Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2009 par télécopie, régularisée le 27 suivant, présentée pour la SARL NICE HELICOPTERES, dont le siège est aéroport de Nice terminal 1 à Nice cedex 03 (06281), agissant par son représentant légal en exercice, par Me Moschetti, avocat ; la SARL NICE HELICOPTERES demande à la cour :
1°) de réformer l'article 1 du jugement n° 0103510 en date du 24 février 2009 qui a limité à 243 205 euros le montant de la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'elle a subi du fait de l'illégalité du refus, opposé le 26 décembre 1994, par le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, à sa demande de licence d'exploitation de transport public aérien et d'autorisations de transports non réguliers de passagers, de courrier et de fret dans la zone constituée par l'Europe et les pays riverains de la Méditerranée ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 870 021 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de ce refus illégal, ou à défaut à lui verser la somme de 873 282 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2012 ;
- le rapport de Mme Paix, rapporteur ;
- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;
- et les observations de Me Moschetti pour la SARL NICE HELICOPTERES ;
Considérant que, par décision du 26 décembre 1994 le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer a refusé à la SARL NICE HELICOPTERES une licence d'exploitation de transport aérien et d'autorisation de transports non réguliers de passagers, de courrier et de fret dans la zone constituée par l'Europe et les pays riverains de la Méditerranée ; que le recours gracieux exercé contre cette décision a été rejeté implicitement le 24 juin 1995 ; que ces décisions ont été annulées le 16 mai 2000 par le tribunal administratif de Nice ; que par un jugement du 3 janvier 2006, le tribunal administratif de Nice a reconnu l'Etat responsable des dommages subis par la SARL NICE HELICOPTERES en raison du refus illégal qui lui avait été opposé à sa demande indemnitaire, fixé la période d'indemnisation du 24 juin 1995 au 6 mars 1998 et nommé un expert aux fins de fixer le préjudice et l'indemnisation à laquelle pouvait prétendre la société ; que par un jugement du 24 février 2009, le tribunal administratif de Nice a fixé à 243 205 euros l'indemnisation du préjudice de la société ; que la SARL NICE HELICOPTERES interjette appel de ce jugement et demande à la cour de le réformer en portant à 2 870 021 euros la somme à lui accorder au titre de ce préjudice en considération notamment de sa présence sur le marché antérieurement à la période d'indemnisation, en la ramenant à 873 282 euros si la qualité de nouvel entrant sur le marché était confirmée par la cour ; que, par la voie de l'appel incident, le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer demande à la cour d'annuler sa condamnation à verser la somme de 243 205 euros à la SARL NICE HELICOPTERES ou, à défaut,
d'en réduire le montant ;
Sur la situation sur le marché des transports de passagers de la SARL NICE HELICOPTERES en 1995 :
Considérant en premier lieu que la SARL NICE HELICOPTERES soutient qu'elle devrait, pour le calcul de l'indemnité qui lui est due, être considérée comme présente sur le marché de transport aérien non régulier sans interruption depuis 1985 ; que la société après avoir été autorisée sans interruption entre 1985 et 1988, s'est vue opposer un refus à sa demande de renouvellement présentée en janvier 1988, confirmé sur recours gracieux de la société ; que ces refus ont été jugés illégaux par le Conseil d'Etat le 24 mars 1995 ; que l'importance de l'indemnisation allouée en conséquence à la société , d'un montant de 10 050 000 F est fondée sur la disparition de son fonds de commerce ; que cette disparition démontre l'absence du marché de la SARL NICE HELICOPTERES pendant cette période ; que le traitement fiscal de l'indemnité perçue est sans incidence à cet égard ;
