Vu, I, sous le n° 10MA04299, la requête enregistrée le 26 novembre 2010 sur télécopie confirmée le 6 décembre suivant, présentée par Me Sophie Mazas, avocat, pour
M. Murat A, élisant domicile ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003707 rendu le 16 novembre 2010 par le tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 21 juin 2010 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention salarié ou vie privée et familiale , à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa demande dans un délai de deux mois, et en toute hypothèse, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1204,84 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
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Vu, II, sous le n° 10MA04300, la requête enregistrée le 26 novembre 2010 sur télécopie confirmée le 6 décembre suivant, présentée par Me Sophie Mazas, avocat, pour
M. Murat A, élisant domicile ... ;
M. A demande à la Cour, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1003707 rendu le
16 novembre 2010 par le tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 21 juin 2010 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
2°) d'ordonner le sursis à exécution de l'arrêté du 21 juin 2010 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la demande d'annulation présentée ;
3°) dans l'attente, d'ordonner au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du
10 juillet 1991 ;
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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 2011 :
- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,
- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public,
- et les observations de Me Mazas pour M. A et pour la SARL Yolo Bâtiment ;
Considérant que, par la première requête susvisée, M. A interjette appel du jugement rendu le 16 novembre 2010 par le tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juin 2010 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que, par la seconde requête susvisée, il demande également à la Cour sur le fondement de l'article R.811-17 du code de justice administrative, d'ordonner le sursis à exécution de ce même jugement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont relatives au même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
En ce qui concerne la requête n° 10MA04299 :
Considérant que la SARL Yolo Bâtiment a intérêt à l'annulation de l'arrêté en litige ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur les conclusions en annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. A, de nationalité turque, n'est entré en France qu'à la fin de l'année 2005, à près de 23 ans, il s'est marié le 27 mars 2006 avec une compatriote, entrée en France en 1995 à l'âge de 11 ans et titulaire d'un titre de séjour de dix ans valable jusqu'au 14 juin 2012 ; qu'ainsi le couple était marié depuis plus de quatre ans à la date de la décision attaquée et avait donné naissance, sur le territoire français, à deux enfants, respectivement le 6 juillet 2007 et le 16 septembre 2009 ; que dans ces conditions, compte tenu notamment de l'intensité et de la stabilité des liens personnels et familiaux de M. A en France, dont le préfet était d'ailleurs suffisamment informé pour reconnaître dans ses écritures avoir envisagé la régularisation de l'intéressé au regard de sa vie privée et familiale, un refus de titre de séjour ne pouvait porter à son droit au respect de sa vie familiale qu'une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il était pris, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par conséquent, alors même que, comme l'indique l'arrêté en litige, la demande de M. A n'aurait visé qu'à obtenir un titre de séjour en qualité de salarié - ce qui est au demeurant douteux au regard des pièces versées au dossier -, le préfet de l'Hérault n'a pu légalement lui refuser l'admission au séjour au titre de la vie privée et familiale en relevant que les conséquences d'un refus de titre de séjour à son égard ne paraissent pas disproportionnées par rapport au respect de sa vie familiale dont il pourrait se prévaloir au titre de l'article 8 de la convention ; que sa décision est, par suite, entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 juin 2010 par laquelle le préfet de l'Hérault lui a refusé l'admission au séjour ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...)
Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu et sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit et de fait, l'exécution du présent arrêt implique la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ; que, par suite, il y a lieu de prescrire au préfet de l'Hérault de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, et le cas échéant dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991: (...) l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. // (...)S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat (...) ;
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 janvier 2011 ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mazas, avocate de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1204,84 euros qu'elle demande ;
En ce qui concerne la requête n° 10MA04300 :
Considérant que, dès lors qu'il est statué par le présent arrêt sur la requête n° 10MA04299 de M. A tendant à l'annulation du jugement n° 1003707 rendu le 16 novembre 2010 par le tribunal administratif de Montpellier, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 10MA04300 tendant au sursis à l'exécution du même jugement ;
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention de la SARL Yolo Bâtiment est admise.
Article 2 : Le jugement n° 1003707 rendu le 16 novembre 2010 par le tribunal administratif de Montpellier, et la décision du 21 juin 2010 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A, sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. A, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt un titre de séjour temporaire vie privée et familiale, et, le cas échéant, dans un délai de 8 jours à compter de cette même notification, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 4 : L'État versera à Me Sophie Mazas, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, la somme de 1204,84 euros (mille deux cent quatre euros quatre-vingt quatre centimes) en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. A dans sa requête enregistrée sous le n° 10MA04299 est rejeté.
Article 6 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 10MA04300 de M. A.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Murat A, au préfet de l'Hérault, et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N° 10MA04299-10MA04300 2