Vu le recours, enregistré le 2 octobre 2003, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
Le MINISTRE demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 99-3845 en date du 19 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, ainsi que des pénalités ayant assorti ces impositions, auxquelles la SARL « Incitations » a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1996 ;
2°) de remettre à la charge de la SARL « Incitations » les impositions et les pénalités y afférentes dont la décharge a été ordonnée par les premiers juges ;
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La SARL « Incitations » demande à la Cour :
1°) de rejeter le recours du MINISTRE et de confirmer l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Marseille ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 525 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le code du travail ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2007 :
- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;
- les observations de Me Cordoliani, substituant la SCP d'avocats J.P. et R. Leperre, pour la SARL « Incitations » ;
- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de l'activité de « vente de prestations de services de travaux administratifs » exercée par Mme X sous la dénomination « B.T.S. Bureautique Télé Services », l'administration fiscale a regardé l'activité déclarée par l'intéressée comme relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux comme relevant en fait de la catégorie des traitements et salaires ; qu'elle a parallèlement remis en cause les déductions de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles la SARL « Incitations » avait procédé à raison de la facturation des prestations de service rendues par Mme X à la société ; que les sommes versées par Mme X à la société ont été en outre soumises à la taxe d'apprentissage et à la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue ; que, par l'article 1er d'un jugement en date du 19 mai 2003, le Tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge de ces compléments d'imposition ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour d'annuler l'article 1er de ce jugement et de remettre à la charge de la SARL « Incitations » les impositions et les pénalités y afférentes dont la décharge a été ordonnée par les premiers juges ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : « I- 1 - La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. » ; qu'en vertu respectivement des dispositions de l'article 225 et de l'article 235 ter D du même code, la taxe d'apprentissage et la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue sont assises sur les rémunérations ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 120-3 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur en l'espèce : « Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés (…) sont présumées ne pas être liées par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à cette immatriculation. Toutefois, l'existence d'un contrat de travail peut être établie lorsque les personnes citées au premier alinéa fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ouvrage dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci » ;
Considérant que l'activité de « vente de prestations de services de travaux administratifs (secrétariat, bureautique, commercialisation de tous produits non réglementés) » exercée par Mme X en 1994, sous le nom commercial de « B.T.S. Bureautique Télé Services » a fait l'objet d'une inscription au registre du commerce et des sociétés depuis sa création en 1993 ; qu'il incombe, dès lors, à l'administration fiscale, pour justifier du bien-fondé des impositions mises à la charge de la SARL « Incitations » de renverser la présomption de travail non-salarié instituée par l'article L. 120-3 du code du travail en ce qui concerne l'activité de Mme X ;
Considérant que, si l'administration fiscale soutient que Mme X se serait trouvée en fait dans une situation de subordination vis-à-vis de la SARL « Incitations » et d'une seconde entreprise dirigée par M. Geslin, gérant majoritaire de la SARL « Incitations », l'entreprise « Geslin Consultants», dont l'intéressée était auparavant salariée, il résulte de l'instruction et notamment des stipulations du contrat de prestations de services conclu le 28 avril 1993 entre la SARL « Incitations » et l'entreprise « B.T.S. Bureautique Télé Services » dirigée par Mme X relatives aux conditions d'exécution de ce contrat que l'entreprise de Mme X « détermine seule les moyens qu'elle estime nécessaires à la réalisation des travaux qui lui sont confiés et les personnels qu'elle estime avoir à mettre en oeuvre pour y parvenir » ; que le contrat prévoyait expressément qu'aucune des parties ne pouvait revendiquer l'exclusivité de la prestation et qu'il pouvait être rompu par chacune des parties par le simple envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception trois mois au moins avant son échéance ; que, par suite, les termes de ce contrat, alors même que Mme X était amenée à utiliser du papier à en-tête de la SARL « Incitations » pour les correspondances de cette société avec les tiers, laissaient à l'intéressée le soin d'organiser son activité sans contrainte horaire ou soumission à de quelconques directives ; qu'en outre, même si Mme X réalisait plus de 95 % de son chiffre d'affaires avec la SARL « Incitations » et l'entreprise « Geslin Consultants», elle était libre de diversifier son activité en recherchant d'autres clients, comme elle l'a fait dès avril 1993 avec des résultats certes limités mais témoignant de la liberté d'organisation qui caractérise une activité indépendante ;
Considérant qu'il résulte également de l'instruction que l'entreprise « B.T.S. Bureautique Télé Services » dirigée par Mme X disposait d'un local professionnel donné en location par la SCI « La Cascade », différent, même s'il était implanté sur le même site, du bureau que l'intéressée occupait auparavant lorsqu'elle était salariée de l'entreprise « Geslin Consultants» ; que l'administration fiscale ne soutient pas que la SCI « La Cascade » aurait eu des liens de droit ou des intérêts communs avec la SARL « Incitations » et l'entreprise « Geslin Consultants» ; que Mme X procédait elle-même et à partir des fonds de son entreprise aux achats de matériels de bureau nécessaires à son activité ; qu'enfin, si la rémunération servie à l'entreprise « B.T.S. Bureautique Télé Services » par la SARL « Incitations » ne pouvait, aux termes du contrat de prestations de services conclu le 28 avril 1993 entre les deux sociétés excéder 13 % du chiffre d'affaires de la SARL « Incitations », ce mode de rémunération n'est pas de nature à ôter à l'activité de l'entreprise dirigée par Mme X son caractère indépendant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les premiers juges ont retenu à bon droit que les éléments de fait invoqués par l'administration fiscale n'étaient pas de nature à renverser la présomption de travail non salarié instituée par les dispositions de l'article L. 120-3 du code du travail en ce qui concerne l'activité de Mme X ; que, dans ces conditions, l'administration n'était fondée ni à soumettre à la taxe d'apprentissage et à la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue les sommes versées par la SARL « Incitations » à l'entreprise « B.T.S. Bureautique Télé Services » ni à refuser à la société requérante le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée grevant les prestations que lui fournissait cette entreprise ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge des impositions demandée par la SARL « Incitations » ;
Sur les frais exposés par la SARL « Incitations » et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL « Incitations » et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la SARL « Incitations » la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI et à la SARL « Incitations ».
Copie en sera adressée à la SCP d'avocats J.P. et R. Leperre et au directeur de contrôle fiscal sud-est.
N°03MA02046 2