Considérant par ailleurs que la SARL NICE HELICOPTERES n'a formulé aucune nouvelle demande d'autorisation d'exploitation entre 1988 et 1994 alors que l'autorisation sollicitée en 1988 ne pouvait produire d'effets pour une durée supérieure à trois ans, et qu'en 1991 un renouvellement de la licence aurait dû être sollicité et faire l'objet d'une nouvelle instruction ; qu'aucun élément ne permettant d'établir que la société aurait obtenu l'agrément si il avait été sollicité, sa présence sur le marché au-delà de l'année 1991 est éventuelle, et ne peut servir de fondement au calcul de son préjudice ; que l'absence de nouvelle demande de sa part ne peut, contrairement à ce qu'elle soutient, se justifier uniquement par la circonstance qu'un contentieux l'opposait au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, dès lors que sa demande de renouvellement a été formulée en 1994, alors que le contentieux l'opposant au ministre s'est terminé en 1995 ;
Considérant que la circonstance que la SARL NICE HELICOPTERES aurait continué à avoir d'autres activités de transport aérien et de location est sans incidence sur sa qualité de nouvel entrant, s'agissant du transport de passagers ; que dans ces conditions, la SARL NICE HELICOPTERES n'est pas fondée à soutenir qu'il conviendrait de retenir, pour la détermination de sa part de marché en 1995, qu'elle n'aurait jamais cessé d'être présente sur le marché du transport de passagers ; qu'elle a, au contraire, été considérée à bon droit par le tribunal administratif de Nice comme un nouvel entrant sur ce marché ;
Sur la qualification du marché et l'évaluation du trafic :
Considérant que pour statuer sur la demande indemnitaire formée par la SARL NICE HELICOPTERES, le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur un rapport d'expertise, établi à sa demande le 30 janvier 2008 par M. Dulac expert ; que ce rapport a été établi à partir de données chiffrées fournies par la Direction Générale de l'Administration Civile, par la SARL NICE HELICOPTERES et par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Nice Côte d'Azur ; qu'en comparant les chiffres de la DGAC et de la SARL NICE HELICOPTERES avec ceux de la Chambre de Commerce et d'Industrie, l'expert a pu avoir une vision réaliste des données à prendre en compte pour calculer le manque à gagner de la SARL NICE HELICOPTERES pendant la période d'indemnisation ; qu'en outre, compte tenu des divergences subsistant entre les parties sur le point de savoir si la SARL NICE HELICOPTERES devait être considérée comme un acteur nouveau sur le marché, ou une entreprise préexistante, l'expert a clairement exposé et commenté les deux hypothèses dans son rapport pour permettre au juge d'en tirer toutes les conséquences tant sur le plan juridique que financier ; que ce rapport a donc pu utilement être pris en considération par le tribunal administratif ;
Considérant, en premier lieu, que la SARL NICE HELICOPTERES soutient que le marché de transports de voyageurs sur les deux lignes Nice Saint-Tropez et Nice Cannes, serait un marché fondé sur les offres de service, et que donc sa présence sur le marché aurait généré une demande de transports des passagers ; que toutefois une telle argumentation est infirmée par les pièces du dossier qui révèlent que le nombre de passagers n'est pas en corrélation directe avec le nombre de compagnies présentes sur le marché ; qu'ainsi par exemple, le nombre de passagers a été réduit de 11,4 % entre 1992 et 1993 alors que le nombre de compagnies est passé de 3 à 5 ; qu'au cours de l'année 1994, une compagnie a cessé son activité alors que le nombre de passagers a crû de 1,2 % ; qu'entre 1998 et 1999, le nombre de passagers a diminué de 2,2 % corrélativement à une augmentation de 5 à 6 du nombre de compagnies exploitantes ; que si, ainsi que le relève le rapport d'expertise, la demande des passagers aurait éventuellement pu être favorisée par la création de compagnies low cost si elles avaient été présentes sur le marché, la SARL NICE HELICOPTERES n'en fait pas partie ; que dans ces conditions elle n'est pas fondée à soutenir que sa présence sur le marché entre les années 1988 et 1995, ou même pendant la période d'indemnisation retenue aurait généré une demande des passagers ;
