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18/01/2011 | FRANCE | N°08MA01704

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 18 janvier 2011, 08MA01704


Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2008, présentée pour Mme Sylvie A, M. Bernard B, M. Bastien B et M. Léo B, demeurant au ..., par Me Bayol, avocat ;

Mme A et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501511 du 29 janvier 2008 par lequel le tribunal Administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier de Digne-les-Bains soit condamné à verser les sommes de 5 000 euros à M. Bastien B et 10 000 euros chacun à Mme A et M. Bernard B, en réparation de leur préjudice moral, 50 000 euros à Mme A et M. Bernard B, e

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Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2008, présentée pour Mme Sylvie A, M. Bernard B, M. Bastien B et M. Léo B, demeurant au ..., par Me Bayol, avocat ;

Mme A et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501511 du 29 janvier 2008 par lequel le tribunal Administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier de Digne-les-Bains soit condamné à verser les sommes de 5 000 euros à M. Bastien B et 10 000 euros chacun à Mme A et M. Bernard B, en réparation de leur préjudice moral, 50 000 euros à Mme A et M. Bernard B, en réparation du préjudice né de la perte de chance de pouvoir recourir à l'interruption volontaire de grossesse, 623 580 euros à Mme A en réparation de son préjudice financier, assorties des intérêts au taux légal, calculés à compter de la date de leur réclamation préalable et que le centre hospitalier de Digne-les-Bains soit condamné à leur verser mensuellement une somme de 800 euros correspondant aux charges particulières de soins, d'assistance et d'éducation spécialisée non couvertes par la sécurité sociale, majorée par application des coefficients de revalorisation prévus à l'article L. 434-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Digne-les-Bains à verser les sommes de 5 000 euros à M. Bastien B et 10 000 euros chacun à Mme A et

M. Bernard B, en réparation de leur préjudice moral, 50 000 euros à Mme A et M. Bernard B en réparation du préjudice né de la perte de chance de pouvoir recourir à l'interruption volontaire de grossesse pour motif thérapeutique, l'ensemble assorti des intérêts au taux légal à compter de la date de la réclamation préalable ainsi que les intérêts des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, 120 353,40 euros à Mme A en réparation de son préjudice personnel de carrière et une somme mensuelle de 800 euros correspondant aux charges particulières de soins, d'assistance d'une tierce personne et d'éducation spécialisée non couvertes par la sécurité sociale, rente qui sera majorée par application des coefficients de revalorisation prévus à l'article L. 434-1 du code de la sécurité sociale, et ce depuis la naissance de l'enfant, soit le 17 avril 2002 ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge du centre hospitalier de Digne-les-Bains en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre les dépens de l'instance à la charge du centre hospitalier de Digne-les-Bains ;

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Vu la décision n° 2010-2 QPC du Conseil constitutionnel en date du 11 juin 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2010 :

- le rapport de M. Fédou, rapporteur,

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public,

- et les observations de Me Bayol pour Mme A et MM. B ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Digne-les-Bains :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des

familles : Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer. Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant tout au long de la vie de l'enfant de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. ; qu'en vertu du même article, ces dispositions, entrées en vigueur dans les conditions du droit commun à la suite de la publication de la loi au Journal officiel de la République Française du 5 mars 2002, sont applicables aux instances en cours à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation ;

Considérant d'une part que, par sa décision susvisée en date du 10 juin 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les premier et troisième alinéas précités de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles ; qu'il a relevé à ce propos que les parents peuvent obtenir l'indemnisation des charges particulières résultant, tout au long de la vie de l'enfant, de son handicap lorsque la faute a provoqué directement ce handicap, l'a aggravé ou a empêché de l'atténuer mais qu'ils ne peuvent obtenir une telle indemnisation lorsque le handicap n'a pas été décelé avant la naissance par suite d'une erreur de diagnostic, une telle différence instituée entre les régimes de réparation correspondant à une différence tenant à l'origine du handicap et la limitation du préjudice indemnisable décidée par le législateur ne revêtant pas un caractère disproportionné au regard des buts poursuivis ; qu'il est constant en l'espèce que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le handicap de Léo B n'est pas dû à une faute médicale qui l'aurait provoqué directement, l'aurait aggravé, ou n'aurait pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer ; qu'ils ne sont dès lors pas fondés à se prévaloir, sur ce point, des dispositions précitées de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles ;

