Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2008, présentée pour la SARL SNSEM, dont le siège social est situé 1288, avenue Joliot Curie, à Nîmes (30900), par Me Caquinaud ;
La SARL SNSEM demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0505629 en date du 6 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période allant du 1er janvier 2000 au 30 novembre 2002 ;
2°) de prononcer la décharge demandée à concurrence de la somme de 147 701 euros de droits et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
...................................................................................................
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2010 :
- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;
- et les observations de Me Caquinaud pour la SARL SNSEM ;
Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de son activité de grossiste en électroménager, un complément de taxe sur la valeur ajoutée a été réclamé à la SARL SNSEM au titre de la période allant du 1er janvier 2000 au 30 novembre 2002 ; que la société demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 6 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en décharge de cette imposition et des intérêts de retard qui l'ont assortie ;
Considérant qu'au titre de la période litigeuse, l'administration fiscale a refusé à la SARL SNSEM le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions du 1° du I. de l'article 262 ter du code général des impôts à raison de livraisons intracommunautaires de marchandises que la société requérante affirme avoir effectuées à destination de la Belgique et de sa principale cliente, la société belge ACBO ou à destination d'autres Etats membres ;
Sur l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts : I. Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons intracommunautaires de biens est notamment subordonnée à la condition, d'une part, que l'acquéreur desdits biens soit assujetti à cette taxe ou ait la qualité de personne morale non assujettie et ne bénéficiant pas dans l'Etat membre dans lequel elle est établie d'un régime dérogatoire l'autorisant à ne pas soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée ses acquisitions intracommunautaires et, d'autre part, que le bien ait été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l'acquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination d'un autre Etat membre ; que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération ; que, s'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, pour l'application des dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajouté est en mesure de produire les documents afférents au transport de la marchandise, lorsqu'il l'a lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise, lorsque le transport a été assuré par l'acquéreur ;
Considérant que, pour justifier de la livraison effective des biens qu'elle a vendus dans un Etat membre de la Communauté européenne, la société requérante produit pour la première fois en appel de nombreuses lettres de voiture dites CMR lesquelles ne présentent pas dans la case prévue à cet effet la signature du destinataire des biens livrés ; qu'elle produit également de nombreux documents au nombre desquels figure une attestation de la société belge ACBO, sa principale cliente, indiquant la nature des marchandises reçues par cette société belge et le lieu de destination ou de déchargement des marchandises que la société belge a elle-même envoyées dans différents Etats membres tels que le Portugal, le Danemark, l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne ou le Luxembourg, étant observé que le droit à exonération est également ouvert au vendeur lorsque la marchandise est expédiée ou transportée hors de France par l'acquéreur des biens ; que cette attestation ne saurait être regardée comme dépourvue de toute force probante même si elle est non datée et si elle est rédigée par l'administrateur délégué de la société dès lors qu'elle est circonstanciée et que l'administration ne soutient pas que la société ACBO serait dépourvue d'existence réelle ou qu'elle serait impliquée dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, toutefois, les mentions de cette attestation ne peuvent être prises en compte que si elles sont corroborées par d'autres documents tels que des relevés de virements bancaires attestant, du fait de la concordance entre les dates et les montants des opérations qui y sont retracées, que l'acquéreur des biens a effectivement payé ceux-ci et surtout des lettres de voiture comportant, à défaut de la mention relative à la réception par le destinataire final des biens, toutes les mentions utiles justifiant que les biens ont été transportés dans l'Etat membre de ce destinataire ;