Considérant, en second lieu, que la SARL NICE HELICOPTERES, conteste les chiffres du trafic retenu par le tribunal administratif de Nice sur la base des calculs effectués par l'expert, pour servir de base à son indemnisation entre 1995 et 1998 et indique que le nombre de passagers non réguliers sur la ligne Nice Saint-Tropez serait sous évalué ce qui la désavantagerait dès lors qu'elle n'a pas obtenu des licences pour les vols réguliers ; que toutefois les premiers juges se sont fondés, comme l'expert, sur les données statistiques du trafic réellement constaté par la Chambre de Commerce et d'Industrie proches de celles de la Direction Générale de l'Administration Civile ; que si la SARL NICE HELICOPTERES propose une nouvelle ventilation, celle-ci ne repose que sur des hypothèses théoriques non corroborées par les constats opérés, d'augmentation constante et linéaire du marché ; qu'elle n'est pas assortie de données concrètes, et qu'elle ne peut donc être considérée comme une base plus fiable pour établir l'indemnisation à laquelle la SARL NICE HELICOPTERES peut prétendre ; que par ailleurs si la SARL NICE HELICOPTERES soutient que seules deux des sept compagnies présentes sur le marché auraient l'autorisation d'effectuer des vols réguliers, une telle allégation n'est pas de nature à remettre en cause la répartition effectuée par l'expert entre vols réguliers et non réguliers ; qu'il en résulte que la SARL NICE HELICOPTERES ne conteste pas utilement l'évaluation du trafic, faite par l'expert et reprise par le tribunal administratif de Nice au cours de la période litigieuse ;
Sur la part de marché à laquelle aurait pu prétendre la SARL NICE HELICOPTERES :
Considérant que la SARL NICE HELICOPTERES conteste le pourcentage retenu par le tribunal administratif de Nice de sa part de marché au titre de la période d'indemnisation, qui est de 20 % pour 1995, 35 % pour 1996 et 45 % pour 1997 comme pour 1998 ; qu'elle revendique un pourcentage supérieur de 35 % pour l'année 1995, 40 % pour l'année 1996 et 50 % pour les années 1997 et 1998 ; que toutefois, l'activité de transports non réguliers de passagers étant essentiellement saisonnière, la SARL NICE HELICOPTERES n'aurait pu, si elle était arrivée sur le marché le 24 juin 1995, profiter pleinement de la saison 1995 ; que si, à son retour en août 1998, sa part totale de marché sur le transport de passagers a été de 31 %, ces données ne sont pas transposables à l'année 1995 dès lors, d'une part, qu'elle ne possédait qu'un seul hélicoptère en 1994 et deux en 1998, et, d'autre part, qu'il résulte d'un courrier adressé par elle à la DGAC le 24 août 1994 qu'elle n'envisageait d'exploiter qu'un seul hélicoptère et de suivre modérément le marché ; que doit également être prise en considération la présence d'autres compagnies de transport, la liaison Nice Cannes ayant été assurée entre 1995 et 1998 par les compagnies Héli Inter et Héli Air Monaco, et la liaison Nice Saint-Tropez ayant été assurée par les mêmes compagnies et en outre par la compagnie Proteus pour les années 1996 et 1997 ; que la SARL NICE HELICOPTERES ne fournit aucun élément permettant de démontrer sa supériorité par rapport aux autres compagnies, et ainsi de démontrer qu'elle aurait pu séduire une clientèle nouvelle à leur détriment ; que dans ces conditions, la part de marché retenue par l'expert, et reprise par les premiers juges n'est pas sous évaluée ;
Sur le calcul du résultat net d'exploitation supplémentaire :
Considérant que la SARL NICE HELICOPTERES avait, pendant la période du 24 juin 1995 au 6 mars 1998, conservé d'autres activités de travail aérien et de location ; que pour la détermination du résultat net d'exploitation supplémentaire, le tribunal administratif de Nice a donc, comme le rapport d'expertise, imputé sur le chiffre d'affaire reconstitué les frais directs liés à l'exploitation de la branche transports de passagers, et considéré que les frais fixes de la SARL NICE HELICOPTERES étaient couverts par les autres activités ; que suivant les différents documents prévisionnels, les coûts variables et directs (carburant, coûts techniques, taxes et redevances, personnel) se situent dans une fourchette entre 51 % et 57 % ; que l'expert a donc retenu un chiffre moyen de 54 %, soit une marge sur coût variable de 46%, pourcentage tenant compte des frais directs et variables liés à l'activité de transport de passagers, appliqué à la perte de chiffre d'affaire ; que si la société soutient qu'il conviendrait de raisonner en marge sur coût spécifique, en déduisant du chiffre d'affaire réalisé tous les coûts spécifiquement engagés pour ce chiffre d'affaire, mais uniquement ceux-ci, elle ne démontre pas que certains coûts auraient été à tort pris en considération par la méthode de l'expert, ni que sa méthode serait plus précise que celle utilisée ; qu'elle ne conteste donc pas sérieusement la méthode proposée par l'expert et retenue par les premiers juges ;
