Vu la requête enregistrée le 16 juin 2006 sous le n° 06MA01738 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour la SOCIETE STEM, dont le siège est La Sarrière à Meyreuil (13590), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Randazzo ; la SOCIETE STEM demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0102047 du Tribunal administratif de Nice du 7 avril 2006 en tant qu'il n'a condamné l'Etat (ministère de la défense) qu'à lui verser 21.882,21 euros en règlement de deux factures des 14 février et 26 mai 1997 et rejeté le surplus de ses demandes indemnitaires ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 24.370,48 euros au titre des factures impayées des 14 février et 26 mai 1997, 2.906,14 euros au titre des frais financiers, et 1.525 euros de dommages et intérêts, le règlement des factures étant assorti des intérêts de droit capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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La SOCIETE STEM soutient que : elle a livré à la DCN Toulon des matériels correspondant à deux commandes ayant donné lieu à deux factures des 14 février 1997 et 26 mai 1997 pour des montants respectifs de 36.035,28 francs et 123.824,64 francs qui n'ont pas été réglées sous le prétexte erroné de non-conformité du matériel ; elle a demandé une expertise en référé ; le rapport de l'expert déposé le 10 mars 2000 conclut à la conformité du matériel pour la première facture, à la conformité de la moitié du matériel pour la seconde, et à l'équivalence technique pour l'autre moitié ; seule une défectuosité des emballages a été observée ; la DCN a dans un premier temps proposé une transaction pour la totalité, mais n'a pas formalisé l'accord ; par le jugement attaqué, le Tribunal a retranché de la seconde facture le prix d'un silencieux jugé défectueux (2.769 francs) et celui du matériel non correctement emballé (13.553 francs) et rejeté les demandes liées aux frais financiers supportés par la SOCIETE STEM (2.906,14 francs) et à l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi du fait des relances et assignation que lui a adressées son fournisseur MADEX (10.000 francs) ; ces soustractions sont injustifiées ; s'agissant du silencieux, la DCN l'avait rebuté comme usagé ; le rapport de l'expert conclut qu'aucun matériel usagé n'avait été livré ; le rebut opéré par la DCN ne l'a été que 18 mois après la livraison, sans aucune remarque préalable ; c'est donc à tort que le Tribunal a considéré que le silencieux présentait des anomalies de soudure pouvant justifier le rebut ; s'agissant des défauts d'emballage, la SOCIETE STEM ne saurait en être tenue pour responsable étant donné que lesdits matériels ont été ouverts par les agents de la DCN puis manipulés par les services de gendarmerie avant mise sous scellés et n'ont pas été rebutés pour ce motif ; les frais financiers ont été évalués par l'expert et c'est à tort que le Tribunal a estimé que la DCN avait supporté des frais du fait de l'absence de certificats de conformité ; ces certificats ont été fournis et aucun frais n'a été supporté par la DCN de ce fait ; les opérations d'expertise ont occasionné un manque à gagner et des frais de déplacement à trois reprises de la part du PDG et d'un cadre de la société, évalués à 4.600 francs (701,27 euros) ; le fournisseur MADEX a entrepris des actions pour obtenir le paiement de sa facture, causant un préjudice évalué à 10.000 francs (1.524,49 euros) ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2006, présenté par le ministre de la défense qui demande à la Cour de rejeter la requête et en outre de mettre les frais d'expertise pour moitié à la charge de la requérante ; il soutient que la circonstance que l'administration n'a pas contesté le paiement de l'ensemble des deux factures litigieuses dans le cadre d'un projet de transaction ne saurait être utilement invoquée dès lors que les sommes en cause ne correspondent pas à des prestations réellement effectuées ; pas plus en appel qu'en première instance la SOCIETE STEM ne justifie du préjudice dont elle se prévaut ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2008 :
- le rapport de Mme Favier, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Marcovici, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE STEM demande le règlement de deux factures des 14 février et 26 mai 1997 d'un montant de 26.035,28 francs (5.493,54 euros) et de 123.824,64 francs (18.876,94 euros) respectivement, correspondant à des commandes de matériel que lui a passées la direction des chantiers navals de Toulon (DCN) et l'indemnisation du préjudice résultant des difficultés de paiement ; qu'elle fait appel du jugement du 7 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nice a accordé le paiement de la première facture mais limité à 16.388,67 euros l'indemnisation due par l'Etat au titre de la seconde et rejeté les demandes d'indemnisation portant sur les autres chefs de préjudice ;
- sur le paiement des factures :
Considérant, en premier lieu, que la somme de 16.388,67 euros accordée par le Tribunal en règlement de la facture du 26 mai 1997 l'a été après déduction du montant facturé d'une somme de 422,13 euros correspondant à la fourniture d'un silencieux dont l'expert désigné en référé avait estimé qu'il n'était pas usagé, mais que sa construction présentait des points de soudure traversante pouvant conduire à des durées de vie écourtées, voire à des bris de matériel préjudiciables justifiant un rebut ; que compte tenu de cette défectuosité, et alors même que le matériel n'a pas été restitué au fournisseur et que le refus de paiement opposé par la DCN l'était au motif que le matériel était usagé, la SOCIETE STEM, qui a livré un matériel non conforme aux stipulations contractuelles, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont procédé à cette réfaction ;