Considérant que la société requérante doit être regardée comme justifiant, par un tel faisceau d'indices constitué de l'attestation de la société ACBO, de la preuve du paiement des biens et de la production de lettres de voiture CMR suffisamment probantes et permettant de vérifier que les marchandises transportées correspondent aux marchandises facturées, de l'existence de livraisons intracommunautaires s'agissant des opérations qu'elle mentionne, au titre de l'année 2001, sous le numéro 6 pour 140 000 francs, sous le numéro 11 pour 22 800 francs et sous le numéro 30 pour 521 700 francs ; qu'il en va de même s'agissant de l'opération n° 3 de l'année 2001, réalisée pour un montant de 52 500 francs avec la société ACBO ; que la société requérante doit être également regardée comme justifiant le transport dans un Etat membre, s'agissant de l'opération n° 38 de l'année 2001, par la production de factures et d'une lettre de voiture CMR mentionnant la nature des marchandises transportées et la destination de la livraison en Espagne de 41 téléviseurs pour un prix de 98 694 francs, cédés à la société belge CP Line qui, elle-même, a revendu ces téléviseurs à la société espagnole Makro Autoservicio Mayorista ; qu'enfin, s'agissant de l'opération n° 46 de l'année 2001, la production d'une facture, la preuve du règlement de cette facture et la production d'une lettre de voiture CMR mentionnant la nature des marchandises transportées et la destination de la livraison en Belgique de 7 téléviseurs pour un prix de 20 611 francs, cédés à la société belge Ghilissen, permet de tenir pour établi le transport des marchandises dans cet Etat ; que l'administration fiscale ne contestant pas que les autres conditions du droit à exonération, tenant notamment à la situation des acquéreurs au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, sont remplies, la société requérante est fondée à soutenir que les livraisons qu'elle a effectuées au cours de la période en litige étaient, à concurrence de la somme de 856 305 francs, exonérées de taxe sur la valeur ajoutée par application des dispositions du 1° du I de l'article 262 ter du code général des impôts ;
Considérant en revanche que, s'agissant des opérations n° 2, n° 23 à 27, n° 35 et n° 36 mentionnées au titre de l'année 2000, aucune justification d'un transport des biens hors de France n'est apportée ; que, s'agissant des opérations n° 3 et n° 45 mentionnées au titre de l'année 2000, aucun règlement n'est prouvé ; que, s'agissant de l'opération n° 4 mentionnée au titre de l'année 2000, aucune concordance entre les sommes facturées et les sommes payées par la société ACBO ne peut être retenue, les corrections manuscrites portées sur la facture ne pouvant se voir reconnaître une valeur probante ; qu'aucune concordance entre les sommes facturées et les sommes payées par la société ACBO ne peut non plus être retenue s'agissant des opérations n° 7, n° 9 et n° 10 mentionnées au titre de l'année 2000 ; que la livraison au destinataire final n'est pas justifiée s'agissant des opérations n° 12, n° 14 à n° 17, n° 29 et n° 31 à n° 33 ; que les mentions portées sur les lettres de voiture ne correspondent pas aux marchandises facturées s'agissant des opérations n° 34 et n° 37 de l'année 2000 ; qu'aucun document ne vient authentifier l'opération n° 39 de l'année 2000 ; qu'en outre, les documents relatifs aux opérations n° 41 et 42 de l'année 2000 comportent des incohérences ; qu'enfin, s'agissant des opérations n° 1 et 2 de l'année 2001, l'absence de preuve de règlement des biens livrés s'agissant de la première opération et les incohérences entre les sommes facturées par la société requérante et les sommes qui lui ont été payées s'agissant de la seconde opération ne permettent pas de retenir l'existence d'une livraison dans un Etat membre ;
Sur le bénéfice de la doctrine administrative :
Considérant que les termes de l'instruction référencée 3 A-3-97 du 28 mars 1997 et de la documentation administrative de base référencée 3 A-3211 à jour au 20 octobre 1999 qui se bornent à énumérer, de manière non exhaustive, les modes de preuve du transport ou de l'expédition des marchandises hors de France et précisent que la valeur de ces justifications doit être appréciée au cas par cas, ne comportent, en ce qui concerne la preuve de la livraison hors de France, aucune interprétation de la loi fiscale dont la société serait susceptible de se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL SNSEM est seulement fondée à soutenir que son chiffre d'affaires soumis à la taxe sur la valeur ajoutée de la période allant du 1er janvier 2000 au 30 novembre 2002, doit être réduit de la somme de 856 305 francs, à demander à due concurrence la réduction, en droits et intérêts de retard, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé ainsi que la réformation en ce sens du jugement du Tribunal administratif de Nîmes ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL SNSEM et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le chiffre d'affaires de la SARL SNSEM soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2000 au 30 novembre 2002 est réduit de la somme de 130 542,86 euros (856 305 francs).
Article 2 : Le complément de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à la SARL SNSEM au titre de la période allant du 1er janvier 2000 au 30 novembre 2002 est réduit, en droits et intérêts de retard, à concurrence de la réduction de base déterminée à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Nîmes en date du 6 novembre 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la SARL SNSEM la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL SNSEM est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL SNSEM et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
''
''
''
''
N° 08MA00158