Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 février 2003, sous le n° 03MA00232, présentée pour la commune de Montpellier, par la SCP Ferran Vinsonneau-Palies et Noy, avocats ;
La commune de Montpellier demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-02604 du 20 novembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant :
a) à titre principal,
- à la constatation de l'illégalité de l'article 6 de la déclaration d'utilité publique du 5 juin 1981 l'autorisant à prélever un volume d'eau supplémentaire dans la nappe phréatique dite source du Lez,
- à la constatation de la nullité de la convention du 16 avril 1980,
- à la condamnation du Syndicat intercommunal des eaux et de l'assainissement de la région du Pic Saint Loup au paiement de la somme de 4.898.161,73 euros sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;
b) à titre subsidiaire,
- à la résiliation de la convention du 16 avril 1980,
- à la condamnation du Syndicat intercommunal des eaux et de l'assainissement au paiement de la somme de 1.015.736,39 euros sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;
2°) à titre principal, de constater l'illégalité de l'article 6 de la déclaration d'utilité publique du 5 juin 1981 l'autorisant à prélever un volume d'eau supplémentaire dans la nappe phréatique dite source du Lez, ainsi que la nullité de la convention du 16 avril 1980, et de condamner le Syndicat intercommunal des eaux et de l'assainissement de la région du Pic Saint Loup au paiement de la somme de 4.898.161,73 euros sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;
à titre subsidiaire, de résilier la convention du 16 avril 1980, et de condamner le Syndicat intercommunal des eaux et de l'assainissement au paiement de la somme de 1.015.736,39 euros sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;
3°) de condamner le SIEA à lui verser une somme de 4000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 juillet 2005, présenté pour le syndicat intercommunal des eaux et de l'assainissement de région du Pic Saint Loup par la SCP Coulombie-Gras-Cretin-Becquevort, avocat ; il conclut à titre principal au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Montpellier à lui verser une somme de 2000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 juillet 2003, présenté par le SIVOM du Pic Saint Loup qui conclut à sa mise hors de cause
Vu la lettre en date du 11 octobre 2005, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 octobre 2005, pour la commune de Montpellier, en réponse au moyen d'ordre public ;
Vu le mémoire, enregistré le 31 octobre 2005, pour le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la région du Pic St Loup qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2005 :
- le rapport de Mlle Josset , premier conseiller,
- les observations de Me X... de la SCP Ferran, Vinsonneau-Palies et Noy pour la commune de Montpellier,
- les observations de Me Y... de la SCP Coulombié, Gras, Cretin, Becquevort pour le syndicat intercommunal des eaux et de l'assainissement de la région du Pic St Loup,
- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence de la juridiction administrative
Considérant qu'une convention liant la commune de Montpellier, le syndicat intercommunal des Eaux et de l'assainissement de la région du Pic St Loup (SIAE du Pic St Loup) et le syndicat d'adduction d'eau de la région du Pic St Loup, approuvée par le préfet de l'Hérault le 16 avril 1980, d'une part, a autorisé la commune de Montpellier à augmenter ses prélèvements d'eau potable à la source du Lez, dans la nappe phréatique karstique où s'approvisionnait le SIAE du Pic St Loup, mais où elle possédait elle-même un captage, d'autre part et en contrepartie, afin d'éviter de compromettre l'approvisionnement des communes membres du SIAE, notamment par une baisse excessive du niveau de la nappe, a imposé à la commune de Montpellier l'interconnexion des réseaux et la restitution au SIAE d'un volume d'eau déterminé à un prix volontairement fixé pour 15 ans au-dessous du prix de revient de l'eau pompée et traitée par ladite commune ;
Considérant que la convention susvisée, qui a pour objet la mise en commun et le partage des ressources d'eau potable entre la commune de Montpellier et les communes adhérentes au SIAE du Pic Saint-Loup, doit être regardée comme relative à l'organisation respective de leurs services publics de distribution d'eau potable ; que, par suite, la demande de la commune de Montpellier tendant à ce que le juge constate la nullité de cette convention et condamne le SIAE du Pic-Saint-Loup au titre de l'enrichissement sans cause, ressortit à la compétence de la juridiction administrative ;
Sur la nullité de la convention du 16 mai 1980
