Vu la requête enregistrée le 24 novembre 2006, présentée pour Mme Leïla X, élisant domicile chez Mme Diala X ..., par Me Verniers ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0607262 en date du 30 octobre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 25 octobre 2006 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision en date du 1er décembre 2006 par laquelle le président de la Cour a notamment désigné M. Jean-Louis Bédier, président, pour statuer sur les appels formés contre les jugements statuant sur des recours en annulation d'arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2007 :
- le rapport de M. Bédier, Président rapporteur ;
- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 30 octobre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 25 octobre 2006 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté contesté : L'autorité administrative compétente, peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité syrienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 25 octobre 2006, de la décision du même jour du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant toutefois qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que Mme X, dont la mère est décédée au cours de l'année 2004, a quitté la Syrie, son pays d'origine, à la fin de l'année 2001, accompagnée de ses deux enfants mineurs, pour rejoindre ses deux filles majeures, lesquelles se trouvent en situation régulière sur le territoire national et qu'elle demeure chez l'aînée de ses deux filles ; que si son père, son frère et une autre de ses soeurs résident en Syrie, il résulte des pièces du dossier que son père, octogénaire, et son frère et sa soeur restés dans le pays d'origine, ne se trouvent pas dans une situation matérielle et financière leur permettant de lui accorder une aide à elle-même ainsi qu'à ses enfants ; qu'au surplus, si l'époux de la requérante réside également en Syrie, celle-ci démontre, en produisant un certificat médical en date du 17 mars 2000 établi par un médecin syrien et la copie d'une plainte déposée auprès des autorités judiciaires syriennes, qu'elle a été victime à plusieurs reprises de violences conjugales ayant notamment entraîné une hémorragie utérine ayant elle-même causé un avortement au cours de la dixième semaine de la grossesse, brutalités qui sont à l'origine de sa séparation avec son époux ; que, par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce et compte-tenu notamment de l'intérêt qui s'attache pour Mme X à demeurer auprès de ceux des membres de sa famille qui vivent en France, afin de ne pas être de nouveau exposée aux mauvais traitements que lui fait subir son conjoint, la décision de reconduite à la frontière qui a été prise à l'encontre de l'intéressée doit être regardée comme ayant porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a, par suite, méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête relatifs notamment à la régularité du jugement, que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté décidant de sa reconduite à la frontière pris le 25 octobre 2006 par le préfet des Bouches-du-Rhône ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 30 octobre 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Marseille et l'arrêté en date du 25 octobre 2006 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé la reconduite à la frontière de Mme X sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Mme X la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Leïla X, au préfet des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Copie en sera adressée à Me Verniers.
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N° 06MA03262