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01/06/2006 | FRANCE | N°02MA00240

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 01 juin 2006, 02MA00240


Vu la requête, enregistrée le 14 février 2002, présentée pour la SOCIETE PALMETTO SA, représenté par son représentant légal, dont le siège est ... au Luxembourg (L 1118), par la SCP d'avocats Sirat, Jean-Paul Y... ; la SOCIETE PALMETTO SA demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 94-391/94-557 du 31 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes présentées par M. A... d'une part et par la Société Civile Immobilière (SCI) Chemin du Cap et Mme Pellerin d'autre part tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 décembre 1993

par lequel le maire de la commune d'Antibes a rapporté l'arrêté en date du ...

Vu la requête, enregistrée le 14 février 2002, présentée pour la SOCIETE PALMETTO SA, représenté par son représentant légal, dont le siège est ... au Luxembourg (L 1118), par la SCP d'avocats Sirat, Jean-Paul Y... ; la SOCIETE PALMETTO SA demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 94-391/94-557 du 31 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes présentées par M. A... d'une part et par la Société Civile Immobilière (SCI) Chemin du Cap et Mme Pellerin d'autre part tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 décembre 1993 par lequel le maire de la commune d'Antibes a rapporté l'arrêté en date du 27 juillet 1993 par lequel il a retiré deux arrêtés de permis de construire en date du 18 janvier 1989 et 9 juillet 1991 et a, à nouveau, rapporté lesdits permis de construire ;

2°/ d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°/ de condamner la commune d'Antibes à lui verser une somme de 3.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2006,

- le rapport de Mme Buccafurri, rapporteur ;

- les observations de Me X... de la SCP Charles Sirat et Jean Paul Y... pour la SOCIETE PALMETTO SA ;

- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêté en date du 18 janvier 1989, le maire de la commune d'Antibes a délivré à la Société civile immobilière (SCI) Chemin du Cap un permis de construire autorisant, sur une parcelle cadastrée CE n° 43 sise sur la presqu'île de l'Islette à Antibes, l'extension, pour une surface hors oeuvre nette (SHON) de 75,93 m², d'un bâtiment existant, portant la SHON totale à 329,55 m² ; que, par un arrêté en date du 9 juillet 1991, le maire de ladite collectivité a accordé à la même société un permis de construire modificatif ayant pour objet de porter la SHON totale à 480 m² ; qu'à la suite des procès-verbaux d'infraction dressés par des agents de la Direction Départementale de l'Equipement les 13 décembre 1990 et 8 janvier 1993, desquels il ressortait que les surfaces réalisées excédaient celles autorisés par lesdits permis de construire et d'une information judiciaire qui aurait établi l'insincérité des dossiers des demandes des permis de construire sollicités, le préfet des Alpes-Maritimes a demandé au maire d'Antibes de procéder au retrait des permis de construire en cause ; que, par un arrêté en date du 27 juillet 1993, le maire d'Antibes, se fondant sur la présentation mensongère des demandes de permis de construire, a procédé au retrait des décisions en litige ; que, toutefois, le préfet des Alpes-Maritimes a demandé au maire de retirer son arrêté du 27 juillet 1993 afin de mieux le motiver ; que, par un arrêté en date du 20 décembre 1993, le maire de la commune d'Antibes a, d'une part, retiré son précédent arrêté du 27 juillet 1993 et, d'autre part, procédé à nouveau au retrait des permis de construire délivrés les 18 janvier 1989 et 9 juillet 1991 ; que, M. A..., venant aux droits de la SCI Chemin du Cap a demandé au Tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 20 décembre 1993 ; qu'au cours de cette instance, la SOCIETE PALMETTO SA, qui avait acquis par un acte du 17 juillet 1997 de M. A..., le terrain d'assiette et les constructions qui y étaient édifiées, est intervenue volontairement à ladite instance qu'elle a déclarée vouloir reprendre ; que, par la présente requête, la SOCIETE PALMETTO SA relève appel du jugement susvisé en date du 31 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté notamment la demande présentée par M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté précité en date du 20 décembre 1993 ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R.731-3 du code de justice administrative : «Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article R.222-13, les parties peuvent présenter soit en personne, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites… / La formation de jugement peut également entendre les agents de l'administration compétente ou les appeler devant elle pour fournir des explications. / Au tribunal administratif, le président de la formation de jugement peut, au cours de l'audience et à titre exceptionnel, demander des éclaircissements à toute personne présente dont l'une des parties souhaiterait l'audition. / Le commissaire du gouvernement prononce ensuite ses conclusions.» ;

Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Nice a entendu les observations orales d'un représentant du préfet alors que l'Etat n'était pas partie aux instances n° 94-391 et 94-557, appelées à l'audience ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'agent en cause aurait entendu présenter ses observations pour le compte de la commune d'Antibes, alors que cette dernière n'établit pas ni même n'allègue qu'une convention de mise à disposition aurait été conclue entre l'Etat et la commune, en application des dispositions des articles L.421-2-6 et R.490-2 du code de l'urbanisme ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la commune d'Antibes, ce fonctionnaire ne pouvait être regardé comme un «agent de l'administration compétente» au sens des dispositions susrappelées de l'article R.731-3 du code de l'urbanisme ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le fonctionnaire concerné aurait présenté ses observations à la suite d'une demande d'éclaircissements formulée par le président de la formation de jugement pour faire droit à une demande d'audition sollicitée par l'une des parties aux instances en cause ; qu'il suit de là que la SOCIETE PALMETTO SA est fondée à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et qu'elle est fondée à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Nice ;

Sur la légalité de l'arrêté du 20 décembre 1993 :

