Vu la requête, enregistrée le 24 juillet 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 08MA3504, présentée pour Me Pierre-Louis B, demeurant 1 rue Alexandre Mari à Nice (06300) et M. Patrice C, demeurant 56, Bd Jean Jaurès à Nice (06300), par Me Barbançon-Hillion, avocat ;
Me B et M. C demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0405666 du 7 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à verser à Me B en qualité de commissaire au plan de cession de la pharmacie exploitée par M. C une somme de 1 104 280 euros en réparation du préjudice économique subi par ladite pharmacie et à M. C une somme de 300 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;
2°) de condamner l'Etat à verser à Me B en qualité de commissaire au plan de cession de la pharmacie exploitée par M. C une somme de 1 104 280 euros en réparation du préjudice économique subi par ladite pharmacie et à M. C une somme de 300 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Considérant que par arrêté du 21 juin 1995 le préfet des Alpes-Maritimes a décidé que les officines de pharmacies du département seraient totalement fermées au public le dimanche, à l'exception de celles désignées pour assurer le service de garde mis en place par les organisations professionnelles ; que M. C, pharmacien à Nice, a cependant continué d'ouvrir son officine le dimanche alors qu'il n'était pas de garde, jusqu'en octobre 1997 ; que par décision du 20 janvier 1998, le Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens, saisi en appel, a confirmé la sanction d'interdiction temporaire d'exercer la pharmacie pendant six mois prononcée à l'encontre de M. C en raison de cette ouverture le dimanche par le conseil régional de l'ordre des pharmaciens ; que M. C a déposé en 2000 le bilan de sa pharmacie ; que ce dépôt de bilan a été suivi d'une procédure de redressement judiciaire ; que par un arrêt du 6 juillet 2000, devenu définitif, la Cour administrative d'appel de Marseille a annulé l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 21 juin 1995 ; que M. C et Me Pierre-Louis B, commissaire au plan de cession de la pharmacie exploitée par M. C, interjettent appel du jugement du 7 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à les indemniser du préjudice économique subi par la pharmacie et du préjudice moral subi par M. C du fait de l'édiction de l'arrêté précité du 21 juin 1995 du préfet des Alpes-Maritimes ;
Considérant que la Cour administrative d'appel de Marseille a annulé l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 21 juin 1995 au motif que si le préfet tient des dispositions précitées de l'article L. 588-1 du code de la santé publique le pouvoir de régler le service de garde et d'urgence, sous réserve que soient réunies les conditions prévues par ce texte, il ne pouvait en revanche, comme il l'a fait, sans entacher sa décision d'un détournement de procédure, intervenir dans l'organisation de ce service en faisant application des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 221-17 précité du code du travail. ; que cette illégalité constitue, quelle que soit sa nature, une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique pour autant qu'elle entraîne un préjudice direct et certain ; qu'ainsi, la seule circonstance qu'en raison du motif de cette annulation, le préfet des Alpes-Maritimes, qui n'y était pas tenu, aurait pu reprendre les mêmes dispositions, ne permettait pas aux premiers juges d'écarter l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices invoqués par M. C et Me B et l'application d'une réglementation illégale pendant la période en cause ; que, dès lors, en estimant que l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 21 juin 1995 ne faisait pas obstacle à ce que les mesures qu'ils comprenaient fussent légalement reprises par les autorités compétentes et en en déduisant que les préjudices dont M. C et Me B demandaient réparation n'étaient pas directement imputables à une faute de l'Etat, le Tribunal administratif de Nice a commis une erreur de droit ;
Considérant, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les prétentions de M. C et Me B qui demandent la condamnation de l'Etat à réparer les pertes d'exploitation, la moins-value lors de la cession de l'officine, ainsi que le préjudice moral ;
Considérant tout d'abord que s'agissant de la période comprise entre la date d'édiction de l'arrêté illégal le 21 juin 1995 et le mois d'octobre 2007, mois à partir duquel M. C a respecté cet arrêté à la suite du prononcé d'une amende par le Tribunal de police de Nice le 26 septembre 1997, aucune réparation ne peut être demandée puisque l'arrêté n'a pas été respecté qu'il n'y a pas eu de modification dans les conditions d'exercice de son activité de pharmacien et qu'il n'y a donc pas eu de préjudice subi par le titulaire de l'officine ;
Considérant ensuite que s'agissant de la période allant du mois de juin 1998 à la date de la décision de la Cour annulant l'arrêté préfectoral, soit le 6 juillet 2000, les préjudices dont peut se prévaloir M. C sont les conséquences de l'impossibilité pour lui d'ouvrir le dimanche car il a respecté pendant cette période l'interdiction illégale d'ouverture ; que cependant, Me EVAZIN pour chiffrer le préjudice subi au titre de la perte d'exploitation en raison de la fermeture hebdomadaire de l'officine ne fournit que des éléments relatifs au chiffre d'affaires de la pharmacie et ne produit à l'appui de ces prétentions aucun élément quant aux bénéfices ; qu'ainsi, en l'état des pièces et justificatifs apportés au dossier, ces prétentions ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant enfin que s'agissant de la période de six mois à compter du mois de janvier 1998, période d'exécution de la sanction d'interdiction temporaire pendant laquelle M. C n'a pu personnellement exercer son activité et a en conséquence embauché deux salariés afin d'ouvrir son officine de 9 heures à 21 heures en semaine, si les requérants soutiennent qu'en a résulté un préjudice financier consistant en des pertes d'exploitation en raison de la fermeture la nuit et le dimanche, ils se bornent à produire une estimation de la baisse du chiffre d'affaires de la pharmacie sans apporter d'éléments probants permettant d'apprécier ces pertes ; que notamment ils ne justifient de ce chiffre d'affaires que pour les années 1998 à 2000 et non pour les années précédentes ; qu'en outre, l'expert mandaté par les requérants relève que la ventilation des ventes de jour et de nuit n'apparait pas dans la comptabilité de l'officine ; qu'en revanche, il y a lieu de condamner l'Etat à verser la somme non contestée de 54 022 euros, M. C faisant valoir avoir que le coût mensuel de l'embauche de deux salariés pour tenir l'officine pendant ces six mois était de 9 016 euros ;
Considérant par ailleurs que s'agissant du préjudice financier allégué du fait de la moins-value réalisée lors de la vente de l'officine en raison de sa perte de valeur, les requérants ne produisent aucun élément au dossier quant à la cession de l'officine et son prix de vente ; que s'agissant du préjudice économique invoqué et fixé à la somme de 200 000 euros en raison de la situation de redressement judiciaire dans laquelle s'est trouvé M. C, il n'est de même aucunement établi, tant dans son principe que dans son montant ;
Considérant enfin qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. C du fait de l'illégalité de l'arrêté préfectoral à hauteur de 8 000 euros ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à verser à Me B et M. A la somme de 1500 euros sur le fondement de ces dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 7 mai 2008 du Tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à Me EZAVIN une somme de 54 022 euros et à M. GATTERRE une somme de 8 000 euros à titre de réparation.
Article 3 : L'Etat versera à M. A et Me B une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me Pierre-Louis B, à M. Patrice A et au ministre de la santé et des sports.
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N° 08MA035042