Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2003, et le mémoire enregistré au greffe le 18 juin 2003 présentée pour M. et Mme Pierre-Yves X, élisant domicile ..., par la SCP Fidal ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 9704213, 9704214 en date du 27 février 2003 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1993,1994 et 1995 ;
2°/ de prononcer la décharge des cotisations litigieuses ;
3°/ de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2005,
- le rapport de M. Duchon-Doris, rapporteur ;
- les observations de Me Gougaud, de la SCP Fidal, pour M. et Mme X ;
- et les conclusions de M. Bonnet, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la motivation de la notification de redressements :
Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation... Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée » ; que M. et Mme X font valoir que la notification de redressement en date du 24 juillet 1996 qui leur a été adressée est insuffisamment motivée dès lors que le vérificateur ne fait que reproduire les termes de la notification adressée à la SA de Gestion du groupe Serres sans y ajouter aucun argument supplémentaire ni aucune explication et fait application des dispositions de l'article 109.1.2° et 111c du code général des impôts sans démontrer ni que les sommes dont s'agit ont profité aux associés et ont été effectivement appréhendées par eux, ni qu'elles constitueraient des rémunérations et avantages occultes au sens de l'article 111c du même code ; qu'il ressort toutefois de la lecture de ce document que l'administration a clairement exposé, en les reprenant dans le corps de la notification, les motifs de droit et de fait conduisant, d'une part, à regarder la prise en charge par la SA de Gestion du groupe Serres de sommes normalement à la charge de M. et Mme X comme constitutive d'un acte anormal de gestion, d'autre part, à regarder lesdites sommes « ayant bénéficié directement à M. X » comme des revenus distribués sans avoir fiscal ; que, par suite, le moyen manque en fait ;
En ce qui concerne l'application de l'article L.48 du Livre des procédures fiscales :
Considérant qu'aux termes de l'article L.48 du même livre : « A l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l'article L.57, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements » ;
Considérant que le rappel en litige procède de la notification aux époux X des conséquences sur leur revenu global des années 1993 à 1995 des redressements notifiés à la société de Gestion du groupe Serres dont ils sont associés majoritaires et ne découle pas, en ce qui les concerne, d'une des procédures de contrôle visées par l'article L.48 précité et diligentée à leur égard ; que, par suite, l'administration n'avait pas à indiquer le montant des droits et pénalités résultant des redressements qu'elle envisageait, alors même que ceux-ci correspondaient à un acte anormal de gestion relevé lors de la vérification de la comptabilité de la société de Gestion du groupe Serres ; que, par suite, l'argumentation sur ce point des époux X doit être rejetée ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 109.1.2° du code général des impôts : « Sont considérés comme revenus distribués : …2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices… » ; qu'aux termes de l'article 111c du même code « Sont notamment considérés comme revenus distribués : c. Les rémunérations et avantages occultes ; … » ;
En ce qui concerne la prise en charge par la société de la somme de 3 500 000 francs :
Considérant, en premier lieu, que l'exécution, par une société, d'opérations présentant un avantage pour un actionnaire ne peut être regardée comme une libéralité que s'il est établi, compte tenu, le cas échéant, des règles gouvernant la charge de la preuve, que l'avantage consenti ne comportait pas pour cette société une contrepartie appréciable qu'elle avait elle-même recherchée dans son propre intérêt ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme Pierre-Yves X et Mme Hélène Serres, actionnaires majoritaires de la Société de Gestion du groupe Serres, se sont portés cautions pour un montant de 10 000 000 francs chacun en vue de permettre la souscription par la société Serres et Pilaire dont ils étaient également actionnaires, de prêts auprès de la Société Générale et de couvrir l'éventuel découvert bancaire de ladite société dans les écritures de cette banque ; qu'à la suite de la défaillance de la société Serres et Pilaire, dont la liquidation a été prononcée le 23 février 1989, la Société Générale a été amenée à prendre des mesures conservatoires à l'égard des cautions solidaires ; que, par accord transactionnel en date du 29 juillet 1993 conclu entre lesdits associés et la Société Générale, la dette de la société a été ramenée de 5 024 766,09 francs hors intérêts à la somme de 3 500 000 francs ; qu'en application d'une décision de l'assemblée générale des associés de la Société de Gestion du groupe Serres en date du 4 août 1983 aux termes de laquelle « la société mère rembourse à chacun des associés s'étant