Considérant, en deuxième lieu, que le Tribunal a également déduit de la deuxième facture dont la SOCIETE STEM demandait le règlement une somme de 13.553 francs (2.066,14 euros) TTC, représentant la valeur de 30 filtres analyseurs, 2 coussinets de protection et 12 interrupteurs contacteurs, dont l'expert avait estimé qu'ils avaient été livrés sans que soient respectées les spécifications techniques relatives à l'emballage et que cette non-conformité pouvait mettre en péril les caractéristiques et performances des matériels livrés ; que toutefois, il n'est pas contesté que la DCN n'avait pas informé son fournisseur de ce qu'elle avait constaté une défectuosité des emballages lors de la livraison ; qu'en outre, la SOCIETE STEM affirme sans être contredite que les agents de la DCN ont nécessairement ouvert les emballages pour procéder aux vérifications d'usage concernant lesdits matériels, et que les services intervenant dans le cadre de l'instruction pénale relative aux marchés de la direction des constructions navales ouverte le 19 juin 1997 les ont ensuite manipulés avant de les placer sous scellés ; que dans ces conditions, et eu égard au temps qui s'est écoulé entre la livraison des matériels dont s'agit et leur examen par l'expert, la non-conformité des emballages constatée lors de cet examen ne saurait suffire à faire regarder la livraison comme non conforme à la commande ; qu'ainsi, la SOCIETE STEM est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que le paiement des matériels correspondants n'était pas dû ; qu'il y a donc lieu de porter de 16.388,67 euros à 18.545,81 euros la somme que l'Etat devra verser à la SOCIETE STEM au titre de la facture du 26 mai 1997 et de réformer le jugement sur ce point ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 178 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable à l'espèce : « I. L'administration contractante est tenue de procéder au mandatement des acomptes et du solde dans un délai qui ne peut dépasser trente-cinq jours (...) / II. Le défaut de mandatement dans le délai prévu au I ci-dessus fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant, des intérêts moratoires, à partir du jour suivant l'expiration dudit délai jusqu'au quinzième jour inclus suivant la date du mandatement du principal (...). » ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que lorsqu'est en cause un défaut de paiement lié à un marché public, l'administration est tenue de verser à son co-contractant des intérêts moratoires dont le taux a été fixé par les dispositions combinées des arrêtés du 1er décembre 1993 et 31 mai 1997 relatifs aux intérêts moratoires dus au titre des marchés publics, et, d'autre part, que le point de départ de ces intérêts est fixé au trente sixième jour suivant la présentation de la facture dont le mandatement aurait dû être effectué ; qu'il n'est pas contesté que les deux factures litigieuses aient été reçues les 14 février et 26 mai 1997 ; que leur mandatement aurait dû intervenir avant le 21 mars 1997 pour la première et le 30 juin 1997 pour la seconde ; que par suite, les intérêts moratoires contractuels portant sur la somme de 5.493,54 euros sont dus à compter du 22 mars 1997, et à compter du 1er juillet 1997 en ce qui concerne la somme de18.545,81 euros ; que le jugement attaqué, qui accorde les intérêts légaux à compter du 16 mars 2001, date de la réclamation préalable adressée au ministre de la défense, doit être réformé en ce sens ;
Considérant, en dernier lieu, que la SOCIETE STEM a demandé dans sa requête d'appel du 19 juin 2006, la capitalisation des intérêts qui lui étaient dus ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a donc lieu de faire droit à cette demande et d'accorder la capitalisation demandée à compter du 19 juin 2006 et à chaque échéance annuelle ;
- sur les autres chefs de préjudices invoqués :
Considérant que la SOCIETE STEM demande à être indemnisée du montant des frais financiers que lui a causé le non paiement de ses factures et du préjudice que lui ont occasionné les relances que lui a adressées son fournisseur MADEX ; que ces chefs de préjudices ne sont toutefois pas distincts de ceux qui sont réparés par l'allocation des intérêts moratoires contractuels telle qu'elle est accordée ci-dessus ; que la SOCIETE STEM n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à ces demandes ;
- sur les frais d'expertise :
Considérant qu'aux termes de l'article R.761-1 du code de justice administrative : « Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de disposition particulière, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens. » ;
Considérant que l'Etat, qui reste condamné à verser à la SOCIETE STEM une somme de 21.882,21 euros, outre les intérêts moratoires dans les conditions décrites ci-dessus, est la partie perdante et qu'aucune circonstance particulière ne justifie que les frais d'expertise soient partagés ou mis à la charge d'une autre partie ; que ses conclusions incidentes tendant à ce qu'un partage soit opéré ne peuvent qu'être rejetées ;
- sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE STEM et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 5.493,54 euros (cinq mille quatre cent quatre vingt treize euros et cinquante quatre centimes) que l'Etat (ministère de la défense) a été condamné à verser à la SOCIETE STEM au titre de la facture du 14 février 1997 est assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 22 mars 1997. Ces intérêts seront capitalisés à la date du 19 juin 2006 et à chaque échéance annuelle.
Article 2 : L'indemnité de 16.388,67 euros (seize mille trois cent quatre vingt huit euros et soixante sept centimes) que l'Etat a été condamné à verser à la SOCIETE STEM au titre de la facture du 26 mai 1997 est portée à 18.545,81 euros (dix-huit mille cinq cent quarante cinq euros et quatre vingt un centimes). Cette somme sera assortie des intérêts moratoires contractuels à compter du 1er juillet 1997, avec capitalisation à la date du 19 juin 2006 et à chaque échéance annuelle.
Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE STEM une somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de l'Etat tendant au partage des frais d'expertise sont rejetées.
Article 6 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice du 7 avril 2006 attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE STEM et au ministre de la défense.
N° 0601738 2