Considérant que, pour procéder, par l'arrêté contesté du 20 décembre 1993, au retrait des permis de construire en date des 18 janvier 1989 et 9 juillet 1991, le maire de la commune d'Antibes s'est fondé sur la circonstance que les permis de construire avaient été obtenus au vu d'un dossier mensonger présenté à l'administration dans le seul but d'obtenir une autorisation en vue de donner faussement une apparence légale à la réalisation de travaux non autorisés et que ces faits constituaient des manoeuvres intentionnelles de nature à induire en erreur l'administration ;

Considérant, en premier lieu, qu'à la date de l'intervention de l'arrêté contesté, ni les dispositions de l'article 8 du décret susvisé du 28 novembre 1983, lesquelles ne sont pas applicables aux collectivités territoriales, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne contraignaient le maire d'Antibes à entendre le bénéficiaire préalablement au retrait des permis de construire en cause ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision de retrait en litige est intervenue sans que M. A... ait pu faire valoir au préalable ses observations doit être écarté ; que, si la SOCIETE PALMETTO SA fait valoir, en outre, qu'en application du principe général des droits de la défense, applicable même sans texte, M. A..., aux droits duquel elle vient, ou la SCI Chemin du Cap auraient dû être entendus préalablement à l'intervention de l'arrêté contesté du 20 décembre 1993, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 20 décembre 1993 a retenu le même motif, tiré du caractère frauduleux des demandes des permis de construire, qui fondait le précédent arrêté du 27 juillet 1993 et à l'égard duquel la SCI Chemin du Cap avait formé un recours contentieux et M. A... un recours gracieux par lesquels les intéressés ont été en mesure de contester le grief tiré de la fraude et de présenter leurs observations ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, la société appelante n'est pas davantage fondée à invoquer une violation des droits de la défense ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté en litige du 20 décembre 1993 ne fait état d'aucun fait qui serait couvert par le secret de l'instruction pénale ; que, par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaît le principe du secret de l'instruction pénale manque en fait ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort du jugement du Tribunal correctionnel de Grasse en date du 26 mars 1999 ainsi que de l'arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence du 13 juin 2000 confirmant pour l'essentiel ledit jugement et de l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation rendu le 3 avril 2001 rejetant le pourvoi formé contre cet arrêt, que, dès l'origine, la société pétitionnaire a établi deux jeux de plans, les premiers, qui faisaient état d'un projet d'extension du bâtiment existant portant la SHON existante à 301,32 m² qui ont été fournis à la mairie d'Antibes lors du dépôt de la demande du permis de construire initial délivré le 18 janvier 1989, et les seconds, remis à l'entreprise chargée de l'exécution des travaux sur le terrain, relatifs à un projet d'une SHON de 1.923,27 m², prévoyant des surfaces en sous-sol destinées à terme à l'habitation, et qui impliquait la démolition de la construction principale existante ; qu'il résulte également des décisions juridictionnelles précitées qu'à la date du dépôt de la demande de permis de construire modificatif, ladite demande qui était présentée comme tendant à la réalisation d'une SHON de 403 m² pour la construction principale et de 77,34 m² pour l'annexe I, ne faisait état ni de ce que la construction existante principale avait été entièrement démolie en juin 1990 ni de l'existence des surfaces habitables en sous-sol en grande partie réalisées ; que les faits ainsi constatés par le juge pénal, auxquels s'attachent l'autorité de la chose jugée, ne sauraient être remis en question devant le juge de l'excès de pouvoir et sont de nature à établir que les permis de construire ont été obtenus sur la base de fausses déclarations et de faux renseignements dans le but d'échapper aux prescriptions du règlement du plan d'occupation des sols (POS) applicable à la parcelle d'assiette, classée en zone Nda, dans laquelle n'était autorisée que l'extension de bâtiments existants dans la limite de 30 % de la SHON existante ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société appelante, la société bénéficiaire des permis de construire retirés ne s'est pas bornée à exécuter des travaux en violation des permis de construire délivrés mais a délibérément présenté des demandes de permis de construire contenant des fausses indications ; que, par suite, en estimant, par l'arrêté contesté, que les permis de construire des 18 janvier 1989 et 9 juillet 1991 avaient été délivrés à la suite de manoeuvres frauduleuses, le maire de la commune d'Antibes n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait ou de droit ;

Considérant, enfin, que, dès lors que les permis de construire précités des 18 janvier 1989 et 9 juillet 1991 ont été obtenus par fraude, ils n'ont pu conférer aucun droit à la société bénéficiaire desdits permis de construire ; que, par suite, le maire de la commune d'Antibes a pu légalement, par l'arrêté contesté du 20 décembre 1993, procéder à leur retrait alors même qu'il est intervenu après l'expiration du délai de droit commun ouvert pour le retrait des décisions expresses ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE PALMETTO SA, qui vient aux droits de M. A..., n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté précité du 20 décembre 1993 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de la SOCIETE PALMETTO SA le paiement à la commune d'Antibes de la somme de 1.500 euros au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Nice en date du 31 octobre 2001 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A..., aux droits duquel vient la SOCIETE PALMETTO SA, devant le Tribunal administratif de Nice et le surplus de la requête sont rejetés.

Article 3 : La SOCIETE PALMETTO SA versera à la commune d'Antibes une somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE PALMETTO SA, à la commune d'Antibes, à M. A..., à la SCI Chemin du Cap, à Mme Z... et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N° 02MA00240 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA00240
Date de la décision : 01/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. CHERRIER
Avocat(s) : SCP CHARLES SIRAT ET JEAN PAUL GILLI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-06-01;02ma00240 ?
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