 980,01 euros (6.428,43 F) au titre des frais d'expertise.
Article 4 : L'appel en garantie formé par la société SOCOTEC contre MM. Claude Y, Jacques Z, Henri X, la SCP BROSSET-HECKEL et CHABARDES, le bureau d'études SLI et la société SOLREV est rejeté.
Article 5 : Le surplus des conclusions de MM. Claude Y, Jacques Z, Henri X, de la SCP BROSSET-HECKEL et CHABARDES, des sociétés SLI, SOCOTEC, SOGEA SUD et de la commune de Béziers est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à MM. Claude Y, Jacques Z, Henri X, à la SCP BROSSET-HECKEL et CHABARDES, aux sociétés SLI, SOCOTEC, SOLREV, SOGEA SUD, à la mutuelle des architectes français, à l'entreprise Pages, à la commune de Béziers et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
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0201398t