Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2008, présentée pour Mme Christiane A élisant domicile ... par Me Milhe-Colombain, avocat ; Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0608386 en date du 6 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à voir condamner le centre hospitalier de Montperrin à lui payer la somme de 130 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du
14 août 2006 en réparation de préjudices consécutifs aux fautes commises par cet établissement ;
2°) d'annuler la décision de rejet du centre hospitalier de Montperrin du
2 octobre 2006 ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Montperrin à lui verser la somme de
130 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 2006 et application de l'anatocisme ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Montperrin la somme de 3 000 euros au titre des frais d'instance ;
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Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juin 2010,
- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur,
- les conclusions de M. Brossier, rapporteur public,
- et les observations de Me Biscaino, substituant Me Milhe-Colombain, pour
Mme A et les observations de Me Pasquier pour le centre hospitalier de Montperrin ;
Considérant que Mme A, infirmière psychiatrique, a été victime le
6 septembre 1999 d'une agression par une patiente délirante du centre hospitalier de Montperrin alors qu'elle était en service ; qu'elle a saisi ledit centre d'une demande préalable le 14 août 2006 en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices économiques, financiers, matériels et moraux consécutifs à cette agression en invoquant le défaut dans l'organisation du service de l'établissement hospitalier ; que Mme A relève appel du jugement du 6 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à voir condamner le centre hospitalier de Montperrin à lui payer la somme de 130 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 2006 en réparation de préjudices qu'elle allègue avoir subis consécutivement aux fautes commises par cet établissement à l'origine de son agression ;
Considérant qu'aux termes de l'article 80 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 susvisée : Les établissements (...) sont tenus d'allouer aux fonctionnaires qui ont été atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10% ou d'une maladie professionnelle, une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec leur traitement dans les mêmes conditions que les fonctionnaires de l'Etat. Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par voie réglementaire. ;
Considérant que ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'elles ne font cependant obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment des pièces médicales versées au dossier que Mme A a développé un état de stress
post-traumatique nécessitant son placement en arrêt de travail à la suite de l'agression dont elle a été victime le 6 septembre 1999 par une patiente délirante alors qu'elle était en service ; que si Mme A persiste à soutenir en appel que la responsabilité du centre hospitalier se trouve engagée à raison d'un défaut dans l'organisation du service en invoquant l'insuffisance du personnel et le non-respect des normes protectrices , elle n'apporte cependant à l'appui de cette assertion aucun élément de nature l'établir ; que, dans ces conditions, et ainsi que l'a jugé le tribunal, Mme A n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier de Montperrin aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard ;
Considérant, en second lieu, qu'alors même qu'elle a été indemnisée au titre de la réglementation relative aux accidents de service, Mme A conserve le droit de demander au centre hospitalier de Montperrin, en l'absence même d'une faute de cet établissement public, la réparation des souffrances physiques et morales et des préjudices esthétique et d'agrément pouvant résulter de sa maladie ; que le délai pour obtenir l'indemnisation de certains préjudices subis par Mme A tel le préjudice moral dont elle demande la réparation ne pouvait courir au plus tôt que du 1er janvier de l'année suivant celle au cours de laquelle l'état de santé de l'intéressée avait été consolidé ; que le centre hospitalier soutient que la consolidation a été acquise au plus tard au cours de l'année 2001 et que la créance de la requérante était prescrite au moment de la présentation de sa demande préalable formée en août 2006 ; qu'il n'apporte toutefois à l'appui de cette assertion aucune pièce médicale de nature à l'établir ; qu'il résulte en revanche de l'instruction et notamment du certificat médical du 3 janvier 2003, communiqué au défendeur et non contesté par ce dernier, rédigé par un praticien spécialisé en neuropsychiatrie, que, suite à l'accident de travail dont a été victime Mme A le 6 septembre 1999, la consolidation de l'état de santé de l'intéressée avec séquelles date du 4 janvier 2003 ; que les autres éléments figurant au dossier ne permettent pas de contredire cette date du 4 janvier 2003 ; que, par suite, il ne peut être faire droit à l'exception de prescription opposée par le centre hospitalier de Montperrin ; que si
Mme A soutient avoir subi d'importants préjudices économiques, financiers, matériels et moraux, elle ne peut cependant obtenir, en l'absence de faute du centre hospitalier de Montperrin, la réparation de son seul préjudice moral ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice consécutif à l'agression subie le 6 septembre 1999 en condamnant le centre hospitalier de Montperrin à lui verser une somme forfaitaire de 5 000 euros, tous intérêts compris ; que ce montant tient compte des troubles psychologiques non contestés dont souffrait Mme A antérieurement à l'accident dont s'agit qui avaient justifié un arrêt de travail de quelques mois en 1994 au vu des éléments médicaux versés au dossier ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ; que la présente affaire n'a donné lieu à aucun dépens ; que, par suite, les conclusions présentées par le centre hospitalier de Montperrin sur le fondement de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Montperrin une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par
Mme A et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le centre hospitalier de Montperrin versera à Mme A la somme de
5 000 (cinq mille) euros tous intérêts compris.
Article 2 : Le jugement n° 0608386 en date du 6 mars 2008 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier de Montperrin versera à Mme A la somme de
1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Montperrin sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Christiane A, au centre hospitalier de Montperrin et au ministre de la santé et des sports.
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N° 08MA023992