Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2003, présentée pour la société POIROUX, société à responsabilité limitée, dont le siège social est situé Centre commercial Auchan, RN 7, Le Pontet (84130), par Me Mallet et Helouet ;
La société POIROUX demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9905385 en date du 3 février 2003 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 et 1994 et des pénalités dont elles ont été assorties ;
2°) de la décharger desdites cotisations à l'impôt sur les sociétés ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2007 :
- le rapport de Mme Bader-Koza, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;
Considérant que suite à la vérification de sa comptabilité, la société en nom collectif La Paix a fait l'objet de redressements à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1993, 1994 et 1995 ; que les compléments d'impôt sur les sociétés en résultant ont été mis à la charge de l'EURL POIROUX, devenue la société à responsabilité POIROUX, qui est à la tête du groupe fiscalement intégré comprenant la SNC La Paix, en application des articles 223 A et suivants du code général des impôts ; que cette dernière relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 19 mai 2004, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, le directeur des services fiscaux a prononcé le dégrèvement de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle la société POIROUX a été assujettie au titre de l'année 1993, à concurrence de la somme de 44 108,68 euros, en droits et pénalités, correspondant aux charges provenant du contrat brasseur ; que les conclusions de la présente requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que si la société POIROUX affirme comme en première instance que l'exemplaire de la Charte du contribuable vérifié joint à l'avis de vérification comportait une mention pouvant induire en erreur quant à la qualité de la personne avec laquelle le contrôle devait se dérouler, les premiers juges ont relevé que la SNC La Paix n'avait été privée d'aucune garantie dès lors qu'un erratum était joint à ladite charte, au terme duquel le mot contribuable devait être substitué au mot comptable ; que la société requérante ne conteste pas cette appréciation qu'il y a donc lieu de reprendre par adoption des motifs ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation » ;
Considérant, s'agissant du redressement afférent au droit d'entrée Auchan, que la notification de redressements adressées à la SNC La Paix en date du 23 décembre 1996 indique que les droits versés en 1996 pour 1 050 000 F ont eu pour contrepartie l'entrée dans le patrimoine social d'un actif incorporel non amortissable eu égard la circonstance que le loyer stipulé revêtait par ailleurs un caractère normal et que cette charge complémentaire conduirait à une exagération sensible par rapport au voisinage ; que ces énonciations étaient suffisantes pour permettre à la société de formuler utilement ses observations sur le bien-fondé desdits redressements et de nouer avec l'administration une discussion contradictoire qu'elle a d'ailleurs en fait engagée ; que contrairement aux allégations de la société requérante, le service n'était pas tenu d'indiquer avec précision les termes de comparaison utilisé, ni leur origine exacte, dès lors que le vérificateur ne s'est servi de ces éléments que pour constater que le loyer versé à la société Samu (Auchan) était conforme aux autres loyers versés dans le centre commercial, ces derniers étant mêmes plus élevés que ceux constatés sur le reste de la zone commerciale, et qu'ainsi, les droits d'entrée versés ne correspondaient pas à une charge liée à ce même loyer ;
Considérant, s'agissant de la réintégration des amortissements pratiqués correspondant à l'acquisition d'un téléphone portable, que contrairement aux affirmations de la société requérante, que le vérificateur n'était pas tenu d'indiquer les éléments servant au calcul du redressement dès lors qu'il a seulement procédé à la réintégration des amortissements pratiqués, et donc déclarés, par la contribuable ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait obtenu des informations par l'exercice de son droit de communication ; qu'ainsi, la société requérante ne saurait soutenir que le service aurait fait usage de ce droit dans des conditions irrégulières ;
Sur le bien-fondé des impositions :
S'agissant des amortissements :