Sur les conclusions incidentes du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer :
Considérant, en premier lieu, que le ministre soutient que le bénéfice de l'activité réellement menée par la SARL NICE HELICOPTERES pendant la période d'indemnisation doit être déduit du montant de l'indemnisation versée puisque la SARL NICE HELICOPTERE, privée de ses moyens aériens par l'activité de location d'hélicoptères, n'aurait pu mener concomitamment une activité de transport de passagers ; qu'il en conclut que la SARL NICE HELICOPTERES n'a subi aucun préjudice financier ; que toutefois, l'examen des pièces du dossier permet d'établir que, de retour sur le marché en 1998 et au cours de l'année 1999, la SARL NICE HELICOPTERES a mené cumulativement les trois activités de transport de passagers, de location d'hélicoptères et de travail aérien, même si la part de ces deux activités a décru ensuite progressivement ; qu'ainsi, il n'est pas établi que la société n'aurait pu au cours des années 1995 à 1998, assumer les trois activités ; qu'au surplus, les coûts générés par l'activité de transport de passagers ont été pris en considération par l'expert et par le tribunal administratif de Nice dans la détermination de la marge dégagée par l'activité ; que dans ces conditions, le ministre n'est pas fondé à soutenir qu'il y aurait lieu de déduire, pour la détermination du préjudice subi par la SARL NICE HELICOPTERES, l'ensemble du bénéfice réalisé par ailleurs par la société ;
Considérant, en deuxième lieu, que le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer indique, par la voie de l'appel incident, que le taux marge retenu aurait dû être de 43 %, et donc le taux de charge de 57 % ; qu'ainsi qu'il a été précisé, les premiers juges, se fondant sur le rapport d'expertise, ont imputé sur le chiffre d'affaire reconstitué les frais directs liés à l'exploitation de la branche transports de passagers, et considéré que les frais fixes de la SARL NICE HELICOPTERES étaient couverts par les autres activités ; que l'expert a retenu un taux de charge moyen de 54 %, soit une marge de 46%, tenant compte des frais directs et variables liés à l'activité de transport de passagers, appliqué à la perte de chiffre d'affaire ; qu'il résulte de l'instruction que les calculs effectués par la SARL NICE HELICOPTERES à partir des mêmes données que l'administration, aboutissent à des taux de charges variables compris entre 47 % et 51 % ; que dans ces conditions, et eu égard au caractère nécessairement évaluatif du préjudice, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Nice a retenu les chiffres avancés par l'expert, et fixé à 46 % le taux de marge de la SARL NICE HELICOPTERES ;
Considérant, en troisième lieu, que le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer demande que le nombre de passagers pris en compte pour le calcul de l'indemnisation de la SARL NICE HELICOPTERES soit affecté d'un coefficient de saisonnalité ; qu'il résulte des travaux de l'expert que celui-ci a appliqué à chacune des années non pleines, 1995 et 1998, le coefficient 1/365 à chacun des jours d'exploitation de la société ; que cette méthode purement arithmétique, et qui, dans les circonstances de l'espèce, opère une indemnisation du 24 juin 1995 au 6 mars 1998, prend nécessairement en compte la saisonnalité, et est plus précise que celle proposée par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer ; qu'il n'y a donc pas lieu de la remplacer par l'application faite d'un coefficient artificiel de saisonnalité aux deux années ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions du ministre qui tendent à la réformation du jugement et à la suppression de l'indemnité accordée par les premiers juges ou, à sa minoration ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par les parties ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL NICE HELICOPTERES et les conclusions incidentes du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL NICE HELICOPTERES et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
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N° 09MA01467 2
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