Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2008, présentée par la SA VIGNOBLE SAINT BENEZET, dont le siège social est 9 rue de la Liberté à Macon (71000), et régularisée le 5 mai 2008 par la SELARL Altea Juris ;
La SA VIGNOBLE SAINT BENEZET demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0500675 en date du 9 octobre 2007 du Tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos aux 31 août 1997, 1998 et 1999 ;
2°) de la décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos aux 31 août 1997, 1998 et 1999 ;
3°) de condamner l'administration fiscale à lui rembourser le montant de ces impositions ;
4°) de condamner l'Etat à lui rembourser, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, les frais irrépétibles qu'elle sera amenée à exposer en cours d'instance ;
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Vu l'ordonnance en date du 17 juin 2010 fixant la clôture d'instruction au 6 juillet 2010 à 12 heures en application des articles R.613-1 et R.613-3 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance en date du 6 janvier 2011 prononçant la réouverture de l'instruction en application de l'article R.613-4 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du Vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 février 2011,
- le rapport de Mme Fernandez, rapporteur ;
- les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
- et les observations de Me Hitzges pour la SA VIGNOBLE SAINT BENEZET ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Considérant que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés de la SA VIGNOBLE SAINT BENEZET dénommée jusqu'en 2000 la SA Carignano, des compléments de prix s'élevant respectivement à 458 414 F (69 885 euros), 474 327 F (72 311 euros) et 119 390 F (18 201 euros) au titre des exercices clos les 31 août de 1997, 1998 et 1999, versés à sa société mère, la société coopérative agricole de Gabian, ces versements étant regardés comme constituant un acte anormal de gestion ;
En ce qui concerne la procédure d'imposition :
Considérant d'une part, aux termes de l'article L.64 du livre des procédures fiscales : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts, les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; (...) L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité ... ; que lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte, elle doit, pour écarter, comme ne lui étant pas opposables, certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;
Considérant qu'en l'espèce, pour prononcer les redressements litigieux, l'administration fiscale n'a écarté, comme fictif, aucun acte ou contrat et s'est bornée, comme cela résulte des éléments susmentionnés qu'elle a retenus pour procéder à ces redressements, à relever les conséquences de la pratique des compléments de prix dont s'agit sur les résultats de la société requérante, sans soutenir, même implicitement, que ladite pratique a été mise en oeuvre, par la société requérante, dans le but exclusivement fiscal d'éluder ou d'atténuer l'impôt sur les sociétés qu'elle devrait ; que, par suite, la société requérante, qui au demeurant n'a invoqué le moyen que dans son mémoire enregistré en télécopie le 5 janvier 2011, non régularisé par l'original, ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer la garantie de procédure tenant à la possibilité de saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit, prévue par les dispositions précitées de l'article L.64 du livre des procédures fiscales, pour soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : 1. Le bénéfice est établi sous déduction de toutes charges... ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'une charge de la nature de celles qui sont visées à l'article 39 du même code, et qui viennent en déduction du bénéfice net défini à l'article 38 du code, constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter la preuve qui lui incombe si l'entreprise n'est pas, elle-même, en mesure de justifier dans son principe comme dans son montant, de l'exactitude de l'écriture et n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ; que les règles qui viennent d'être rappelées doivent recevoir application même si les sommes déduites par l'entreprise à titre de charge ont été versées à la société qui détient la majorité de son capital, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que l'entreprise redressée puisse être regardée comme ayant agi dans son intérêt en venant en aide à sa société mère en difficulté ;
