Vu I, sous le n° 05MA01027, la requête, enregistrée le 3 mai 2005 sur télécopie confirmée le 9 suivant, présentés par Me Gilles Margall pour la COMMUNE DE GIGNAC, dont le siège est Hôtel de Place de l'ancienne Gendarmerie à Gignac (34150), représentée par son maire en exercice à ce dûment habilité par délibération du 7 juillet 2003 ; la COMMUNE DE GIGNAC demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0103643 du 27 janvier 2005 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Montpellier, sur demande de l'Association de Défense des Intérêts des Gignacois (ADIG), a annulé l'arrêté daté du 5 octobre 1999 par lequel son maire avait délivré aux époux X le permis de construire une maison d'habitation ;
2°) de rejeter la demande de l'ADIG ;
3°) de condamner l'ADIG à lui verser une somme de 3.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu II, sous le n° 05MA01104, la requête, enregistrée le 10 mai 2005 sur télécopie confirmée le 12 suivant, présentée par Me Serge Briand pour M. et Mme X, élisant domicile ... ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0103643 du 27 janvier 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier, sur demande de l'Association de Défense des Intérêts des Gignacois (ADIG), a annulé l'arrêté daté du 5 octobre 1999 par lequel le maire de Gignac leur avait délivré le permis de construire une maison d'habitation ;
2°) de rejeter la demande de l'ADIG ;
3°) de condamner l'ADIG à lui verser une somme de 3.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2007 :
- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,
- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par jugement du 27 janvier 2005, le Tribunal administratif de Montpellier a, sur demande de l'Association de Défense des Intérêts des Gignacois (ADIG), annulé la décision du 5 octobre 1999 par laquelle le maire de GIGNAC avait délivré à M. et Mme X le permis de construire une maison à usage d'habitation, et rejeté, entre autres demandes de ladite association, celle tendant à l'annulation du refus du 16 juillet 2001, par lequel le même maire avait refusé de retirer ledit permis ; que, par deux requêtes distinctes, les époux X et la COMMUNE DE GIGNAC relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation du permis de construire du 5 octobre 1999 ; que l'ADIG peut être regardée comme demandant, par la voie de l'appel incident, que le jugement soit réformé seulement en tant que le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 juillet 2001 ;
Sur la jonction :
Considérant que les requêtes susvisées, présentées, ainsi qu'il vient d'être dit par la COMMUNE DE GIGNAC et M. et Mme X sont dirigées contre le même jugement du 27 janvier 2005 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la recevabilité des écritures des époux X produites dans l'instance introduite par la COMMUNE DE GIGNAC :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans l'instance introduite par la COMMUNE DE GIGNAC, les époux X ont été appelés par la Cour en tant qu'observateurs ; que, par suite, c'est en cette qualité qu'ils ont soumis à la Cour les écritures susvisées qu'ils présentent comme un mémoire en intervention, et non en leur qualité de partie à l'instance de premier ressort ; que, par suite, la fin de non-recevoir qu'oppose l'ADIG au motif que le mémoire des époux X produit dans l'instance n° 05MA01027 introduite par la commune serait un mémoire d'appel tardif au regard des dispositions de l'article R.811-2 du code de justice administrative doit être écartée ;
S'agissant de l'appel incident :
Considérant que l'ADIG ne présente aucun moyen tendant à critiquer la décision des premiers juges en tant que cette dernière a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 16 juillet 2001 par laquelle le maire de GIGNAC avait refusé de retirer le permis de construire en cause ; que, par suite, les conclusions tendant à la réformation partielle du jugement sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
S'agissant des appels principaux :
Sur la régularité du jugement :
