Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2004, présentée pour Mlle Myriam X, ... par Me Jonquet ; Mlle X demande à la Cour :
1°) de réformer l'article 1er du jugement n° 02.145 du 5 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 5 951,02 euros, somme qu'elle juge insuffisante ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui payer la somme de 15 500 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et la somme de 30 500 euros au titre du prétium doloris avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter de la réception de la demande préalable ;
3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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II) Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2004, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER-LODEVE, représentée par son directeur en exercice, dont le siège est 90 allée Almicare Calvetti à Montpellier (34082 Cedex 04), par Me Bene ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 02.145 du 5 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui payer la somme de 69 221,85 euros au titre des débours résultant de l'hospitalisation de Mlle X, la somme de 760 euros sur le fondement des articles 9 et 10 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 et la somme de 556,51 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui payer la somme de 21 527,93 euros au titre des débours résultant des conséquences de l'infection hospitalière dont a été victime Mlle X, la somme de 760 euros en application des articles 9 et 10 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 et la somme de 551,56 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, notamment son article 98 ;
Vu la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2006,
- le rapport de M. Bourrachot, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;
Sur la jonction :
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de motivation de la requête de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER-LODEVE :
Considérant, d'une part, qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : « Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droits les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément … » ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, de mettre en cause la caisse de sécurité sociale qui a servi des prestations à un assuré social, victime d'un accident dont il impute la responsabilité à un tiers ; qu'à la suite de cette mise en cause, la caisse devient partie à l'instance engagée par son assuré ; qu'il lui appartient, le cas échéant, de relever appel dans les conditions de droit commun ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes des dispositions de l'article R. 811-13 du code de justice administrative : « Sauf dispositions contraires prévues par le présent titre, l'introduction de l'instance devant le juge d'appel suit les règles relatives à l'introduction de l'instance de premier ressort définies au livre IV. Sont de même applicables les dispositions des livres VI et VII. » ; qu'aux termes de l'article R. 411-1 du livre IV du même code : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours » ;
Considérant que la requête de la CAISSE PRIMAIRE D ‘ASSURANCE MALADIE contient une critique du jugement dont elle entend relever appel et limite le montant de ses prétentions pour tenir compte de la réponse qui lui a été faite par les premiers juges, en indiquant qu'elle ne demande en appel, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, que remboursement des seuls frais d'hospitalisation du 2 février 1997 au 27 février 1997, qu'elle estime exclusivement imputables aux complications survenues après l'intervention du 21 janvier 1997 ; que sa requête satisfait ainsi aux exigences de motivation de l'article R. 811-13 du code de justice administrative ; qu'il suit de là que le centre hospitalier universitaire de Montpellier n'est pas fondé à soutenir que la requête de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER-LODEVE doit être rejetée comme irrecevable ;
Sur le régime de responsabilité applicable :
Considérant qu'aux termes de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, dans la rédaction que lui a donnée l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002 : Les dispositions du titre IV du livre 1er de la première partie du code de la santé publique issues de l'article 98 de la présente loi, à l'exception du chapitre 1er de l'article L. 1142-2 et de la section 5 du chapitre II, s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, qui sont intervenues pour préciser les modalités d'entrée en vigueur de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002 et qui ne contreviennent pas aux stipulations du premier alinéa de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le nouveau régime de responsabilité institué par les articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique s'applique aux accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés à compter du 5 septembre 2001, même s'ils font l'objet d'une instance en cours ; qu'il n'est en revanche pas applicable aux procédures en cours relatives à des accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés avant cette date ; que l'intervention à laquelle est imputé le dommage subi par Mlle X a été pratiquée le 2 février 1997 au centre hospitalier universitaire de Montpellier ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, il n'y pas lieu de faire application du régime de responsabilité institué par la loi du 4 mars 2002 et des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique en résultant ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction notamment du rapport de l'expertise ordonnée en première instance, que l'insuffisance rénale et l'aplasie médullaires apparus après l'intervention qu'a subie Mlle X le 21 janvier 1997 ne sont pas imputables à l'infection nosocomiale dont le centre hospitalier universitaire de Montpellier a été déclaré responsable par les premiers juges ;
