Vu I°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille par voie de télécopie le 10 septembre 2004 sous le n°04MA02020, régularisée le 13 septembre 2004, présentée par Me X..., avocat, pour la commune de Nîmes, représentée par son maire en exercice, ensemble le mémoire complémentaire enregistré le 8 août 2005 ;
La commune demande à la Cour de réformer le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 2 juin 2004, qui lui a été notifié le 21 juillet 2004, en tant que ce jugement l'a condamnée à verser à M. Y... , d'une part, une indemnité de 54.000 euros, d'autre part, une rente viagère mensuelle indexée de 5.326 euros à compter de la date d'enregistrement de la requête, en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont l'intéressé a été victime dans les arènes de Nîmes le 18 avril 1992 ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 24 novembre 2004, présenté par Me A..., avocat, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, dont le siège est ... ;
Elle demande à la Cour de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a condamné la commune appelante à lui verser, à titre indemnitaire, la somme de 27.259,08 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 avril 1998 ; elle sollicite en outre la condamnation de la commune à lui verser les sommes de 760 euros au titre de l'alinéa 5 de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, et de 1.000 euros au titre des de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu II°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 18 octobre 2004 sous le n°04MA02272, présentée par Me X..., avocat, pour la commune de Nîmes, représentée par son maire en exercice, ensemble le mémoire complémentaire enregistré le 8 août 2005 ;
La commune demande à la Cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement susvisé du Tribunal administratif de Montpellier du 2 juin 2004 ;
Vu la mise en demeure adressée le 22 décembre 2005 à M. Y... X, dans les instances susvisée n°04MA02020 et n°04MA02272, en application de l'article R.612-2 du code de justice administrative, et le délai d'un mois supplémentaire qui lui a été accordé le 24 janvier 2006 ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe le 23 mai 2006, présenté par Me B..., avocat, pour M. Y... X, qui demande à la Cour de rejeter la requête, de confirmer le jugement attaqué et de condamner la ville de Nîmes aux dépens et à la somme de 5.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2006 :
- le rapport de M. Brossier, premier conseiller,
- les observations de Me D... pour la commune de Nîmes et de Me E..., substituant Me B..., pour M. ,
- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Considérant que par jugement du 6 juin 2001, le Tribunal administratif de Montpellier a déclaré la commune de Nîmes entièrement responsable de la chute dont a été victime M. Y... dans les arènes de Nîmes le 18 juillet 1992, alors qu'il était âgé de 28 ans, et a ordonné, avant dire droit, une mesure d'expertise médicale aux fins de déterminer l'étendue des préjudices subis par le requérant du fait de cette chute ; que par le jugement attaqué du 2 juin 2004, le Tribunal a condamné la commune de Nîmes à verser, d'une part, à M. Y... une indemnité de 54.000 euros et une rente viagère mensuelle indexée de 5.326 euros, d'autre part, une indemnité de 27.259,08 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris ; que la commune appelante, qui ne conteste devant le juge d'appel ni la mise en cause de son entière responsabilité, ni le montant de l'indemnité allouée à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, soutient en revanche que le montant total de l'indemnisation accordée par les premiers juges à M. Y... serait excessif ;
Sur les droits de M. Y... :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert Z... nommé par ordonnance du président du Tribunal administratif de Montpellier, et de son sapiteur, que la chute dont a été victime M. le 18 juillet 1992 a provoqué un traumatisme crânien sévère accompagné d'un coma de plusieurs jours, d'une otorragie, de contusions cérébrales hémorragiques multiples et que les troubles neurologiques et neuropsychologiques séquellaires dont souffre M. sont en rapport direct et exclusif avec l'accident en litige ;
En ce qui concerne les souffrances physiques et les troubles dans les conditions d'existence, y compris le préjudice d'agrément :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise susmentionné, que le pretium doloris supporté par la victime doit être qualifié de modéré et que le préjudice d'agrément est constitué par une diminution des activités sportives et musicales en raison d'une fatigabilité accrue et de troubles de la concentration ; que le préjudice esthétique n'est en revanche pas établi ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise susmentionné, que la date de consolidation doit être fixée au 1er septembre 1994 ; que depuis cette date M. , après une longue période de rééducation, souffre d'une incapacité permanente partielle qui doit être évaluée au taux de 54 %, compte tenu des troubles fonctionnels touchant son poignet gauche et de l'atteinte permanente à ses fonctions supérieures et intellectuelles, se traduisant par des vertiges, des maux de tête épisodiques, des troubles sphinctériens intermittents, des difficultés intellectuelles