Considérant que pour justifier de l'existence d'un acte anormal de gestion, l'administration a relevé que les compléments de prix d'un montant unitaire de 48 F l'hectolitre en 1997 et 1998 et de 50 F en 1999 étaient les mêmes, quels que soient les vins vendus (AOC, vins de pays ou vin de table) et les dates de ventes et ont été calculés a postériori sur toutes les ventes faites par la coopérative à la requérante sans d'ailleurs aucun engagement contractuel antérieur, sans vraie facture pour l'exercice clos en 1997 et avec des factures non détaillées selon les vins en cause qui ne permettent pas de contrôler la nature des biens concernés par la régularisation, le mode de calcul retenu, sa pertinence et son bien-fondé ; que le service précise, sans être contesté, qu'aucun complément de prix n'était facturé à la société requérante par ses autres fournisseurs alors que les marges bénéficiaires initialement fixées entre celle-ci et ces derniers ne différaient pas de celles fixées avec la société coopérative agricole de Gabian ; que l'administration précise également, sans être contredite, que ces compléments de prix qui constituent une pratique dérogatoire à la profession de négociant en vins, ont varié proportionnellement aux résultats dégagés avant leur imputation et que, par suite, ils ont eu pour effet principal de réduire à néant le résultat fiscal réalisé par la SA VIGNOBLE SAINT BENEZET du fait de son activité et de l'impôt sur les sociétés y afférent alors que la société coopérative est, elle, exonérée totalement d'impôt sur les sociétés, le résultat dégagé étant systématiquement couvert par l'imposition forfaitaire annuelle et que, d'ailleurs, aucune régularisation par complément de prix n'a été mise en oeuvre pour l'exercice déficitaire clos le 31 décembre 1999 ; que selon l'administration fiscale, la mise en oeuvre de la pratique des compléments de prix litigieux, durant la période vérifiée, s'est trouvée facilitée par la circonstance que la société coopérative agricole de Gabian possédait 95,20 % du capital de la société requérante, que les membres des conseils d'administration des deux sociétés étaient identiques et que la SA Carignano n'avait aucune maîtrise du montant de la facturation qui lui a été adressée par sa société mère, la société coopérative agricole de Gabian, ce qui est corroboré par le fait que cette dernière admet ne pas disposer, dans ses propres pièces comptables, des éléments lui permettant de contrôler le bien-fondé et les montants facturés par son principal associé au titre de ces compléments de prix ; qu'enfin, l'administration, sans être contestée, précise que lorsque la société coopérative agricole de Gabian, en janvier 2000, est devenue minoritaire dans le capital et la gestion de la SA Carignano, devenue alors la SA VIGNOBLE SAINT BENEZET, le procédé des compléments de prix a été abandonné ;
Considérant que pour contester les redressements litigieux, la SA VIGNOBLE SAINT BENEZET soutient, d'une part, que les compléments de prix auraient eu pour objet de compenser la marge bénéficiaire anormalement haute sur les produits concernés par ces compléments de prix en comparaison avec celle pratiquée sur les autres produits commercialisés ; que, toutefois, il résulte de l'instruction qu'il s'agit de vins vendus à la bouteille alors que les autres produits sont des vins commercialisés en vrac dont la société requérante ne justifie pas en quoi les marges bénéficiaires devraient être équivalentes ; que, d'autre part, la société requérante invoque la pratique de complément de prix comme un usage de la profession, les difficultés qu'elle aurait eues à obtenir des nouveaux dirigeants les documents comptables afférents aux exercices en litige, sa situation de petite structure à gestion simple pour expliquer le caractère uniforme des compléments de prix à l'hectolitre, l'identité des membres des conseils d'administration des deux sociétés pour justifier le formalisme allégé tenant à l'absence d'engagement antérieur, le fait que la société coopérative agricole de Gabian ne pratique pas ces compléments de prix avec ses autres clients dès lors qu'elle est elle, la seule, à lui acheter les vins à la bouteille et enfin, l'intérêt économique des compléments de prix litigieux pour lui assurer un juste bénéfice lui permettant de vivre et se développer et pour permettre à la société coopérative agricole de Gabian de continuer la valorisation de ses meilleurs vins en organisant une vente à la bouteille et la prise de risques techniques d'encépagement et de rendements différents et de risques commerciaux y afférents ; que, toutefois, par ces seules considérations relatives à la profession ou à sa propre situation, la SA VIGNOBLE SAINT BENEZET ne justifie pas d'une contrepartie à cette facturation complémentaire, ni de son intérêt économique pour les deux parties ; que, dans ces conditions, eu égard aux faits sus rappelés sur lesquels l'administration s'est fondée, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que celle-ci devait être regardée comme établissant que le règlement de ces compléments de prix ne se rattachait pas à une gestion commerciale normale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA VIGNOBLE SAINT BENEZET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos aux 31 août 1997, 1998 et 1999 et à ce que l'Etat soit condamné à lui rembourser le montant de ces impositions ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie, la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant qu'en tout état de cause, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SA VIGNOBLE SAINT BENEZET, au demeurant non chiffrées, tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à lui rembourser les frais exposés en l'instance et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SA VIGNOBLE SAINT BENEZET est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA VIGNOBLE SAINT BENEZET et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
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N° 08MA00171 2