Considérant qu'en appel, pour justifier le bien-fondé de ses prétentions, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER-LODEVE produit divers documents dont un relevé détaillé des prestations qui mentionne la nature des différents frais supportés avec les montants correspondants ainsi que leur date et une analyse effectuée par son médecin conseil ; que la seule circonstance que le médecin conseil de la caisse serait un préposé de celle-ci ne suffit pas à ôter toute valeur probante aux précisions ainsi apportées ; qu'il résulte de l'analyse de ces documents, que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE a versé au titre des frais médicaux directement en relation avec les complications dont le centre hospitalier est responsable, la somme globale de 21 527,93 euros ;
Considérant qu'il est constant que Mlle X ne travaillait pas au moment des faits et ne saurait, dès lors, prétendre à une indemnité pour perte de revenus au titre de son incapacité temporaire totale du 20 janvier 1997 au 4 mai 1998 ; que toutefois, il résulte de l'instruction que du fait de l'infection qu'elle a contractée à l'hôpital la durée de son incapacité a excédé celle qui aurait normalement résulté de l'intervention ; que de ce fait, et alors même qu'elle ne souffre d'aucun déficit fonctionnel permanent depuis la consolidation de son état au 9 juillet 1998, Mlle X a subi des troubles dans ses conditions d'existence dont il sera fait une juste appréciation en les évaluant à la somme de 15 500 euros dont la moitié répare l'atteinte à l'intégrité physique ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de préjudice subi par Mlle X au titre de la part des souffrances physiques imputables à l'infection, en le fixant à 3 500 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total du préjudice dont la réparation doit être mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier s'élève à la somme totale de 40 527,93 euros, dont 29 277,93 euros pour ce qui est de l'atteinte à l'intégrité physique et 11 250 euros pour les autres dommages, et à laquelle s'ajoute l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376 ;1 du code de la sécurité sociale ;
Sur les droits de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER-LODEVE :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut la caisse justifie de débours s'élevant à 21 527,93 euros au titre des frais d'hospitalisation ; que le total de sa créance est inférieur à la somme de 29 277,93 euros sur laquelle elle peut s'imputer ; qu'il y a lieu, par suite, de fixer l'indemnité due à la caisse à la somme de 21 527,93 euros ; qu'elle est, en outre, fondée à réclamer le versement d'une indemnité forfaitaire de 760 euros en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; que, par suite, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER-LODEVE est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande, et à demander l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué et la condamnation du centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 22 287,93 euros ;
Sur les droits de Mlle X :
Considérant que Mlle X a droit à la somme de 19 000 euros, calculée ainsi qu'il a été dit ci-dessus ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts et leur capitalisation :
Considérant, d'une part, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que, par suite, Mlle X a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 19 000 euros à compter du 14 février 2002, date à laquelle elle a demandé réparation au centre hospitalier universitaire de Montpellier ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que Mlle X a demandé le 18 mai 2004 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date que, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la requérante n'a pas ensuite formulé de nouvelles demandes de capitalisation, à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier de Montpellier à payer à Mlle X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier de Montpellier à payer à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER-LODEVE la somme de 556,51 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 5 février 2004 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Montpellier est condamné à verser à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER-LODEVE la somme de 22 287,93 euros et la somme de 556,51 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La somme que le centre hospitalier universitaire de Montpellier été condamné à payer à Mlle X par le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 5 février 2004 est portée de 9 000 euros à 19 000 euros sous déduction de la provision versée en exécution de l'ordonnance du 15 novembre 2001 . Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 14 février 2002 et, pour la part de cette somme qui a été déjà versée à titre de provision, jusqu'à la date du ou des versements dont s'agit. Les intérêts échus à la date du 18 mai 2004 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 5 février 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le centre hospitalier universitaire de Montpellier est condamné à verser à Mlle X la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative .
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle X, à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MONTPELLIER-LODEVE, au centre hospitalier universitaire de Montpellier et au ministre de la santé et des solidarités.
N° 04MA01079 - 04MA001121 2