Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille sous le n°06MA00296, pour la société anonyme DELL, dont le siège social est situé 1 rond-point Benjamin Franklin à Montpellier (34938), par Me Fargepallet, avocat ;
La société DELL demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 0406798 en date du 17 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision en date du 4 novembre 2004 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement pour inaptitude physique de Mlle X ;
2°/ de rejeter la demande d'annulation présentée par Mlle X devant le tribunal ;
3°/ de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
4°/ de mettre à la charge de Mlle X une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2007 :
- le rapport de Mme Bader-Koza, rapporteur ;
- les observations de Me Margaria substituant la SELARL Fargepallet pour la société DELL ;
- et les conclusions de Mme Steck-Andrez, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société DELL, spécialisée dans la vente en ligne, la fabrication de matériels informatiques et les prestations de services associées, a sollicité le 20 octobre 2004 auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier pour inaptitude physique Mlle X, déléguée du personnel depuis décembre 2002 ; que par un jugement en date du 17 novembre 2005, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de Mlle X, la décision de l'inspecteur du travail en date du 4 novembre 2004 autorisant le licenciement ; que la société DELL relève appel dudit jugement ;
Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des représentants du personnel, qui bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement du salarié, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.122-24-4 du code du travail : «A l'issue de périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de poste de travail. / Si le salarié n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail ou s'il n'est pas licencié, l'employeur est tenu de verser à l'intéressé, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. / Les dispositions prévues à l'alinéa précédent s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail» ; qu'aux termes de l'article L.241-10-1 du même code : «Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé des travailleurs. Le chef d'entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l'inspecteur du travail après avis du médecin-inspecteur du travail.» ; qu'aux termes de l'article R.241-51 dudit code : «Les salariés doivent bénéficier d'un examen par le médecin du travail (…) après une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel (…). Cet examen a pour seul objet d'apprécier l'aptitude de l'intéressé à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures…» ; qu'aux termes de l'article R.241-51-1 de ce code : «Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude du salarié à son poste de travail qu'après une étude de ce poste et des conditions de travail dans l'entreprise et deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines…» ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion de la visite de reprise effectuée le 2 septembre 2004 après une période d'interruption du travail pour maternité et maladie, le médecin du travail a estimé que l'état de santé de Mlle Audrey X, salariée de la société DELL et déléguée du personnel, ne permettait pas d'envisager une reprise du travail ; que lors du second examen médical intervenu le 9 septembre suivant, Mlle X a été déclarée inapte à tout poste au sein de l'entreprise ; que l'employeur ayant informé le médecin du travail par lettre du 21 septembre 2004 qu'il était possible de proposer à l'intéressée un poste de manager de projets, emploi approprié à ses compétences et comparable au poste occupé précédemment, le médecin du travail a, par lettre du 22 septembre 2004, confirmé l'inaptitude à tous postes de travail dans l'entreprise et que le poste de reclassement n'était donc pas compatible avec le maintien de son état de santé ; que pour autoriser le licenciement de Mlle X l'inspecteur du travail s'est fondé sur le fait que les avis d'inaptitude des 2, 9 et 22 septembre 2004 concluaient à une inaptitude définitive à tous postes dans l'entreprise, que l'entretien préalable avait porté sur cette inaptitude laquelle n'était pas contestée par Mlle X ;
Considérant que, pour annuler la décision susmentionnée de l'inspecteur du travail en date du 4 novembre 2004, le tribunal a estimé que la société DELL n'avait pas satisfait à l'obligation de reclassement en relevant que l'avis du médecin du travail ne dispensait pas l'employeur d'établir qu'il s'était trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié et que la seule proposition faite à Mlle X avait consisté en un poste identique à celui proposé en novembre 2003 et juillet 2004 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le poste proposé à la suite de l'avis d'inaptitude du médecin du travail correspondait au poste occupé par Mlle X avant ses congés de maladie et de maternité, et non pas au nouveau poste proposé à l'issue des dits congés ; que le médecin du travail a cependant confirmé son précédent avis d'inaptitude à tout poste dans l'entreprise ; que Mlle X, qui n'a jamais contesté cet avis d'inaptitude, ne soutient pas qu'il existait dans l'entreprise, c'est à dire, au siège de la société DELL à Montpellier ou dans l'établissement secondaire de Rueil-Malmaison, un poste de travail compatible avec son état de santé ; que dans ces circonstances, l'inspecteur du travail a pu estimer, à bon droit que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement ; que, dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé, pour ce motif, la décision de l'inspecteur du travail de l'Hérault en date du 4 novembre 2004 autorisant le licenciement de Mlle X ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle X devant le Tribunal administratif de Montpellier ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions susmentionnées que si l'inspecteur du travail et, le cas échéant, le ministre, doivent rechercher si l'inaptitude du salarié est réelle et justifie son licenciement, il ne leur appartient pas de rechercher les causes de cette inaptitude, quand bien-même celle-ci serait imputable à l'employeur ; que, par suite, Mlle X, qui n'a jamais contesté la réalité de son inaptitude à tout poste dans l'entreprise, ne peut utilement soutenir que la cause de cette inaptitude résulterait de son déclassement dans la hiérarchie de l'entreprise et dans le harcèlement moral dont elle aurait été victime, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du de l'inspecteur du 4 novembre 2004 ;
Considérant, en deuxième lieu, et en tout état de cause, qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la mesure de licenciement soit en lien avec le mandat de déléguée du personnel détenu depuis 2002 par Mlle X ;
Considérant, en dernier lieu, que si Mlle fait valoir que l'inspecteur du travail aurait dû se fonder sur des motifs d'intérêt général pour refuser l'autorisation, elle n'invoque aucun motif de cette nature qui s'opposerait à son licenciement et ne met pas le juge en mesure de se prononcer sur le bien-fondé d'un tel motif ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société DELL est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 4 novembre 2004 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de Mlle X ;
Sur les conclusions indemnitaires de la société DELL :
Considérant que les conclusions indemnitaires de la société DELL soulèvent un litige distinct du litige principal et n'ont pas été précédées, en tout état de cause, d'une demande préalable ; qu'elles sont, par suite, irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société DELL, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à Mlle X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en application des mêmes dispositions de mettre à la charge de Mlle X la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société DELL et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 0406798 du Tribunal administratif de Montpellier en date du 17 novembre 2005 est annulé.
Article 2 : Les demandes de Mlle X sont rejetées.
Article 3 : Mlle X versera à la société DELL une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros)sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administratif.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la société DELL est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société DELL, à Mlle X et au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.
N° 06MA00296 2
SR