Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le
5 juillet 2004 sous le n° 04MA01376, présentée par Me Amadei, avocat, pour M. et Mme X élisant domicile ... ;
M. et Mme X demandent à la Cour :
1) d'annuler le jugement du 21 avril 2004 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de l'établissement Voies Navigables de France et de la commune de Ginestas à leur verser les sommes de 103.000 F au titre des pertes de récoltes, de 1.809 F au titre d'intérêts de retard, de 24.600 F au titre du tassement de la terre provoqué par des inondations et de 30.000 F au titre de la résistance abusive des défendeurs, ainsi que la somme de 5.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2) de condamner solidairement l'établissement Voies Navigables de France et la commune de Ginestas à leur verser les sommes, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la réception de leurs réclamations préalables et de la capitalisation des intérêts, de 15.702,25 euros au titre des pertes de récoltes, de 2754,78 euros au titre d'intérêts de retard, de 3.750,25 euros au titre du tassement de la terre provoqué par des inondations et de 4.573,47 euros au titre de la résistance abusive des intimés, ainsi que la somme de 4.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 plûviose an VIII ;
Vu le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2006 :
- le rapport de M. Brossier, premier conseiller,
- les observations de Me Garreau de la SCP Scheuer-Vernhet-Jonquet et associés pour M. et Mme X et de Me Didier de la SCP Delmas-Rigaud-Levy-Balzarini pour la commune de Ginestas,
- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les époux X demandent réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison des inondations successives, au printemps 1993, en hiver 1994, au début et en décembre de l'année 1996, pour des durées de submersion variant de trois semaines à un mois, des terres agricoles dont ils sont propriétaires et qu'ils exploitent à proximité du Canal du Midi, sur le territoire de la commune de Ginestas ; qu'ils imputent leurs dommages à l'absence d'entretien d'un contre-canal qui longe cette voie publique de navigation ;
Considérant qu'en vertu de l'article 236 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, le domaine public du canal du Midi comporte les dépendances de la voie navigable situées en dehors du fief et restées sous la main et la disposition du canal, incluant les rigoles et contre-canaux établis sur les parcelles de terrains acquises au moment de la construction du canal et formant des excédents délimités sur les plans de bornage de 1772 par un liséré bistre ; qu'aux termes de l'article 243 du même code : « Les rigoles alimentant le canal sont entretenues par le service du canal. Les autres rigoles ou contre-canaux, rigoles parallèles du canal amenant les eaux à un aqueduc, sont entretenues pour moitié par le service du canal et pour moitié par les communes sur le territoire desquelles ils se trouvent (…). Les rigoles de sortie sont creusées et entretenues en totalité par les communes sur le territoire desquelles ils se trouvent (…) » ;
Considérant qu'il est constant que les terres des appelants, situées au lieu-dit « l'estagnol », c'est à dire le «petit étang», recueillent les eaux de pluies des collines avoisinantes, compte tenu de leur configuration en forme en cuvette ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de constatations amiables du cabinet Séguier qui n'est pas sérieusement contesté et que les appelants peuvent utilement invoquer comme toute pièce du dossier soumise à communication et débat contradictoire devant le juge, que la création du canal du Midi a renforcé, par un effet de digue, la rétention des eaux de pluie de ces collines, réhaussant ainsi de façon artificielle les niveaux d'inondation de la cuvette ; que dès le XVIIème siècle, a été creusé le long du canal du Midi un contre-canal destiné à évacuer ces eaux de ruissellement ; qu'il est constant que ce contre-canal a été comblé en certaines de ses parties, depuis au moins une trentaine d'années, lors notamment des opérations successives de remembrement agricole, empêchant ainsi l'évacuation des eaux de ruissellement ; que ces comblements doivent être regardés comme étant à l'origine partielle des inondations en litige ;
Considérant, cependant, qu'il résulte de l'instruction que ce phénomène d'inondation se répétait régulièrement depuis au moins une trentaine d'années et pour les causes susmentionnées, expliquant ainsi, sur cette période, l'exploitation viticole des parcelles en litige, la vigne pouvant en effet supporter des submersions de quelques semaines, notamment en hiver ; que le caractère récurrent de ces inondations et de ses conséquences sur le type d'exploitation agricole était notoire et ne pouvait être ignoré d'un agriculteur avisé ; que les époux X, quand ils ont acquis leurs terres et décidé, après l'arrachage des vignes de l'ancienne exploitation, de replanter des cultures céréalières, ne pouvaient ainsi l'ignorer, nonobstant les circonstances invoquées que leurs actes de vente et autres documents d'urbanisme ne mentionnaient aucune inondabilité de la zone, laquelle n'interdit pas toute culture, et que M. X exerçait la profession de marinier avant son installation en 1990 ; que si la commune de Ginestas a fait l'objet de deux arrêtés ministériels portant constatation de l'état de catastrophe naturelle les 15 juillet et 12 octobre 1992, les appelants ne pouvaient, a fortiori et en tout état de cause, ignorer de tels phénomènes après la première inondation qu'ils invoquent et qu'ils ont subie au printemps de l'année 1993 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dommages subis par M. et Mme X, constitués par les dégâts occasionnés à leur terre par des inondations récurrentes dont ils ne pouvaient ignorer l'existence, doivent être regardés, dans les circonstances de l'espèce, comme leur étant exclusivement imputables ; qu'il s'ensuit qu'ils ne sont pas fondés à se plaindre que le premiers juges ont rejeté leur demande indemnitaire, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Ginestas et tirée de ce que seule la responsabilité de la commune de Saint-Nazaire d'Aude pouvait être recherchée en l'espèce ;
Sur les frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis aux juges ; que les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme X doivent dès lors être rejetées ;
DECIDE
Article 1er : La requête n° 04MA01376 de M. et Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme X, à l'établissement public Voies Navigables de France, à la commune de Ginestas et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer .
N° 04MA01376 2