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17/01/2008 | FRANCE | N°05MA01089

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 17 janvier 2008, 05MA01089


Vu, I, sous le n° 05MA01089, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 mai 2005, présentée par Me Gravier, avocat pour la société SAUR FRANCE, représentée par son président, dont le siège se situe à Atlantis, 1 avenue Eugène Freyssinet à Guyancourt (78 280) ;

La société SAUR FRANCE demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 0100441 du 18 février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commune de Latt

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Vu, I, sous le n° 05MA01089, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 mai 2005, présentée par Me Gravier, avocat pour la société SAUR FRANCE, représentée par son président, dont le siège se situe à Atlantis, 1 avenue Eugène Freyssinet à Guyancourt (78 280) ;

La société SAUR FRANCE demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 0100441 du 18 février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commune de Lattes a rejeté sa demande de paiement du 18 janvier 2000, et à la condamnation de la commune à lui payer la somme de 391 579,93 euros, assortie des intérêts légaux ;

2°/ d'annuler la décision implicite de la commune de Lattes rejetant sa demande de paiement du 18 janvier 2000 ;

3°/ de condamner la commune de Lattes à lui payer la somme de 391 579,93 euros (2 5568 596 francs), assortie des intérêts légaux à compter de la réception de la demande préalable ;

4°/ de condamner la commune de Lattes à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………


Vu, II, sous le n° 05MA01090, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 mai 2005, présentée par Me Gravier, avocat pour la société SAUR FRANCE, représentée par son président, dont le siège se situe à Atlantis, 1 avenue Eugène Freyssinet à Guyancourt (78 280) ;

La société SAUR FRANCE demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 0203169 du 18 février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commune de Palavas-Les-Flots a rejeté sa demande de paiement du 18 janvier 2000 , et à la condamnation de la commune à lui payer la somme de 898 919 euros, assortie des intérêts légaux ;

2°/ d'annuler la décision implicite de la commune de Palavas-Les-Flots rejetant sa demande de paiement du 18 janvier 2000 ;

3°/ de condamner la commune de Palavas-Les-Flots à lui payer de la somme 898 919 euros, assortie des intérêts légaux à compter de la réception de la demande préalable ;

4°/ de condamner la commune de Palavas-Les-Flots à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2007

- le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur ;

- les observations de Me Bassompierre, avocat, de la SCP Deprez Dian-Guignot pour la société SAUR FRANCE et les observations de Me Rivoire, avocat, de la SCP Ferran, Vinsonneau-Palies et Noy pour la commune de Lattes et de Me Barbeau-Bournoville, avocat, pour la commune de Palavas-Les-Flots ;

- et les conclusions de Mme Steck-Andrez, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 05MA01089 et n° 05MA01090, présentées par la société SAUR FRANCE sont relatives au même contrat et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;
Considérant que, par délibération en date du 25 avril 1990, le conseil syndical du SIVOM du Méjean, regroupant les communes de Lattes et de Palavas-Les-Flots, a autorisé son président à signer un «contrat d'affermage» du service public de distribution d'eau potable avec la SNC CISE, aux droits de laquelle vient la société SAUR FRANCE ; que par une délibération du conseil syndical du 26 novembre 1998, le SIVOM du Méjean a décidé de résilier ce contrat à compter du 31 décembre 1999 ; que la dissolution du SIVOM du Méjean a été prononcée par un arrêté préfectoral du 28 décembre 1999 ; que dans le cadre de l'exécution de ce contrat, la société SAUR FRANCE a demandé le 18 janvier 2000 le paiement de la somme de 391 579 93 euros à la commune de Lattes et de la somme de 898 919 euros à la commune de Palavas-Les-Flots, lesquelles ont rejeté sa demande ; que par deux jugements en date du 18 février 2005 n° 0100441 et n° 0203169, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de la société SAUR FRANCE tendant à la condamnation des communes de Lattes et Palavas-Les-Flots à lui verser lesdites sommes, en déclarant nul le contrat d'affermage signé entre la SNC CISE et le SIVOM du Méjean ; que la société SAUR FRANCE relève appel de ces jugements ;

Sur la fin de non-recevoir de la demande d'indemnité contractuelle opposée par la commune de Palavas-Les-Flots :

