Vu la requête enregistrée le 20 septembre 2004 et le mémoire complémentaire en date du 3 mars 2005 pour l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG dont le siège se situe 100 avenue de Suffren à Paris (75015) par Me Champetier de Ribes ; l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0104460 en date du 19 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser à Mme Carole X la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi lors de sa contamination par le virus de l'hépatite C, mis les frais d'expertise à la charge de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et rejeté les demandes de condamnation fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande formulée par Mme X devant les premiers juges ;
3°) de condamner Mme X à rembourser les sommes versées en exécution du jugement avec intérêts de droits ;
4°) de condamner Mme X à lui verser une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 janvier 2006 :
- le rapport de M. Marcovici, rapporteur ;
- les observations de Me Bouard de la SCP Champetier de Ribes pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ;
- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que si l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG invoque le défaut de mise en cause de la caisse primaire d'assurance maladie, il résulte de l'instruction que le tribunal administratif a mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées Orientales ; que le moyen manque donc en fait ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : «En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse, de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable» ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;
Considérant que Mme X a reçu au cours de chacune des années 1986 et 1987 deux injections d'immunoglobulines anti-rubéole ; qu'au cours de l'année 1992, une contamination par le virus de l'hépatite C a été diagnostiquée ; que le Tribunal administratif de Montpellier a condamné l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à réparer les conséquences dommageables de cette contamination ;
Considérant que s'il est constant que Mme X ne présentait pas de facteurs de risque connus et que les donneurs à l'origine des lots injectés à Mme X n'ont pas été retrouvés, l'expert commis par les premiers juges a conclut que «le degré de probabilité d'un lien de causalité entre l'injection de gammaglobuline et la contamination alléguée paraît nulle (sauf à démontrer le contraire)» et que «il est impossible à l'expert de circonscrire l'époque à laquelle la contamination a eu lieu car il a été impossible de déterminer les modalités de contamination de Mme Carole X puisqu'en l'occurrence cette contamination (sous réserve de démontrer le contraire) n'a pas eu lieu à partir des 2 lots de gammaglobulines injectées» , qu'il résulte au surplus de l'instruction que l'étude ascendante effectuée par le centre de transfusion sanguine a permis de retrouver pour chacune des deux périodes en cause, deux receveurs des lots dont les produits ont également été injectés à Mme X ; que ces deux receveurs ne sont pas infectés par le virus de l'hépatite C ; qu'ainsi, Mme X n'apporte pas un faisceau d'éléments conférant à l'hypothèse de sa contamination par les deux injections d'immunoglobulines, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à réparer les conséquences dommageables de l'infection de Mme X par le virus de l'hépatite C ;
Sur les autres conclusions de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG :
Considérant, en premier lieu, et en tout état de cause, que si l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG a, en exécution du jugement attaqué, versé le 2 septembre 2004 à Mme X la somme de 20 000 euros dont il se trouve déchargé par la présente décision, il n'est pas fondé à demander à la Cour la condamnation de Mme X à la réparation sous la forme d'intérêts au taux légal, du préjudice subi par lui du fait du versement de ladite somme auquel il était tenu en raison du caractère exécutoire du jugement ;
Considérant, en second lieu, que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG détient le pouvoir d'émettre un titre exécutoire à l'effet de fixer les sommes qui lui sont dues ; qu'ainsi, les conclusions de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG tendant à ce que la Cour condamne Mme X à lui rembourser les sommes qu'il lui a versées en application du jugement susvisé annulé par le présent arrêt de la Cour, sont irrecevables ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, qui n'a pas la qualité de partie perdante, soit condamné à verser à Mme X les sommes qu'elle réclame, au titre des frais non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner Mme X à verser à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG les sommes qu'il réclame au titre des frais non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de l'appel incident de Mme sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, à Mme X, à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Orientales et au centre hospitalier Maréchal Joffre de Perpignan.
Copie en sera adressée à la SCP Champetier de Ribes, à la SCP Marty-Sanchez-Vidal-de Sousa et au préfet Ile-de-France.
N°0402107 2