Considérant, en premier lieu que, dès lors que le jugement attaqué précise qu'il n'est pas établi que l'affichage ait été effectué dans le respect des dispositions de l'article A. 421-7 du code de l'urbanisme, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation dudit jugement au regard des carences affectant le panneau d'affichage du permis de construire manque en fait ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort de la lecture même du jugement que, pour estimer que le délai de recours contentieux contre le permis de construire n'avait pas couru à l'égard des tiers et rejeter la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de l'ADIG, les premiers juges ont relevé qu'il n'était pas établi, par les attestations produites, que l'affichage du permis de construire aurait été effectué conformément aux exigences de l'article A. 421-7 du code de l'urbanisme ; qu'ils n'ont évoqué qu'à titre superfétatoire qu'il n'était pas même établi, en raison du caractère contradictoire des attestations produites par les parties, que l'affichage lui-même ait eu lieu et ait respecté la durée prévue par les dispositions de l'article R.490-7 du code de l'urbanisme ; qu'ainsi la COMMUNE DE GIGNAC n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'une contrariété de motifs ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Sur les fins de non-recevoir, maintenues en appel, opposées à la demande de première instance :
Considérant, en premier lieu, qu'il est constant qu'au 8 août 2001, date à laquelle l'ADIG a introduit sa demande auprès du Tribunal administratif de Montpellier, ladite association avait pour objet, aux termes de l'article 2 de ses statuts, « la protection de l'environnement, de l'espace de Gignac dans le domaine : de la protection de la nature, de l'amélioration du cadre de vie, de la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et des paysages, de la défense et la sauvegarde du patrimoine, de l'urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances, et contribuant par ces actions à la défense des intérêts des Gignacois » ; qu'ainsi, cet objet social conférait à l'ADIG un intérêt de nature à lui donner qualité pour demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 5 octobre 1999 au jour de l'enregistrement de sa demande, seule date à laquelle cet intérêt devait être apprécié avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L.600-1-1 du code de l'urbanisme ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles R.421 ;39 et R.490-7 du code de l'urbanisme que le délai de recours contentieux à l'encontre d'un permis de construire court à l'égard des tiers à compter de la date la plus tardive d'affichage de ce permis pendant une période continue de deux mois sur le terrain et en mairie ; qu'en vertu des dispositions de l'article A. 421-7 du même code cet affichage doit être effectué sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 cm et qui doit indiquer, s'agissant d'un permis de construire, le nom du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature des travaux, la superficie du terrain, la superficie de plancher autorisée, la hauteur de la construction exprimée en mètres par rapport au sol naturel ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté ;
Considérant qu'alors que les attestations versées au dossier sont contradictoires sur la réalité même de l'affichage sur le terrain, toutes celles en faveur de cette réalité mentionnent que l'affichage aurait été effectué « sur un panneau type permis de construire », sans aucune autre précision ; que, notamment, aucune de ces attestations ne fait état d'une quelconque des mentions exigées par l'article A. 421-7 sus-évoqué que les signataires desdits documents auraient lues sur le panneau en question ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'affichage du permis de construire ne pouvait être regardé comme suffisant au regard des exigences de l'article A. 421-7 pour permettre, en application des dispositions de l'article R.490-7 du code de l'urbanisme, que le délai de recours contentieux ait commencé de courir à l'égard des tiers ; que, par suite, et dès lors que la demande contentieuse de l'ADIG a été enregistrée avant l'expiration d'un délai de deux mois courant depuis la demande adressée le 28 juin 2001 au maire tendant au retrait du permis en cause et qui manifestait la connaissance acquise ce permis par ladite association, la demande de l'ADIG n'était pas tardive à la date de son enregistrement auprès du greffe du Tribunal administratif de Montpellier ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montpellier a écarté les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance et tirées, d'une part, de l'absence d'intérêt à agir de l'ADIG et, d'autre part, de la tardiveté de sa demande ;
