Vu la requête, enregistrée le 22 mars 2010, présentée pour Mme Anne-Marie A demeurant ... et M. et Mme Stephen B demeurant ..., représentés par Me Bernard Lamorlette, avocat ; Mme Anne-Marie A et les EPOUX B demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 décembre 2009, par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêt du 5 novembre 2008 par lequel le maire de la commune de Grasse a délivré à la SCI Lou Joy un permis de construire modificatif ;
2°) d'annuler le permis de construire délivré le 5 novembre 2008 ;
3°) de condamner la SCI Lou Joy à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 février 2012 ;
- le rapport de Mme Paix, rapporteur ;
- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;
- les observations de Me Lachaut pour Mme SHON et les époux B et les observations de Me Governatori pour la SCI Lou Joy ;
Considérant, que Mme Anne Marie A et M. et Mme B interjettent régulièrement appel du jugement du 18 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande d'annulation du permis de construire modificatif délivré le 5 novembre 2008 par le maire de la commune de Grasse, à la SCI Lou Joy ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant, en premier lieu, que Mme Anne Marie A et M. et Mme B possèdent des propriétés limitrophes de celle de la SCI Lou Joy, même si l'une d'entre elles en est séparée par un chemin ; que cette qualité de voisins suffit à leur conférer un intérêt à agir contre le permis de construire en litige sans que la SCI Lou Joy puisse se prévaloir d'une absence de covisibilité, ou de la distance séparant les constructions ; que c'est donc à tort que le tribunal administratif de Nice a jugé qu'ils ne disposaient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire litigieux ;
Considérant en second lieu qu'aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. " ; qu'aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier./ (...) Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage. " ; qu'aux termes de l'article A. 424-15 du même code : " L'affichage sur le terrain du permis de construire (...) est assuré par les soins du bénéficiaire du permis ou du déclarant sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres. " ; et qu'aux termes de l'article A. 424-16 du même code : " Le panneau (...) indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté./ Il indique également, en fonction de la nature du projet : / a) Si le projet prévoit des constructions, la superficie du plancher hors oeuvre nette autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel (...) " ;
Considérant que la SCI Lou Joy à qui incombe la charge de la preuve de la régularité de l'affichage initial, en novembre 2008 sur le terrain du permis de construire litigieux, produit un constat d'huissier, dressé par la SCP Lefort-Berger-Romain-Saccone-Lambert le 14 mai 2009, qui fait apparaître que l'ensemble des informations nécessaires à la connaissance des tiers ont été correctement reportées sur le panneau d'affichage ; qu'en outre, quatre attestations établies par M. Elie Genaro en date du 7 mai 2009, par M. Jany Hemery, du 11 mai 2009, par M. Alain Perez, du 12 mai 2009 et par M. Marcel Issardi, du 13 mai 2009, indiquent la présence d'un panneau d'affichage du permis de construire modificatif délivré le 5 novembre 2008 à partir du mois de novembre 2008 ; que toutefois les requérants produisent un constat d'huissier, antérieur, dressé le 26 mars 2009, par Me Marc Belliardo, huissier, dans lequel une photographie montre que le panneau d'affichage apposé sur le terrain d'assise du projet de construction litigieux ne comportait à la date à laquelle le procès verbal a été établi, ni la superficie du terrain ni la hauteur de la construction et qu'aucune indication de l'affichage ne permettait aux tiers d'estimer cette superficie et cette hauteur ; que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Nice, il doit être constaté que le panneau d'affichage, le même, photographié au même endroit, dans les deux constats d'huissier, a été complété après le premier constat ; que dans ces conditions, et en tout état de cause le caractère tardif et contradictoire des deux constats d'huissier, comme d'ailleurs des attestations qui ont toutes été établies après expiration du délai de recours contentieux, ne permettent pas d'établir la régularité de l'affichage ; que par suite aucune tardiveté ne saurait être opposée à la demande de Mme Anne-Marie A et de M. et Mme B ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté pour irrecevabilité la requête de Mme Anne-Marie A et de M. et Mme B ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur les moyens invoqués par Mme Anne-Marie A et M. et Mme B tant en première instance qu'en appel ;
Sur la légalité de l'arrêté du 5 novembre 2008 accordant un permis de construire à la SCI Lou Joy :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme : " les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire. Un décret en Conseil d'État arrête la liste des travaux exécutés sur des constructions existantes ainsi que des changements de destination qui, en raison de leur nature ou de leur localisation, doivent également être précédés de la délivrance d'un tel permis. " ; " et qu'aux termes de l'article R. 421-14 du même code : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires : a) Les travaux ayant pour effet la création d'une surface hors oeuvre brute supérieure à vingt mètres carrés ; b) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations définies à l'article R. 123-9 ; c) Les travaux ayant pour effet de modifier le volume du bâtiment et de percer ou d'agrandir une ouverture sur un mur extérieur ; d) Les travaux nécessaires à la réalisation d'une opération de restauration immobilière au sens de l'article L. 313-4. ". Pour l'application du b) du présent article, les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal. " ;
Considérant que le permis de construire, qualifié de modificatif, délivré à la SCI Lou Joy comportait un hangar pour machines agricoles d'une surface hors d'oeuvre brute de 150 m², deux galeries couvertes d'une SHOB de 620,48 m², une pièce dénommée cuisine d'été d'une SHOB de 49,80 m² ; que l'emprise au sol est passée ainsi de 850 m² à 1625 m² et que la SHOB de la construction, initialement de 1463 m² a été portée à 2238 m² ; que, compte tenu de l'importance de ces modifications, qui ont modifié le volume de la construction et porté atteinte à l'économie du précédent permis accordé le 18 juillet 2006, la demande de permis de construire modificatif doit être regardée comme tendant en réalité à la délivrance d'un nouveau permis de construire dont la légalité devait être examinée au regard de l'ensemble des règles relatives à la délivrance d'un permis de construire initial ;
Considérant, à cet égard, qu'aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain... " ; qu'ainsi que le relèvent Mme Anne-Marie A et M. et Mme B, le dossier de demande présenté par la société pétitionnaire ne comportait qu'une seule photographie, limitée au périmètre du nouveau projet de la SCI Lou Joy ; qu'aucune photographie de l'environnement bâti et non bâti du projet n'était jointe ; que le dossier ne contenait aucun document graphique permettant d'apprécier l'intégration du projet dans son environnement ; que dans ces conditions Mme Anne-Marie A et M. et Mme B sont fondés à soutenir que le dossier de demande de permis de construire était incomplet, et n'a pas permis à l'autorité administrative de se prononcer en toute connaissance de cause ;
Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est, en l'état de l'instruction, de nature à entraîner l'annulation de ce permis ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; que ces dispositions s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la SCI Lou Joy et par la commune de Grasse ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société intimée à verser à Mme Anne Marie A et à M. et Mme B une somme de 2 000 euros en application des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 décembre 2009 et le permis de construire délivré le 5 novembre 2008 par le maire de Grasse à la SCI Lou Joy sont annulés.
Article 2 : La SCI Lou Joy versera une somme de 2 000 (deux mille) euros à Mme Anne-Marie A et à M. et Mme B.
Article 3 : Le surplus des conclusions présenté par Mme Anne-Marie A et M. et Mme B est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la SCI Lou Joy et par la commune de Grasse sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Anne-Marie A, M. et Mme B, à la SCI Lou Joy et à la commune de Grasse.
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N° 10MA010602
CB