Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2008, présentée pour Mlle Sabine A, demeurant ..., par Me Luherne ;
Mlle A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701626 en date du 14 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés en première instance et la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en appel ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2011,
- le rapport de M. Bédier, président rapporteur ;
- les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
- et les observations de Me Lallemand, de la Selarl Lyon juriste, pour Mlle A ;
Considérant que Mlle A exerçait l'activité d'agent d'assurances pour le compte de la société Caisse d'Assurance Mutuelle Vie à l'Isle sur la Sorgue lorsqu'à la suite d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2001 à 2003, l'administration fiscale a constaté l'absence de dépôt de la déclaration d'ensemble de ses revenus pour l'année 2002 et l'a mise en demeure de déposer sa déclaration le 11 avril 2005 ; que, le 2 juin 2006, l'administration lui a adressé une demande de justifications portant sur l'origine de sommes figurant au crédit de ses comptes bancaires pour l'année 2002, restée sans réponse ; que, par une proposition de rectification du 11 août 2005 portant sur les années 2002 et 2003, l'administration fiscale a procédé, pour ce qui concerne l'année 2002, à des rehaussements en matière de salaires et de revenus d'origine indéterminée, selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ; que Mlle A demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 14 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002 en conséquence de ce contrôle ; que sa contestation porte uniquement sur le caractère imposable de la somme de 106 785 euros réintégrée en tant que revenu d'origine indéterminée à son revenu imposable de l'année en cause ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que, si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office en tant que revenus d'origine indéterminée les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher demeure inconnue d'elle ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration ait disposé au cours de la procédure d'établissement de l'impôt d'éléments lui permettant de rattacher la somme de 106 785 euros à une quelconque catégorie de revenus ; que, d'ailleurs, l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont Mlle A a fait l'objet a été mis en oeuvre par un avis adressé à la requérante le 21 octobre 2004, antérieurement à l'intervention d'un jugement en date du 29 novembre 2004 du Tribunal de grande instance d'Avignon permettant d'identifier l'origine de la somme en cause, jugement qui ne saurait donc être à l'origine du contrôle et qui n'a été porté à la connaissance de l'administration que devant le juge de l'impôt ; que l'administration, de ce fait, n'était pas tenue d'adresser à la contribuable une mise en demeure de déposer une quelconque déclaration relative à une catégorie de revenu ou d'engager une vérification de comptabilité ; que la requérante n'est, en outre, pas fondée, en toute hypothèse, à soutenir qu'en ne recourant pas à ces procédures, l'administration aurait méconnu les garanties prévues à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
Considérant, en second lieu, que Mlle A soutient que l'administration ne lui aurait laissé qu'un délai de trente jours et non de soixante pour répondre à une demande d'éclaircissements et de justifications datée du 2 juin 2005 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la lettre datée du 2 juin 2005 adressée à la requérante consistait non pas en une demande d'éclaircissements et de justifications modèle 2172 mais en une simple lettre modèle 751 de demande d'informations, à laquelle le délai de soixante jours prévu à l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales n'a pas vocation à s'appliquer ; qu'en toute hypothèse la requérante a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office pour défaut de déclaration après une première mise en demeure sur le fondement de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales et non d'une procédure de taxation d'office pour défaut de réponse à une demande d'éclaircissements et de justifications sur le fondement de l'article L. 69 du même livre ; que, dans ces conditions, le moyen de la requérante ne peut qu'être écarté ;
Sur le bien fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ; qu'en application de ces dispositions, il appartient à Mlle A, qui a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office sur le fondement de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que les sommes imposées en tant que revenus d'origine indéterminée soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus ; que, dans cette dernière situation, le contribuable peut obtenir, le cas échéant, une réduction de l'imposition d'office régulièrement établie au titre du revenu global, à raison de la différence entre les bases imposées d'office et les bases résultant de l'application des règles d'assiette propres à la catégorie de revenus à laquelle se rattachent, en définitive, les sommes en cause ;
En ce qui concerne le caractère imposable de la somme de 106 785 euros :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ;
Considérant que Mlle A produit devant le juge de l'impôt un jugement du 29 novembre 2004 par lequel le Tribunal de grande instance d'Avignon l'a condamnée à deux ans d'emprisonnement avec sursis et au remboursement à la Caisse d'Assurance Mutuelle Vie de la somme de 106 785 euros, qui lui avait été versée en sa qualité d'agent d'assurances par un de ses clients et qu'elle avait détournée à son profit en juillet 2002 ; que, si elle établit ainsi l'origine de la somme de 106 785 euros, elle ne démontre toutefois pas que cette somme ne présenterait pas un caractère imposable dès lors qu'elle a eu la disposition de cette somme au cours de l'année 2002 qu'elle a utilisée pour solder ses nombreux emprunts et assurer le train de vie de sa famille selon les énonciations du jugement susrappelé du Tribunal de grande instance d'Avignon et qu'elle ne justifie pas avoir remboursé au cours de la même année tout ou partie de la somme en litige ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, la somme en cause, dont elle a disposé, ne saurait être regardée comme une avance non imposable ; que la circonstance qu'elle ne constituerait pas une source durable et régulière d'approvisionnement ne lui ôte pas davantage le caractère d'un revenu au sens de l'article 12 du code général des impôts ;
En ce qui concerne le rattachement catégoriel de la somme de 106 785 euros :
Considérant que, comme il a été dit, Mlle A établit devant le juge de l'impôt que la somme de 106 785 euros, provient d'un détournement de fonds ; que Mlle A fait, par suite, valoir bon droit que cette somme doit être imposée dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et non en tant que revenu d'origine indéterminée ;
En ce qui concerne l'existence de charges déductibles des bénéfices non commerciaux :
Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts : 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) ;
Considérant que la requérante n'établit pas, comme elle en a la charge, qu'elle aurait utilisé tout ou partie de la somme de 106 785 euros pour indemniser des sinistres ou à titre de dépenses nécessitées par l'exercice de la profession ;
Sur l'application des pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 p. 100. (...) 3. La majoration visée au 1 est portée à : 40 p. 100 lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à le produire dans ce délai (...) ;
Considérant qu'il est constant que Mlle A n'a pas souscrit sa déclaration de revenu global dans les trente jours d'une première mise en demeure ; que l'administration se trouvait de ce fait en droit de lui infliger la majoration de 40 p. 100 prévue au 3. de l'article 1728 du code général des impôts ; que, comme il a été dit, l'administration n'était pas tenue d'adresser à la contribuable une mise en demeure de déposer une quelconque déclaration relative à une catégorie de revenu ou d'engager une vérification de comptabilité et n'a pas, en s'abstenant de recourir à ces procédures, méconnu les garanties prévues à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle A est seulement fondée, le cas échéant, à demander, en droits et pénalités, la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002, à raison de la différence entre la base de 106 785 euros imposée d'office et la base résultant de l'application des règles d'assiette propres à la catégorie des bénéfices non commerciaux à laquelle se rattache la somme en cause ainsi que la réformation en ce sens du jugement attaqué ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une quelconque somme au titre des frais exposés par Mlle A et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 106 785 euros en base dont Mlle A a disposé au cours de l'année 2002 est imposée dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
Article 2 : Mlle A est déchargée en droits et pénalités, le cas échéant, de la différence entre les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002 et celles résultant de l'application de l'article 1er .
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Nîmes en date du 14 octobre 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle A est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Sabine A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
''
''
''
''
N° 08MA04923 2
fn