Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2005, présentée pour M. Robert X, demeurant ..., par Me Laurens ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0002678 du 29 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1994 ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée et des pénalités y afférentes ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 206 785 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la loi 94-126 du 11 février 1994 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2008 :
- le rapport de Mme Mariller, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Emmanuelli, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X et son épouse ont créé le 5 juillet 1993 la SARL Les Editions Régionales qui a opté au titre des années 1994 à 1996 pour le régime fiscal des sociétés de personne ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la société, l'administration a remis en cause au titre de l'année 1994 l'application du régime d'exonération prévu par les dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts sous lequel elle s'était placée, au motif de la souscription tardive de la déclaration de résultats afférente à l'exercice clos en 1994 et a notifié aux associés au titre de la même année un supplément d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que M. X relève appel du jugement du 29 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette cotisation supplémentaire ;
Sur le terrain de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : «I. Les entreprises créées à compter du 1er octobre 1988 soumises de plein droit ou sur option à un régime d'imposition de leur résultat et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au terme du
vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A (...)» ; qu'aux termes de l'article 53 A du même code : «Sous réserve des dispositions du 1 bis de l'article 302 ter et de l'article 302 septies A bis, les contribuables autres que ceux visés à l'article 50, sont tenus de souscrire chaque année, dans les conditions et délais prévus aux articles 172 et 175, une déclaration permettant de déterminer et de contrôler le résultat imposable de l'année ou de l'exercice précédent» ; que selon les termes de l'article 60 du code général des impôts : «Le bénéfice des sociétés visées à l'article 8 est déterminé, dans tous les cas, dans les conditions prévues pour les exploitants individuels et, en outre, suivant des modalités particulières fixées par décret pour celles de ces sociétés qui sont admises au régime du forfait. Ces sociétés sont tenues aux obligations qui incombent normalement aux exploitants individuels» ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu à raison des bénéfices réalisés par une société relevant du régime prévu à l'article 8 du code général des impôts, ne peuvent bénéficier de l'exonération prévue à l'article 44 sexies de ce code que si ladite société a déposé les déclarations auxquelles elle est tenue en vertu de l'article 60 du code général des impôts dans les délais prévus à l'article 175 du même code ; qu'il est constant qu'en l'espèce le délai fixé par l'article 175 au 30 mars 1995 avait fait l'objet d'un report jusqu'au 2 mai suivant ; qu'enfin aux termes de l'article 4 II de la loi 94-126 du 11 février 1994 applicables notamment aux relations entre l'administration fiscale et les contribuables en vertu de l'article 1er de la loi : «Lorsque la transmission d'une déclaration écrite entre une entreprise et une administration est soumise à une date limite d'envoi, le cachet de la poste fait foi de la date de cet envoi» ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société les Editions Régionales a envoyé à l'administration le 2 mai 1995, un imprimé de déclaration reçu le 15 mai par le service, indiquant un résultat fiscal égal à zéro et ne portant aucune mention à la ligne réservée «exonération entreprise nouvelle» ; que cet envoi était accompagné d'une demande de délai supplémentaire justifiée par un surplus d'activité ; que la société a ensuite spontanément déclaré le 30 juin 1995 un résultat fiscal d'un montant de 4 328 197 francs en sollicitant le bénéfice des dispositions précitées de l'article 44 sexies du code général des impôts ; que si M. X soutient à juste titre que le tribunal a à tort considéré, qu'en fonction de la date de réception par l'administration, sa déclaration déposée le 2 mai 1995 était tardive alors que les dispositions précitées de l'article 4 II de la loi 94-126 du 11 février 1994 commandaient de tenir compte de la date d'envoi, l'imprimé envoyé le 2 mai 1995 ne comportait en tout état de cause aucune mention d'un résultat réalisé et ne permettait pas de déterminer et de contrôler le résultat imposable de l'exercice précédent ; que l'envoi de cet imprimé ne pouvait donc être regardé comme la déclaration exigée par les dispositions de l'article 53 A du code général des impôts ; que cette déclaration n'a été effectuée que le 30 juin 1995, soit après l'expiration du délai légal imparti ; que ce seul motif suffisait à justifier, sur le fondement de la loi fiscale, la remise en cause du bénéfice du régime dérogatoire prévu en faveur des entreprises nouvelles par les dispositions précitées de l'article 44 sexies du code général des impôts ;
Sur le terrain de la doctrine administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, «Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente» ;
Considérant que M. X invoque en premier lieu les doctrines 4-G-2324 et 3334 qui autorisent le contribuable sous certaines conditions à déposer une déclaration provisoire et à la compléter ensuite ; que la doctrine administrative considère que «la déclaration provisoire ne saurait consister simplement en affirmations plus ou moins vagues sur l'ordre de grandeur des résultats de l'exercice écoulé ; elle doit comporter l'indication chiffrée des éléments utiles à l'établissement d'une imposition, même provisoire, tels que ces éléments sont connus à la date de souscription de la déclaration provisoire. Le chef d'entreprise a seulement la faculté de formuler certaines réserves sur les données de la déclaration qui ne peuvent être considérées comme définitives» ; qu'en l'espèce la déclaration du 2 mai ne mentionnant aucun résultat n'avait pas les caractéristiques exigées d'une déclaration provisoire ; que la déclaration spontanée du 30 juin 1995 ne peut pas plus, nonobstant la bonne foi alléguée, être regardée comme une déclaration rectificative de la déclaration du 2 mai 1995 ;
Considérant, en second lieu, que M. X invoque la réponse du ministre de l'économie, des finances et du budget à M. Christian Kert, député, publiée au bulletin officiel des impôts 4 A-6-89 et reprise dans la documentation de base n° 4 A 2141, suivant laquelle l'administration tiendra compte des circonstances particulières qui pourraient justifier des retards limités à quelques jours dans le dépôt des déclarations ; que toutefois, ces recommandations ne précisent pas la nature des circonstances qu'elles mentionnent ; qu'ainsi, elle ne constitue pas une interprétation de la loi fiscale opposable au service au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'au surplus, il est constant que le retard mis par la société Les Editions Régionales pour déposer sa déclaration de résultats excédait les quelques jours de retard ainsi admis par la doctrine administrative ;
Considérant, enfin que le silence gardé par l'administration sur la demande d'octroi d'un délai supplémentaire de déclaration ne vaut pas prise de position formelle de l'administration et acceptation de cette demande ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Robert X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N° 05MA03201