Sur la légalité du permis de construire :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 modifiée par la loi du 30 décembre 1966 : Lorsqu'un immeuble est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition (...) sans autorisation préalable. //Le permis de construire délivré en vertu des lois et règlements sur l'alignement et les plans communaux et régionaux d'aménagement et d'urbanisme tient lieu de l'autorisation prévue à l'alinéa précédent s'il est revêtu du visa de l'architecte départemental des monuments historiques ; qu'aux termes du 3° de l'article 1er de cette loi, est regardé comme situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit tout autre immeuble nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et compris dans un périmètre n'excédant pas 500 mètres ; qu'en vertu des dispositions des articles R.421-38-4 et R.421-38-8 du code de l'urbanisme applicables à la date de la décision attaquée, lorsque la construction est située dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, le permis de construire n'est délivré qu'avec l'accord de l'architecte des bâtiments de France ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le visa de l'architecte des bâtiments de France valant autorisation au regard de la loi du 31 décembre 1913 ne peut être donné qu'à la suite de l'examen des atteintes que la construction projetée est susceptible de porter aux édifices classés ou inscrits dans le champ de visibilité desquels elle est envisagée ; que, toutefois, l'architecte des bâtiments de France peut délivrer un avis favorable en l'assortissant de prescriptions, relatives notamment aux couleurs, à la nature des matériaux ou à l'aménagement des lieux, afin de limiter, compenser ou supprimer les atteintes que la construction projetée serait susceptible d'apporter à l'édifice classé ou inscrit dans le champ de visibilité duquel elle est située ;
Considérant également qu'aux termes de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme en vigueur en l'espèce : « Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le permis de construire sollicité par M. et Mme X concerne une maison d'habitation sur deux niveaux, développant une surface hors oeuvre nette totale de 169,37 m², d'une longueur de 20 mètres sur 8,20 mètres de haut ; qu'il est constant que le projet se situe en face et à moins de 100 mètres du chemin de croix de Gignac, monument inscrit à l'inventaire des monuments historiques par arrêté du 19 novembre 1985 pris par le préfet de la région de Languedoc-Roussillon, et composé de quatorze stations-oratoires et d'une chapelle terminale, datant de la fin du dix-neuvième siècle, ainsi que du sol du chemin communal desservant ces édifices ;
Considérant que l'avis favorable émis par l'architecte des bâtiments de France le 30 juin 1999 sur ce projet est assorti de prescriptions relatives en particulier à la couleur des matériaux ou à la finition des enduits ; que, cependant, ces prescriptions ne modifient ni les dimensions ni l'implantation du bâtiment qui, par sa taille et sa proximité avec le chemin de croix, porte atteinte audit monument, dans le champ de visibilité duquel il est situé, seul critère à l'aune duquel, en application des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1913, la pertinence de l'avis de l'architecte des bâtiments de France doit être appréciée ; que, dans ces conditions, l'architecte des bâtiments de France a commis une erreur d'appréciation en donnant un avis favorable à ce projet ; que, par suite, délivré au vu de cet avis illégal, le permis de construire en cause méconnaît les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1913 ;
Considérant que, pour les mêmes raisons que celles ci-dessus exposées, le maire de GIGNAC, qui n'était pas tenu de suivre l'avis favorable émis par l'architecte des bâtiments de France, a méconnu les dispositions précitées de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ni M. et Mme X, ni la COMMUNE DE GIGNAC ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 27 janvier 2005, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé pour les deux motifs précités le permis délivré le 5 octobre 1999 aux époux X par le maire de GIGNAC ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées tant par la COMMUNE de GIGNAC que par les époux X tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la COMMUNE de GIGNAC d'une part, des époux X d'autre part, le paiement à l'ADIG d'une somme de 1.000 euros chacun au titre des frais que ladite association a exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes présentées par la COMMUNE DE GIGNAC et par M. et Mme X sont rejetées.
Article 2 : L'appel incident présenté par l'Association de Défense des Intérêts des Gignacois est rejeté.
Article 3 : La COMMUNE DE GIGNAC d'une part, M. et Mme X d'autre part verseront chacun à l'Association de Défense des Intérêts des Gignacois la somme de 1.000 (mille) euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE GIGNAC, M. et Mme X, l'Association de Défense des Intérêts des Gignacois et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.
N° 05MA01027 - 05MA01104
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