Vu la requête, enregistrée le 26 février 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 08MA00946, présentée pour M. Marc A, demeurant ... à Beaulieu (34160), par Me Mendes Constante, avocat ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0406568 du 6 novembre 2007 en tant que, par ledit jugement, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du Premier ministre (mission interministérielle chargée des rapatriés) ayant rejeté sa demande tendant à faire réformer la décision du 27 mai 2004 par laquelle la Commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée l'a déclaré inéligible au bénéfice du dispositif de désendettement prévu par le décret n° 99-469 du 4 juin 1999 ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) d'enjoindre au Premier ministre de l'admettre au bénéfice du dispositif de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des français d'outre-mer ;
Vu la loi n° 79-583 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 86-1318 du 30 décembre 1986 de finances rectificative pour 1986, notamment son article 44-I ;
Vu le décret n° 62-261 du 10 mars 1962 relatif aux mesures prises pour l'accueil et le reclassement professionnel et social des bénéficiaires de la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 ;
Vu le décret n° 99-469 du 4 juin 1999 relatif au désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée modifié par le décret n° 2002-492 du 10 avril 2002 ;
Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 février 2010 :
- le rapport de Mme Jorda-Lecroq, rapporteur ;
- les conclusions de M. Dieu, rapporteur public ;
Considérant qu'eu égard aux termes de sa requête, M. A doit être regardé comme relevant appel du jugement en date du 6 novembre 2007 en tant que le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté son recours contre la décision par laquelle le Premier ministre a rejeté implicitement sa demande tendant à faire réformer la décision du 27 mai 2004 par laquelle la Commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée l'a déclaré inéligible au bénéfice du dispositif de désendettement prévu par le décret n° 99-469 du 4 juin 1999 ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative imposent que les jugements contiennent l'analyse des conclusions et des moyens ; qu'il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué est accompagnée de l'analyse des conclusions et des moyens contenus dans la demande introductive d'instance et dans les mémoires produits devant le Tribunal ; qu'ainsi l'absence du visa de ces moyens dans la copie notifiée au requérant n'est pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité ; que M. A n'est pas plus fondé à soutenir que l'absence de visas dans le jugement qui lui a été notifié ne lui permettait pas de connaître les moyens invoqués par l'administration et porterait atteinte ainsi aux droits de la défense ;
Considérant, en second lieu, que l'institution par les dispositions de l'article 12 du décret précité du 4 juin 1999 d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration ; qu'il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale ; que néanmoins si l'exercice d'un tel recours a pour but de permettre à l'autorité administrative, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale, sans attendre l'intervention du juge, la décision prise sur le recours demeure soumise elle-même au principe de légalité ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des écritures de première instance de M. A, que ce dernier n'a invoqué le défaut de motivation ni de la décision de la Commission, ni de celle du Premier ministre ; que par ailleurs, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le Tribunal a, contrairement à ce que soutient M. A, examiné et répondu au moyen tiré de l'absence d'examen de sa situation ; que l'intéressé a fait valoir également que les circulaires des 27 octobre 1999 et 30 avril 2002 n'étaient pas exécutoires de sorte que la décision attaquée aurait été illégale ; que toutefois, la décision en litige a été prise sur le fondement du décret 99-469 du 4 juin 1999 ; qu'il suit de là que le moyen ainsi soulevé était inopérant et que le Tribunal pouvait ne pas répondre expressément à un tel moyen ; qu'en conséquence, M. A n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation ou d'omission à statuer ; que le Tribunal, qui a jugé que l'intéressé n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions du décret du 4 juin 1999 susvisé n'a, ce faisant, pas statué ultra petita ; que le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient à tort opéré d'office une substitution de motifs, alors que M. A ne soutient pas qu'ils l'auraient fait irrégulièrement, ne serait susceptible d'affecter, à supposer cette circonstance établie, que le bien-fondé du jugement attaqué, et est, par suite, sans incidence sur sa régularité ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Considérant que pour déclarer inéligible la demande de M. A, la Commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée s'est fondée sur l'absence de justification par l'intéressé, mineur au moment du rapatriement, de la reprise de l'exploitation parentale ainsi que sur l'absence de preuve de son appartenance à l'une des catégories de bénéficiaires énoncées à l'article 2 du décret du 4 juin 1999 susvisé ; que la décision implicite du Premier ministre de rejet du recours administratif formé par le requérant, qui s'est substituée à la décision de la Commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, doit être regardée comme s'étant approprié ces motifs ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi n° 79-583 du 11 juillet 1979 : Une décision implicite intervenue dans le cas où une décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront être communiqués dans le mois suivant sa demande ; que M. A soutient, sans l'établir, qu'il aurait adressé au Premier ministre, dans le délai de recours contentieux, une demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur son recours gracieux ; que, dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait illégale, faute d'être motivée ; que par ailleurs, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision de la Commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée ne peut pas être utilement invoqué au soutien des conclusions aux fins d'annulation dirigées à l'encontre de la décision implicite de rejet du Premier ministre, laquelle s'est substituée à la décision de la Commission ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en application de l'article 4 du décret du 4 juin 1999, La Commission peut entendre le demandeur qui dispose alors de la faculté de se faire assister ou représenter par un avocat, par une personne exerçant une activité professionnelle réglementée ou par un mandataire choisi sur une liste arrêtée par le ministre chargé des rapatriés ; qu'il résulte clairement de ces dispositions que M. A peut se faire assister ou représenter notamment par l'avocat de son choix et n'est nullement tenu de prendre un mandataire choisi sur la liste arrêtée par le ministre chargé des rapatriés ; qu'en conséquence, M. A ne peut valablement prétendre que l'article 4 en cause méconnaîtrait les droits de la défense ; que M. A excipe également de l'inconventionnalité des articles 3 et 4 du décret du 4 juin 1999, en ce que les conditions de représentation des rapatriés au sein de la commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée seraient contraires aux stipulations précitées de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, lorsqu'elle se prononce sur les demandes d'admission au dispositif de désendettement institué par le décret du 4 juin 1999, la Commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée ne constitue pas un tribunal statuant sur des accusations en matière pénale ou sur une contestation sur des droits et obligations à caractère civil ; que dès lors, le moyen doit être écarté comme inopérant ;
Considérant, en troisième lieu, qu'à l'appui de son recours contre la décision implicite en cause, M. A excipe de l'illégalité du décret du 4 juin 1999 en ce qu'il prévoit que les rapatriés ne disposent que d'une voix sur quatre au sein de la Commission nationale de désendettement des rapatriés chargée d'examiner les demandes d'aides ; que toutefois, aucune disposition législative, ni aucun principe général du droit n'imposent que cette Commission soit composée pour moitié de représentants des rapatriés ; que, dès lors, l'exception d'illégalité ainsi soulevée n'est pas fondée ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 4 juin 1999 : Il est institué un dispositif de désendettement au bénéfice des personnes mentionnées à l'article 2 qui, exerçant une profession non salariée ou ayant cessé leur activité professionnelle ou cédé leur entreprise, rencontrent de graves difficultés économiques et financières, les rendant incapables de faire face à leur passif ; qu'aux termes de l'article 2 de ce décret : Bénéficient des dispositions du présent décret les personnes appartenant à l'une des deux catégories suivantes : 1° Personnes mentionnées au I de l'article 44 de la loi de finances rectificative pour 1986 ; 2° Mineurs au moment du rapatriement qui, ne remplissant pas les conditions fixées au I de l'article 44 précité, répondent à l'une au moins des quatre conditions suivantes : - être pupille de la nation, - être orphelin de père et de mère en raison des événements ayant précédé le rapatriement - être orphelin et avoir repris l'entreprise d'un grand-parent - être une personne dont le père ou la mère, exerçant une profession non salariée, n'a pas pu se réinstaller en raison de son décès intervenu dans la période de cinq ans suivant le rapatriement ; qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; qu'en vertu des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens./ Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer 1'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ;
Considérant que M. A soutient que le dispositif ainsi institué, serait illégal, par son renvoi à l'article 44-1 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1986, lequel article opèrerait, sans raison, une distinction entre les rapatriés et les enfants de rapatriés mineurs au moment du rapatriement, alors que ces deux catégories de rapatriés seraient confrontés aux mêmes difficultés professionnelles ; qu'il ne ressort toutefois pas de ces dispositions de l'article 44-1 de la loi du 30 décembre 1986 que celles-ci auraient entraîné une discrimination entre personnes se trouvant dans une situation analogue et méconnaîtraient ainsi les stipulations des articles conventionnels précités ; que M. A n'est par suite pas fondé à soutenir que l'application de l'article 44-I de la loi du 30 décembre 1986 doit être écartée et à invoquer en conséquence les dispositions de la loi du 26 décembre 1961 ; que les moyens ainsi tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la violation de la loi dont serait entachée la décision contestée doivent être écartés ;
Considérant, enfin, que, M. B se borne à soutenir, comme il l'avait fait devant les premiers juges, qu'il s'est réinstallé dans une profession non salariée et a rencontré de graves difficultés économiques ; que ce moyen a été écarté à bon droit par les premiers juges qui n'ont ce faisant pas procédé irrégulièrement, contrairement à ce que soutient le requérant, à une substitution de motifs ; qu'il y a lieu, dès lors, par adoption des motifs retenus par ceux-ci, d'écarter le moyen ainsi articulé par M. A, qui ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'il avait développée devant le Tribunal administratif de Montpellier ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montpellier a, par jugement du 6 novembre 2007, rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette la demande de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Marc A et au Premier ministre.
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N° 08MA00946 2
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