porté caution le montant des dettes qu'ils seraient obligés de payer à raison de cet engagement de caution et, dans la mesure de ses disponibilités, …elle en supporte le règlement », cette société a pris en charge la dette de ses actionnaires majoritaires et a réglé l'établissement bancaire ; qu'en se substituant ainsi à ses actionnaires pour l'exécution d'un engagement personnel, la Société de Gestion du groupe Serres leur a consenti un avantage ; que pour soutenir que cette décision comportait une contrepartie appréciable, la société requérante fait valoir que la prise en charge dont s'agit n'est que l'exécution d'un engagement pris en 1983 qui a eu pour contrepartie le maintien des cautions personnelles des associés de 1983 à 1989 exigées par les banques eu égard à l'activité de transit douanier de la société et que l'accord transactionnel, par la réduction de la dette de la SA Serres et Pilaire qu'il a permis, a réduit le risque qu'encourait la SA de Gestion du groupe Serres d'être poursuivie au titre d'une action en comblement de passif dans le cadre de la procédure collective concernant sa filiale et en a même fait disparaître l'éventualité ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier d'une part que la caution personnelle des associés recherchée dans le litige ayant donné lieu à l'accord transactionnel dont s'agit, en date du 3 septembre 1987, ne concernait qu'une ouverture de crédit consentie par la Société Générale à la société Serres et Pilaire, d'autre part que la dette a été prise en charge par la SA de Gestion du groupe Serres sans inscription d'aucune créance sur lesdits actionnaires dans ses comptes, sans que ceux-ci n'aient préalablement exécuté ledit engagement de caution et alors qu'ils n'étaient pas dans l'incapacité de respecter cet engagement ; que, dans ses conditions, l'avantage que la SA de Gestion du groupe Serres a consenti à ses actionnaires majoritaires ne peut être regardé comme ayant comporté pour elle une contrepartie appréciable, utile à ses intérêts ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que la prise en charge dont s'agit procède d'un acte anormal de gestion ;
En ce qui concerne la qualification de revenus distribués :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la SA de Gestion du groupe Serres a consenti un avantage sans contrepartie à M. et Mme X, associés majoritaires, en prenant à sa charge une dette qui leur était personnelle et dont ils ne s'étaient pas encore acquittés ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les sommes dont s'agit devaient être regardées comme des bénéfices distribués aux actionnaires bénéficiaires de cet avantage ; que si M. et Mme X font valoir qu'ils n'étaient pas les seules parties à la transaction conclue avec la Société Générale et qu'une quote-part aurait dû être notifiée à Mme Hélène Serres, également concernée par cet accord, il ressort de la lecture dudit accord transactionnel que seul M. X s'était engagé, aux termes de celui-ci, à verser à la Société Générale la somme de 3 500 000 francs pour solde de tous comptes si bien que la prise en charge par la SA de Gestion du groupe Serre du paiement de cette dette qui lui était personnelle ne constitue un avantage qu'à son seul profit ; que par suite, le moyen doit être rejeté ;
Sur la demande de compensation :
Considérant qu'aux termes de l'article L.80 du livre des procédures fiscales : « l'administration peut effectuer toutes les compensations entre l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, …établis au titre d'une même année. Les compensations de droits sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable qui a fait l'objet d'un redressement lorsqu'il démontre qu'une taxation excessive a été établie à son détriment ou lorsque le redressement fait apparaître une double imposition » ;
Considérant que M. et Mme X demandent, sur le fondement des dispositions précitée de l'article L.80 du livre des procédures fiscales, une compensation en soutenant que si M. X avait effectivement supporté la charge du paiement des cautions, ces sommes auraient bien été déductibles de son revenu imposable ; qu'il est toutefois constant, ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, que ce n'est pas le requérant qui a déboursé la somme dont s'agit mais la société de Gestion du groupe Serres, laquelle a porté la somme de 3 500 000 francs en produit et en charge et qu'il n'a été amené à supporter les conséquences fiscales de ladite somme qu'au titre des « revenus distribués » ; que, par suite, les conclusions en compensation ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qu'il précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à fonder à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1993, 1994 et 1995 ;
Sur la demande de frais irrépétibles :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est dans la présente espèce ni la partie perdante ni la partie tenue aux dépens, la somme que M. et Mme X réclament au titre des frais supportés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
N° 03MA01161 4