Considérant que dans sa requête en appel, la société SAUR FRANCE motive sa demande indemnitaire en indiquant qu'une indemnité contractuelle était prévue par les parties dans le cas où le contrat n'atteignait pas son terme maximal ; qu'ainsi, alors même qu'elle renvoie la Cour à son argumentation de première instance, cette motivation répond aux exigences fixées par l'article R.411-1 du code de justice administrative ; que par suite, la fin de non ;recevoir tirée de l'insuffisante motivation de ces conclusions doit être écartée ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle des communes de Lattes et de Palavas-Les-Flots :

Sur la légalité du contrat :

Considérant qu'aux termes de l'article L.2131-1 du code général des collectivités territoriales : les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès lors qu'il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans le département ;

Considérant que l'article 101 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques dispose : «…VII. - Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les contrats conclus par les communes ou leurs groupements avant le 10 juin 1996 pour la gestion de leurs services publics locaux d'eau et d'assainissement, dans la mesure où ils seraient contestés pour un motif tiré de l'absence de caractère exécutoire, à la date de leur signature, de la délibération autorisant cette signature, et sous réserve de la transmission effective de ladite délibération au représentant de l'Etat dans le département au titre de l'article L.2131-1 du code général des collectivités territoriales…» ;

Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité de la loi à la Constitution ; qu'ainsi est inopérant le moyen tiré de ce que l'article 101 de la loi du 30 décembre 2006 serait contraire à l'article 72 de la Constitution, relatif aux prérogatives réservées au représentant de l'Etat en matière de contrôle de légalité ;

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle »; que le présent litige, qui a pour objet la validité d'un contrat de délégation du service public de distribution d'eau potable, porte sur des droits et obligations à caractère civil au sens de ces stipulations qui lui sont, dès lors, applicables ;

Considérant que les dispositions de l'article 101 de la loi du 30 décembre 2006 précitées ont pour effet de valider les contrats conclus par les communes ou leurs groupements ayant pour objet la gestion des services publics locaux d'eau et d'assainissement, entachés d'illégalité au motif tiré de l'absence de caractère exécutoire, à la date de leur signature, de la délibération autorisant cette signature ; que cet article ne porte pas atteinte aux situations des cocontractants et ne prive pas les cocontractants de garanties et de recours, notamment de la possibilité de faire valoir leur droit à indemnisation ; qu'ainsi, les dispositions litigieuses, qui n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de faire obstacle à l'exécution de décisions de justice passées en force de chose jugée, sont justifiées par d'impérieux motifs d'intérêt général, tenant à la nécessité de supprimer le vice d'incompétence qui entachait d'illégalité desdits contrats, relatifs aux délégations des services publics de l'eau et de l'assainissement, et d'éviter de ce fait d'interrompre la continuité de ces services publics ; qu'elles ne sont, dès lors, pas incompatibles avec les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que la seule circonstance que l'entrée en vigueur de cet article valide les contrats dont la légalité aurait pu être contestée en raison de l'incompétence du signataire du contrat, n'est pas de nature à faire regarder cet article comme contraire au principe de sécurité juridique ;

Considérant que les jugements du Tribunal administratif de Montpellier en date du 18 février 2005 ont constaté la nullité du contrat d'affermage signé entre la SNC CISE et le SIVOM du Méjean, au motif tiré de l'absence de caractère exécutoire, à la date de sa signature, de la délibération du conseil syndical autorisant cette signature ; que cette délibération, en date du 25 avril 1990, a été transmise au représentant de l'Etat le 30 avril 1990 ; que par conséquent, les dispositions de l'article 101 de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques précitées valident le contrat signé entre le SIVOM du Méjean et la SNC CISE, conclu avant le 10 juin 1996, et ayant pour objet de confier à cette entreprise la gestion du service public de distribution d'eau potable ; que si la commune de Lattes et la commune de Palavas-Les-Flots soutiennent que la délibération autorisant la signature du contrat et ce contrat n'auraient pas fait l'objet d'une publicité suffisante, elles ne justifient pas une telle allégation, ni eu égard à l'absence de précision de ce moyen, de son caractère opérant, compte tenu notamment de la date des actes dont il s'agit, et, en tout état de cause, elles ne permettent pas au juge d'en apprécier le bien fondé ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête sur ce point, la société SAUR FRANCE est fondée à soutenir que le contrat d'affermage signé entre la SNC CISE et le SIVOM du Méjean n'est pas entaché de nullité à ce titre et que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'ainsi, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des conclusions présentées par la société SAUR FRANCE fondées sur les manquements des communes de Lattes et de Palavas-Les-Flots à leurs obligations contractuelles ;

