Vu le recours, enregistré le 3 septembre 2004, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
Le ministre demande à la Cour d'annuler le jugement n° 9907381/0006197 en date du
3 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a accordé à l'indivision composée de MM. Alain et Guy Mounier le remboursement de la somme de 35 375,95 euros (232 051 francs) correspondant à un crédit de taxe sur la valeur ajoutée regardé par le tribunal comme déductible au titre du premier trimestre de l'année 1998 et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 823,29 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
.........................................................................................................
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2008 :
- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;
- les observations de Me Luherne, pour l'indivision composée de
MM. Guy et Alain Mounier ;
- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'indivision composée de MM. Guy et Alain Mounier a acquis par acte du 21 novembre 1980 un immeuble bâti et le terrain attenant sur le territoire de la commune de Vedène ; que l'indivision a déposé le 24 février 1982 une demande de permis de construire pour l'aménagement de l'immeuble en hôtel-restaurant, permis qui a été accordé le 7 juin 1982 ; que les travaux autorisés se sont achevés en 1997 ; que, le 14 mars 1998, l'indivision a donné à bail les murs à usage d'hôtel à la SARL Mounier, exploitante du fonds de commerce et fait connaître à l'administration fiscale qu'elle commençait une activité de loueur de locaux nus en exerçant l'option prévue au 2° de l'article 260 du code général des impôts pour la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des loyers perçus ; que l'indivision a déposé auprès des services fiscaux le 27 août 1998 une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de
232 051 francs, correspondant à la taxe acquittée à raison des travaux réalisés sur l'immeuble ; que sa demande a été rejetée par l'administration fiscale ; que, par un jugement en date du 3 mai 2004, le Tribunal administratif de Marseille a estimé en revanche que l'indivision était en droit de prétendre au remboursement demandé par application des dispositions de l'article 226 de l'annexe II au code général des impôts ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE relève appel de ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité du recours du ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : « I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...). IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée, peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat (...) » ; qu'aux termes de l'article 226 de l'annexe II au même code dans sa rédaction alors en vigueur : « Les personnes qui deviennent redevables de la taxe sur la valeur ajoutée peuvent opérer la déduction (...) : (...) 2° De la taxe ayant grevé les biens constituant des immobilisations qui n'ont pas encore commencé à être utilisés à la date à laquelle elles sont devenues redevables (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une activité qui est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, par nature ou en conséquence d'une option régulièrement exercée, donne droit à la déduction ou, le cas échéant, au remboursement de la taxe ayant grevé les éléments de prix de revient de cette activité, dès que celle-ci a été entreprise et sans qu'il y ait lieu d'attendre la réalisation du fait générateur de la taxe due à raison des affaires faites par le contribuable dans l'exercice de cette activité ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le permis de construire demandé le 24 février 1982 par l'indivision et accordé à celle-ci le 7 juin 1982 autorisait la construction d'un hôtel de 10 chambres et d'un restaurant de 50 couverts sur une surface de
498, 45 m² ; que l'indivision a ainsi manifesté clairement son intention de se livrer à une activité entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; que les dépenses de construction et d'aménagement de l'immeuble, dont le montant n'est pas contesté, ne peuvent, par suite, être regardées comme engagées en vue d'un usage privé de l'immeuble, lequel n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune utilisation privée ou commerciale jusqu'en 1998 ; que le temps écoulé entre le début des travaux à raison desquels le remboursement de taxe est demandé et l'exercice par l'indivision de l'option, prévue par le 2° de l'article 260 du code général des impôts, pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de la location de cet immeuble destiné à un usage commercial, n'est pas de nature à infirmer l'intention ainsi manifestée ; que l'indivision était, de ce fait, en droit de demander le remboursement du crédit de taxe dont elle disposait à concurrence de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée à raison des travaux réalisés sur l'immeuble ;
Considérant, en deuxième lieu, que, même si l'indivision a fait figurer dans sa déclaration de livraison à soi-même datée du 27 août 1998 un montant de taxe déductible de 252 420 francs venant neutraliser le montant de taxe dont elle était redevable à raison de cette même opération, elle restait en droit de se prévaloir d'un « crédit de départ » à concurrence de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en paiement des travaux réalisés sur l'immeuble ;
Considérant, en troisième lieu, que le droit d'un redevable par option à obtenir la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ou le remboursement d'un crédit de taxe prend naissance à la date à laquelle l'option a été exercée ; que l'indivision composée de MM. Guy et Alain Mounier ayant souscrit le 14 mars 1998 l'option prévue au 2° de l'article 260 du code général des impôts, elle était en droit de présenter sa demande de remboursement au titre du premier trimestre de l'année 1998 sans que soient méconnues les dispositions, relatives au délai de réclamation, du deuxième alinéa du 1. de l'article 224 à l'annexe II au code général des impôts et de l'article R.196-1 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a accordé à l'indivision composée de MM. Alain et Guy Mounier le remboursement de la somme de 35 375,95 euros
(232 051 francs) et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 823,29 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; qu'en outre, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application du même article, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'indivision en appel ;
D É C I D E :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à l'indivision composée de MM. Alain et Guy Mounier la somme de
1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à l'indivision composée de MM. Alain et Guy Mounier.
Copie en sera adressée à M. Luherne et à la direction des services fiscaux de Vaucluse.
2
N° 04MA01960