Considérant qu'en vertu de l'article 38-2 du code général des impôts, le bénéfice net à l'impôt sur les sociétés est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, et l'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ; qu'il appartient toujours au contribuable d'établir que les dettes qu'il inscrit à son bilan sont certaines dans leur principe et leur montant ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service a réintégré aux résultats déclarés par la SNC La Paix une partie des amortissements pratiqués par celle-ci dès lors que le vérificateur avait constaté que l'existence des investissements en cause n'était pas démontrée ou que ces derniers correspondaient à un usage privatif ; que si la société requérante fait valoir que le store figurait bien dans l'actif cédé en 1994, cette affirmation ne permet pas de justifier que le bien en cause était effectivement installé dans l'entreprise ; que s'agissant de la structure en aluminium, les affirmations de la société POIROUX quant à la réalité des travaux effectués ne sauraient utilement contredire les constatations du vérificateur selon lesquelles la configuration des lieux ne permet pas de constater l'existence d'une terrasse ni d'un klimastore et que les locaux sont dans le même état depuis la création de l'établissement ; que si la société requérante fait valoir que les factures de 1993 concernant les banquettes correspondent à des travaux de réfection, elle n'en justifie pas ; qu'enfin, si la requérante expose qu'à sa connaissance, le téléphone portable est demeuré dans l'entreprise au moment de la cession en 1994 et que son utilisation par M. X n'excluait pas le caractère professionnel de l'acquisition et des consommations, ces affirmations non assorties des justifications adéquates, ne permettent pas de remettre en cause le caractère non déductible des amortissements pratiqués par la SNC La Paix ;
S'agissant des remboursements de frais à M. X :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment : 1 Les frais généraux de toute nature ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service a réintégré dans les résultats sociaux de la SNC La Paix, des charges correspondant à des remboursements de frais consentis à M. X, gérant non salarié de la société au double motif que les indemnités kilométriques couvrent normalement les frais réels d'assurance et d'essence et que les frais de déplacement n'étaient assortis d'aucune pièce justificative quant aux kilomètres parcourus et à l'intérêt pour la société desdits déplacements ; qu'aux constatations précises de l'administration sur l'absence de caractère professionnel de ces déplacements, la société POIROUX oppose que des allégations qui ne sont assorties d'aucun élément probant de nature à les infirmer ; que, par suite, la société requérante ne justifie pas de l'existence et de la valeur des contreparties que la SNC La Paix a retiré de la prise en charge des frais litigieux ;
S'agissant du droit d'entrée :
Considérant que pour déterminer si une indemnité versée par le preneur à bail constitue une charge de loyer déductible ou le prix d'acquisition d'un élément incorporel de fonds de commerce ou relève pour partie de l'une ou de l'autre des catégories, il y a lieu de tenir compte non seulement des clauses du bail et du montant de l'indemnité stipulée mais aussi du niveau normal du loyer correspondant au local ainsi que des avantages effectivement offerts par le propriétaire en sus du droit de jouissance qui découle du contrat de bail ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par deux contrats conclus les 23 janvier et 16 août 1996, la SNC La Paix a pris à bail de la société Samu (Auchan) un local d'une superficie de 191 m² au total ; que le contrat de location de ce local stipulait, outre le versement d'un loyer fixé à 6 % du chiffre d'affaires avec un minimum de 17 155 F HT par mois indexé sur l'indice INSEE du coût de la construction, celui d'une somme de 1 050 000 F qualifiée de droit d'entrée et d'un surloyer de 100 000 F ; que la société La Paix a considéré ce droit d'entrée comme une charge à répartir sur la durée initiale du bail ; que l'administration a cependant réintégré lesdites charges constatées annuellement dans les bénéfices imposables des exercices vérifiés en estimant que le paiement ainsi consenti de ce droit d'entrée avait pour contrepartie l'acquisition d'un élément incorporel du fonds de commerce ; que si la société requérante fait valoir que le supplément de loyer ajouté au loyer n'excédait pas la valeur locative de l'immeuble, elle n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les termes de comparaison utilisés par l'administration pour estimer que le loyer versé était comparable aux loyers versés par les autres locataires du centre commercial ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, les sommes de 1 050 000 et 100 000 francs n'avaient pas d'autre contrepartie que l'acquisition par la société requérante d'un élément incorporel du fonds de commerce ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société POIROUX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de décharge ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la société POIROUX une somme de 750 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société POIROUX à concurrence d'une somme de 44 108,68 euros.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 750 euros à la société POIROUX en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société POIROUX et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera adressée à Me Mallet et Helouet et au directeur de contrôle fiscal sud-est.
N°0300475 2