Vu la requête, enregistrée le 18 février 2005, présentée par la SELARL Squadra associés, avocats, pour la SNC Armement Gérald Jean I et III, dont le siège est 7 Quai de la République à Port Vendres (66660), représentée par son représentant en exercice, et pour M. Jean X, élisant domicile ... ;
Les requérants demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de refus de leur verser 1 219 592 euros à titre d'aide à la construction d'un navire, prise par le ministre chargé de la pêche, et à la condamnation de l'Etat à leur verser ladite somme ou, subsidiairement la somme de 762 245 euros ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser 1 219 592 euros, assortis des intérêts au taux légal depuis le 14 septembre 1997, lesdits intérêts devant être capitalisés ou de décider qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêté ;
3°) à titre subsidiaire, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des communautés européennes ;
4°) également à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à leur verser 799 501,95 euros à titre de dommages et intérêts, ladite somme devant être assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 1997, qui devront être capitalisés ;
5°) de condamner l'Etat aux dépens et au paiement de 10 000 euros au titre de leurs frais de procédure en première instance et 10 000 euros au titre de leurs frais de procédure en appel ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2005, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche qui conclut au rejet de la requête ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la communauté européenne ;
Vu le règlement du conseil de la communauté européenne n°3699/93 du 21 décembre 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 février 2006 :
- le rapport de M. Gonzalès, président-assesseur ;
- les observations de Me Rignouelt de la SELARL Squadra associés pour la SNC Armement I et III et M. X ;
- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;
Sur le rejet des conclusions à fin d'annulation
Considérant que la société Armement Gérald Jean I et III a sollicité en septembre 1997 une aide publique pour la reconstruction d'un navire détruit en mer, qui lui a été refusée par le ministre chargé de la pêche, l'Etat français ayant été en effet invité par la commission européenne à mettre fin, à partir du 1er janvier 1997 à l'octroi des aides nationales à la modernisation et à la construction des bateaux de pêche visées à l'article 10 du règlement n°3699/93 du conseil de l'union européenne en date du 21 décembre 1993 ;
Considérant que cet article, qui autorise les Etats membres à « prendre des mesures en faveur de la construction de navires de pêche dans la mesure où ils respectent, dans les délais prévus, les objectifs intermédiaires globaux et les objectifs finals par segment des programmes d'orientation pluriannuels », a pour objet « le renouvellement des flottes et la modernisation des navires de pêche » ; que la reconstruction, même à l'identique, d'un navire perdu en mer constitue nécessairement une cause de renouvellement des flottes et qu'ainsi, l'aide publique sollicitée à cette fin entre clairement dans le champ d'application de cette réglementation européenne sans qu'il y ait lieu de poser sur ce point une question préjudicielle à la Cour de justice des communautés européennes ; que la décision de rejet de cette demande, fondée sur la suspension des mesures nationales en faveur des navires de pêche résultant d'un non-respect par la France des objectifs susmentionnés, n'est donc entachée d'aucune erreur de droit ; qu'il en résulte que la société appelante n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur le rejet des conclusions indemnitaires
Considérant, en premier lieu, que la suspension des aides publiques nationales en cas de non-respect par un Etat membre des objectifs mentionnés à l'article 10 du règlement européen précité, est expressément envisagée par cet article ; qu'ainsi, cette circonstance ne peut s'analyser que comme un changement prévisible dans le régime d'aides publiques établi en France en application dudit article ; que ce changement était d'ailleurs intervenu avant le dépôt du dossier de demande d'aide publique par la société requérante ;
Considérant, en second lieu, que la seule circonstance qu'une commission administrative ait délivré, avant le dépôt de ce dossier, un avis favorable de principe à l'octroi d'une aide, formulé « sous réserve de régime d'aide applicable et des disponibilités budgétaires », et qui ne lie pas le ministre de la pêche dans son appréciation du bien fondé d'une telle demande, ne correspond pas à un engagement ferme de l'Etat en faveur de cette société et n'a pas pu faire naître au profit de cette dernière l'espérance fondée qu'elle obtiendrait satisfaction ; que le fait que la région Languedoc-Roussillon ait octroyé une aide financière à la société requérante et que celle-ci ait obtenu par ailleurs des permis de mise en exploitation et de navigation pour son bateau, n'est pas de nature à modifier cette appréciation ; qu'il en résulte que l'administration ne peut se voir reprocher d'avoir méconnu en l'espèce le principe de confiance légitime invoqué par cette société ou de n'avoir pas tenu ses promesses ; qu'aucune faute ne peut donc lui être reprochée à ce titre ;
Considérant, d'ailleurs, que si la société requérante soutient que la responsabilité de l'Etat serait engagée envers elle en raison du dépassement des objectifs assignés à la France en vertu de l'article 10 du règlement précité, cette circonstance ne constitue pas, toutefois, une violation fautive de ce règlement qui se borne à prévoir la suppression des aides publiques dans le cas où ces objectifs ne sont pas respectés ; qu'elle n'a pu davantage, dans la mesure où les ressortissants d'autres pays ayant respecté leurs objectifs pourraient bénéficier d'aides à la reconstruction de leurs navires, avoir pour effet de créer une discrimination illégale en défaveur des requérants, dès lors qu'au regard de l'application du règlement européen, les pêcheurs sont placés dans des situations objectives différentes du fait même de leur nationalité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre du rejet, par le tribunal, de ses conclusions indemnitaires ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative
Considérant que les requérants, qui succombent dans la présente instance, ne peuvent prétendre au remboursement de ses frais de procédure ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête susvisée de la société Armement Gérald Jean I et III et de M. Jean X est rejetée
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Armement Gérald Jean I et III, à M. Jean X et au ministre de l'agriculture et de la pêche.
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N° 05MA389