sévères, des troubles de la mémoire et du sommeil, ainsi que des troubles dans la vie affective et relationnelle ; que si l'appelante conteste devant le juge d'appel un tel taux de 54 %, elle n'apporte aucun élément sérieux de nature à justifier cette allégation, alors même qu'elle reprend ce taux dans son calcul indemnitaire aboutissant à la somme de 135.000 euros qu'elle accepte de verser à la victime au titre des troubles dans les conditions d'existence (page 3 de son mémoire du 8 août 2005) ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu de la gravité des lésions cérébrales de la victime et de l'atteinte à ses fonctions intellectuelles supérieures, ainsi que de l'absence de toute amélioration de son état, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant la commune de Nîmes à lui verser la somme totale de 220.000 euros au titre des souffrances physiques et des troubles de toute nature dans les conditions d'existence, y compris le préjudice d'agrément ;
En ce qui concerne le préjudice économique :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'à la date de l'accident M. , alors âgé de 28 ans, était étudiant en géographie à l'université de Paris-1 (Panthéon-Sorbonne) et entreprenait la rédaction de son mémoire de maîtrise dont il avait choisi le sujet ; que si l'accident a entraîné une incapacité de travail totale du 18 juillet 1992 au 1er septembre 1994, la victime ne justifie alors d'aucune perte de revenus et ne saurait prétendre à réparation de ce chef ; que M. a ensuite obtenu, grâce à un cursus universitaire adapté, sa maîtrise de géographie à la session d'octobre de l'année universitaire 1995-1996 ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise susmentionné, que M. n'est plus apte à exercer une activité professionnelle en rapport avec ses études supérieures, notamment la carrière envisagée d'enseignant ou de chercheur en géographie qu'il envisageait, et plus généralement toute activité professionnelle nécessitant une capacité de mémoire et d'initiative ; que la victime doit, dans ces conditions, être regardée comme subissant une perte de chance sérieuse d'exercer un tel travail et, par suite, de bénéficier de la rémunération correspondante ; que, cependant, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise susmentionné qui fait état d'une aptitude physique au travail, que M. ne peut être regardé comme se trouvant dans l'incapacité totale de trouver un travail rémunéré, notamment adapté ; que dans ces conditions et dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de la perte de chance de la victime en condamnant la commune de Nîmes à lui verser à ce titre la somme de 130.000 euros ;
En ce qui concerne les frais d'assistance à expertise :
Considérant que M. fait état d'un montant total de 2.970,92 euros de frais restés à sa charge et correspondant à cinq notes d'honoraires médicaux et à une facture ; qu'il résulte de l'instruction que les honoraires de Mme Y, neuropsychologue, ainsi que des docteurs Z doivent être regardés comme présentant un caractère utile à la solution du litige ; que la note d'honoraires du docteur C... (15 novembre 2004) n'est toutefois pas produite ; que, dans ces conditions, M. est fondé à demander à la Cour de condamner la commune appelante à prendre en charge ces frais pour un montant total qu'il établit à hauteur de 1.753,57 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune appelante est fondée à demander à la Cour de réformer les articles 1er et 2 du jugement attaqué ; qu'il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de condamner la commune de Nîmes à verser à M. Y... la somme totale 351.753,57 euros à titre indemnitaire ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, qui ne conteste pas la somme de 27.259,08 euros qui lui a été allouée à titre indemnitaire par l'article 3 du jugement attaqué, demande la somme de 760 euros au titre de l'alinéa 5 de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; que s'agissant du champs d'application de la loi, il y a lieu de faire droit à cette demande, nouvelle en appel, en condamnant la commune de Nîmes à lui verser en sus la dite somme de 760 euros ;
Sur les conclusions tendant au sursis à l'exécution du jugement attaqué :
Considérant que le présent arrêt statuant sur le fond du litige soumis à la Cour, les conclusions susmentionnées sont devenues sans objet ;
Sur l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant au remboursement de leurs frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la commune de Nîmes à fin de sursis à l'exécution du jugement attaqué du Tribunal administratif de Montpellier du 2 juin 2004.
Article 2 : La commune de Nîmes est condamnée à payer à M. Y... la somme de 351.753,57 euros.
Article 3 : La commune de Nîmes est condamnée à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, outre la somme de 27.259,08 euros allouée par l'article 3 du jugement attaqué, la somme de 760 euros.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le jugement attaqué du Tribunal administratif de Montpellier du 2 juin 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à commune de Nîmes, à M. Y... , à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
Copie pour information en sera adressée au trésorier payeur général du Gard.
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N° 04MA02020 - 04MA02272