Vu la requête, enregistrée le 17 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA03294, présentée par le PREFET DES ALPES-MARITIMES ;
le PREFET DES ALPES-MARITIMES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001437 du 10 juin 2010 du Tribunal administratif de Nice en tant qu'il a annulé son arrêté en date du 21 janvier 2010 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Kamel A, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé la Tunisie comme pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Kamel A devant le Tribunal administratif de Nice ;
Il soutient que M. A ne justifiait pas d'un visa de long séjour ; qu'il n'établit pas avoir travaillé sur le territoire français depuis plusieurs années ; que la promesse d'embauche produite par l'intéressé, outre qu'elle ne mentionnait pas le salaire prévu, n'était pas visée par les autorités compétentes comme l'exige l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; que la liste des métiers ouverts aux ressortissants tunisiens annexée au protocole portant sur la gestion concertée des migrations adossé à l'accord-cadre franco-tunisien relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne ne concerne que les seuls bénéficiaires d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente ; que ce protocole n'autorise pas de régularisation sur place par le travail, mais prévoit exclusivement les conditions d'introduction en France des travailleurs salariés ;
que les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien font obstacle à la délivrance d'une carte de séjour portant la mention salarié visée à l'article L.313-10 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement de l'article L.313-14 du même code ; que l'intéressé célibataire, sans enfant, entré en France à l'âge de vingt-six ans, n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que l'arrêté litigieux n'a pas méconnu l'article L.313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi sont légales ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er février 2011 au greffe de la Cour, présenté pour M. Kamel A par Me Biville-Aubert, avocat ;
M. A demande à la Cour le rejet de la requête et la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code du travail ;
Vu le protocole portant sur la gestion concertée des migrations adossé à l'accord cadre franco-tunisien relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé le 28 avril 2008 et publié par décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 ;
Vu l'article 1er de l'arrêté du 27 janvier 2009 qui autorise la Cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret du 7 janvier 2009, situant ainsi l'intervention du rapporteur public avant les observations des parties ou de leurs mandataires ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2011 :
- le rapport de M. Pocheron, président assesseur,
- et les conclusions de Mme Chenal-Peter, rapporteur public ;
Considérant que le PREFET DES ALPES-MARITIMES relève appel du jugement en date du 10 juin 2010 du Tribunal administratif de Nice en tant qu'il a annulé son arrêté en date du 21 janvier 2010 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A, de nationalité tunisienne, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé la Tunisie comme pays de destination ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé : Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an minimum ... reçoivent après contrôle médical et sur présentation du contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié ... ; qu'aux termes de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L.313-11 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L.311-7, ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L.313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article ... ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : -1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a sollicité par courrier en date du 27 décembre 2009 notifié au PREFET DES ALPES-MARITIMES son admission exceptionnelle au séjour avec délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention salarié ; qu'à l'appui de cette demande, il s'est borné à produire une promesse d'embauche ; qu'à supposer même que ladite promesse d'embauche présentait un caractère d'authenticité suffisant, M. A n'a justifié, ni du visa de long séjour, ni du contrat de travail visé par la direction départementale de l'emploi et de la formation professionnelle exigés par l'article 3 précité de l'accord franco-tunisien susvisé du 17 mars 1988 ; que, par suite, le PREFET DES ALPES-MARITIMES pouvait légalement, et au seul motif que l'intéressé ne remplissait pas les conditions de cet article 3 de l'accord franco-tunisien, refuser de lui délivrer une carte de séjour temporaire salarié ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif, pour annuler l'arrêté querellé, s'est fondé sur la circonstance que, la promesse d'embauche sus-évoquée étant authentique et signée, le préfet ne pouvait se borner à indiquer dans sa décision que M. A n'était pas en possession d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente pour refuser d'examiner son droit éventuel à l'application des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Nice ;
Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 6 janvier 2010 régulièrement publié, M. Brocart, secrétaire général de la préfecture des Alpes-Maritimes et signataire de l'acte en cause, a reçu délégation permanente de la part du préfet pour signer tous arrêtés, actes, circulaires et décisions ... relevant des attributions de l'Etat dans le département des Alpes-Maritimes à l'exception : - des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938, - des arrêtés portant convocation des collèges électoraux, - des déclinatoires de compétences et arrêtés de conflit ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que M. Brocart ne justifierait pas d'une délégation de signature régulière ;
Considérant en deuxième lieu qu'ainsi qu'il a été dit, la circonstance, à la supposer même établie, que la promesse d'embauche produite par M. A à l'appui de sa demande de titre de séjour était authentique est sans incidence par elle-même sur la légalité de l'arrêté querellé ;
Considérant en troisième lieu qu'aux termes de l'article 2.3.3 du protocole susvisé adossé à l'accord-cadre franco-tunisien du 28 avril 2008 : Le titre de séjour portant la mention salarié , prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi. ; que, par suite, M. A, qui ne justifie pas d'un contrat de travail visé par les services de l'emploi compétents, n'est pas fondé à se prévaloir de la liste des métiers figurant à l'annexe I dudit protocole ;
Considérant en quatrième lieu qu'en ce qui concerne les ressortissants tunisiens, les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France pour y exercer une activité professionnelle salariée ; que M. A ne peut par suite utilement se prévaloir des dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles sont relatives aux conditions exceptionnelles dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée, ni, par voie de conséquence, de la liste des métiers énumérés par l'arrêté du 18 janvier 2008 ;
Considérant en cinquième lieu que si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit ; qu'il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, de l'opportunité d'une mesure de régularisation ; qu'il ressort ainsi des pièces du dossier que M. A, célibataire, sans enfant, est arrivé en France le 6 septembre 2001 sous couvert d'un visa non professionnel d'une durée de trente jours à l'âge de vingt-six ans, et s'est depuis maintenu irrégulièrement sur le territoire français ; que si l'intéressé soutient avoir travaillé plusieurs années en France, les deux jugements du Conseil des prud'hommes de Nice en date des 5 octobre 2007 et 5 décembre 2008 qu'il se borne à produire n'établissent pas par eux-mêmes la durée des activités professionnelles alléguées ; que, par suite, M. A, qui n'a aucune attache familiale proche en France et n'établit pas être dépourvu de tout lien familial dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que le PREFET DES ALPES-MARITIMES aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation professionnelle et personnelle ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES ALPES-MARITIMES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté en date du 21 janvier 2010 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice du 10 juin 2010 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Nice et ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Kamel A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Copie en sera adressée au PREFET DES ALPES-MARITIMES.
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