Considérant que la durée du contrat d'affermage signé entre la SNC CISE et le SIVOM du Méjean a été, par son article 3, fixée à dix années, avec faculté de tacite reconduction pour deux périodes de 5 ans, sauf dénonciation par la collectivité au moins 6 mois avant l'expiration de la période contractuelle ; que ce même article précise «… Si tel était le cas, il serait fait application des dispositions financières prévues à l'article 5 paragraphe E Conditions particulières…» ; qu'il résulte des dispositions de l'article 5 E) de ce contrat: «l'ensemble des engagements financiers définis ci-dessus sont pris en charge par le fermier pour une durée d'affermage de 20 ans. Si au terme de la période contractuelle initiale ou de la période de prolongation en cours, la collectivité décidait de mettre fin à la poursuite du contrat d'affermage, cette dernière s'engage à verser au fermier, dans les six mois qui suivent la résiliation, les indemnités ou charges d'investissement suivantes… » ; qu'en outre, un avenant à ce contrat d'affermage du 5 janvier 1993 prévoit , en ce qui concerne la commune de Lattes, une extension du périmètre d'affermage, au secteur dit de Maurin, amenant le fermier à prendre en charge certains travaux de raccordement et les annuités de remboursement de l'avance accordée par l'agence de l'eau ; que l'article 2 g) de cet avenant précise également qu'en cas de décision de la collectivité de mettre fin au contrat en cours ou à sa prolongation, les charges d'investissement non amorties au titre de ces travaux seraient reversées au fermier ;
Considérant que les clauses de tacite reconduction contenues dans des contrats de délégation de service public conclus antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L.1411-1 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ne peuvent plus recevoir application , que toutefois, il résulte des stipulations du contrat précitées que le principe de l'amortissement contractuel des équipements sur vingt ans a été accepté par les deux cocontractants, indépendamment de la cause d'une éventuelle rupture du contrat ; que par suite,le principe du versement de cette indemnité contractuelle ne constitue pas une mesure d'application d'une clause de tacite reconduction ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le versement de cette indemnité à la société SAUR FRANCE serait de nature à transformer le contrat en un marché public ;

Considérant que les communes ne contestent pas avoir demandé la réalisation de ces équipements et leur prise en charge par la société fermière ; que dans ces conditions, la société SAUR FRANCE, venant aux droits de la société SNC CISE est fondée à demander, en application de l'article 5 E du contrat d'affermage et de l'article 2 g de son avenant du 5 janvier 1993, la condamnation des communes de Lattes et de Palavas-Les-Flots, ayant repris les droits et obligations du SIVOM du Mejean, à lui verser respectivement les sommes de 391 579.93 euros pour la première et de 898 919 euros, pour la seconde ;

Sur les intérêts :

Considérant qu'en application des stipulations de l'article 5 du contrat d'affermage, «les intérêts sont dus au titre du paragraphe E au taux d'escompte de la banque de France «le 1er du mois M +6 qui suit la résiliation» , soit au 1er juin 2000 ; que dans ces conditions, la société SAUR FRANCE a droit aux intérêts calculés au taux légal sur les sommes de 391 579.93 et de 898 919 euros ; que ces intérêts doivent être appliqués à compter du 1er juin 2000, et non à compter de la réception de la demande préalable du 18 janvier 2000 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : «Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.» ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des communes de Lattes et de Palavas-Les-Flots la somme de 2 000 euros chacune au titre des frais exposés par la société SAUR FRANCE et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements n° 0100441 et n° 0203169 du 18 février 2005 du Tribunal administratif de Montpellier sont annulés.
Article 2 : La commune de Lattes est condamnée à verser à la société SAUR FRANCE la somme de 391 579,93 euros (trois cent quatre-vingt onze mille cinq cent soixante-dix neuf euros quatre ;vingt treize centimes) assortie des intérêts légaux à compter du 1er juin 2000.
Article 3 : La commune de Palavas-Les-Flots est condamnée à verser à la société SAUR FRANCE la somme de 898 919 euros (huit cent quatre-vingt dix-huit mille neuf cent dix-neuf euros) assortie des intérêts légaux à compter du 1er juin 2000.
Article 4 : Les communes de Lattes et de Palavas-Les-Flots verseront à la société SAUR FRANCE une somme de 2 000 euros (deux mille euros) chacune au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société SAUR FRANCE, aux communes de Lattes et de Palavas-Les-Flots.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
N° 05MA01089 - 05MA01090 2

SR


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA01089
Date de la décision : 17/01/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: Mme STECK-ANDREZ
Avocat(s) : CABINET CABANES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-01-17;05ma01089 ?
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