Considérant d'autre part qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur Ducassou, désigné par le Tribunal administratif de Marseille, que Mme A a présenté un début de grossesse marqué par des vomissements qui ont nécessité une hospitalisation de sept jours pour amaigrissement et hématémèse, à compter du 1er novembre 2001, au centre hospitalier de Digne les Bains ; qu'elle s'est présentée par deux fois, les 9 octobre 2001 et 8 novembre 2001, respectivement dans ses onzième et seizième semaines d'aménorrhée au centre hospitalier de Digne-les-Bains, pour y faire suivre sa grossesse ; qu'il est constant qu'à l'occasion de ces consultations, le médecin du centre hospitalier n'a pas informé Mme A de la possibilité de pratiquer un test prénatal de dépistage par facteurs sériques maternels alors que, selon l'expert, cette évaluation de risque doit être proposée aux femmes enceintes entre la quatorzième et la dix-huitième semaine d'aménorrhée, sans restriction d'âge, et une information doit être apportée par le praticien qui suit la grossesse ; que, dès lors, en admettant même que Mme A n'était pas exposée, du fait de son âge, à un risque particulier d'anomalie chromosomique, que les échographies précédemment pratiquées n'avaient pas permis de détecter de telles anomalies, qu'il n'existait aucun antécédent pathologique personnel ou familial, notamment relatif à sa première grossesse, permettant de suspecter la survenue d'une anomalie congénitale ou chromosomique, que le test de dépistage prénatal par marqueurs sériques, non obligatoire, ne permet de déceler qu'environ 60% des anomalies chromosomiques et que, lors de la consultation du 8 novembre 2001 faisant immédiatement suite à son hospitalisation, l'attention du médecin s'est focalisée sur l'état de santé de Mme A, le manquement du médecin à son devoir d'information quant à la possibilité d'effectuer le test prénatal sus évoqué doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme une faute caractérisée au sens des dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles, de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Digne les Bains pour les préjudices consécutifs à la perte de chance d'interrompre volontairement la grossesse de Mme A ;

Sur les préjudices :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles que l'indemnité due aux parents du fait de la faute caractérisée commise par l'établissement de santé ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, du handicap dont il est atteint ; qu'en outre, selon les termes du premier alinéa de l'article L. 114-5 du même code : Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance ; qu'il résulte de ces dispositions que ne sont pas indemnisable les dommages invoqués par Mme A et M. B concernant les préjudices de carrière de Mme A et les charges particulières liées au handicap de leur fils Léo, mais seulement les troubles dans les conditions d'existence et le préjudice moral subis par ses parents, Mme A et M. Bernard B, ainsi que par son frère Bastien, du fait d'un tel handicap ;

Considérant, en deuxième lieu, que la perte de chance de recourir à une interruption volontaire de grossesse, alors que rien ne permet d'affirmer, d'une part, que les parents de Léo B auraient décidé de recourir à une telle intervention si le test par marqueurs sériques éventuellement suivi d'une amniocentèse s'était révélé positif, d'autre part, que l'anomalie génétique aurait été détectée alors que le test sérique ne permet de déceler qu'environ 60% des anomalies chromosomiques, doit, dans les circonstances de l'espèce, être évaluée à 30 % des préjudices allégués ;

Considérant que le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence des parents de Léo B, Mme Sylvie A et M. Bernard B, doivent dans les circonstances de l'espèce être fixés à 20 000 euros chacun ; que les mêmes préjudices subis par Bastien B, frère de Léo, doivent être évalués à 10 000 euros ; qu'après application du pourcentage de perte de chance sus évoqué, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Digne-les-Bains à verser à Mme Sylvie A la somme de 6 000 euros, à M. Bernard B la somme de 6 000 euros, à Bastien B la somme de 3 000 euros et d'annuler le jugement attaqué ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que les requérants ont droit aux intérêts des sommes susmentionnées à compter du 16 octobre 2002, date de réception de leur réclamation préalable par le centre hospitalier de Digne-les-Bains ; qu'ils ont en outre demandé la capitalisation desdits intérêts dans leur mémoire d'appel enregistré au greffe de la Cour le 28 mars 2008 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'ils ont droit, dès lors, à ce que les intérêts échus à la date du 28 mars 2008 soient capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il est constant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a décidé, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Digne-les-Bains les frais d'expertise ; que, dès lors, les conclusions d'appel des requérants tendant à la condamnation de l'établissement de santé aux entiers dépens sont sans objet et, par suite, irrecevables ;

Sur les conclusions des requérants tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Digne les Bains une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et M. B et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 29 janvier 2008 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Digne-les-Bains est condamné à verser à Mme Sylvie A la somme de 6 000 (six mille) euros, à M. Bernard B la somme de 6 000 (six mille) euros et à M. Bastien B la somme de 3 000 (trois mille) euros. Les sommes susmentionnées porteront intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2002. Les intérêts échus le 28 mars 2008 seront capitalisés à cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le centre hospitalier de Digne-les-Bains versera à Mme Sylvie A et à M. Bernard B une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Sylvie A, M. Bernard B, M. Bastien B et M. Léo B est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Sylvie A, à M. Bernard B, à M. Bastien B, à M. Léo B, à la caisse nationale militaire de sécurité sociale, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence, au centre hospitalier de Digne-les-Bains et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

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N° 08MA017042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA01704
Date de la décision : 18/01/2011
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Guy FEDOU
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : BAYOL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-01-18;08ma01704 ?
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