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention signée notamment par le maire de Montpellier et le SIAE du Pic St Loup ARTICLE 14 ; DURÉE DU CONTRAT ; Il est rappelé que Montpellier garantit et restitue, pour une durée illimitée, le débit défini à l'article 3. Pour ce qui concerne la redevance visée à l'article 8, la durée de la présente convention est fixée à 15 ans à compter de la mise en service des ouvrages. Le prix de base fixé à l'article 8 ainsi que la formule d'actualisation prévue à l'article 10 pourront être revus à la demande de l'une des parties, à l'achèvement de cette période de 15 ans. En aucun cas, le nouveau prix de vente du mètre cube d'eau de Montpellier au Pic St Loup ne saura être supérieur au prix de production du mètre cube de l'eau utilisée... ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Montpellier, qui estime que la formule de révision susanalysée ne permet pas de tenir compte de l'évolution des conditions économiques, n'a pu, malgré la conclusion en 1985 d'un avenant destiné à modifier cette formule, parvenir à un accord avec le SIAE en vue de fixer le prix du mètre cube d'eau à un niveau conforme à celui qui lui paraissait justifié ; qu'en conséquence, elle a saisi le Tribunal Administratif de Montpellier d'une demande tendant à ce que les premiers juges constatent la nullité de la convention litigieuse et condamnent le SIAE sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;
Considérant que la durée d'un contrat conclu entre deux personnes publiques et qui a pour objet, comme en l'espèce, l'organisation du service public de la distribution d'eau potable par la mise en commun et le partage des ressources, ne saurait, sans qu'il soit porté une atteinte excessive aux principes qui régissent le fonctionnement du service public et notamment au principe d'adaptabilité, être fixée sans aucune limitation ; que la circonstance que la commune de Montpellier serait susceptible de mettre fin à son obligation de restitution d'eau en renonçant à son droit de puisage, ne saurait être regardée comme conférant à cette convention une durée limitée ; que l'absence de toute stipulation limitant la durée de la convention du 16 avril 1980 a pour effet d'entacher de nullité l'ensemble de ses clauses ; que, dès lors, la commune de Montpellier est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que soit constatée la nullité de cette convention ;
Sur les conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité contractuelle
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la convention du 16 avril 1980 est entachée de nullité et ne peut donc produire d'effet à l'égard des parties ; que, par suite, la commune de Montpellier ne peut, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, obtenir la condamnation du SIAE du Pic-Saint-Loup à lui verser les sommes qu'elle estime dues pour les prestations fournies en application de ladite convention ;
Sur les conclusions indemnitaires fondées sur l'enrichissement sans cause
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription quadriennale :
Considérant que lorsque le juge est conduit à contester la nullité d'un contrat, les cocontractants peuvent invoquer, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'exécution du contrat frappé de nullité a procuré à l'un deux ;
Considérant qu'il ne résulte cependant pas de l'instruction qu'à l'enrichissement du SIAE, qui a bénéficié d'un prix de vente au m3 inférieur au prix de revient, ait correspondu un appauvrissement de la commune de Montpellier dès lors que celle-ci a, en contre-partie, obtenu le droit de puiser des quantités d'eau supplémentaires très importantes dans la nappe phréatique du Lez ; que les conclusions fondées sur l'enrichissement sans cause doivent dès lors être rejetées ;
Sur les conclusions dirigées contre l'article 6 de l'arrêté interpréfectoral en date du 5 juin 1981
Considérant, en premier lieu, qu'il n'appartient pas au juge administratif de procéder à la simple constatation de l'illégalité de l'arrêté portant déclaration d'utilité publique susmentionnée ;
Considérant, en second lieu, qu'à supposer que la commune de Montpellier ait entendu demander l'annulation des dispositions de l'article 6 de l'arrêté susmentionné, prévoyant l'obligation de restitution d'eau au SIAE, ces dispositions sont indissociables de l'ensemble de l'arrêté et sont par suite insusceptibles de faire l'objet d'une annulation partielle ; que, dès lors, cette demande n'est pas recevable ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Considérant que dans les circonstances de l'espère, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de la commune de Montpellier et du SIAE du Pic Saint Loup ;
DECIDE
Article 1er : La convention susvisée du 16 mai 1980 est annulée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la commune de Montpellier est rejeté.
Article 3 : Le jugement attaqué du tribunal administratif de Montpellier est réformé à ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Les conclusions du SIAE du Pic Saint-Loup tendant à la condamnation de la commune de Montpellier au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montpellier, au SIAE du Pic Saint-Loup, au Sivom du Pic Saint Loup, et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
N° 03MA00232 2