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27/03/2012 | FRANCE | N°10MA01867

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 27 mars 2012, 10MA01867


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA01867, le 17 mai 2010, présentée pour la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE, représentée par son maire en exercice à ce dûment habilité par une délibération du conseil municipal du 15 mars 2008, par Me Rinieri, avocat ;

La COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900580 du 1er avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Bastia l'a condamnée à verser à M. A une indemnité d'un montant de 10 000 euros, assortie des intérêts au

taux légal à compter du 18 avril 2009, en réparation du préjudice résultant pou...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA01867, le 17 mai 2010, présentée pour la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE, représentée par son maire en exercice à ce dûment habilité par une délibération du conseil municipal du 15 mars 2008, par Me Rinieri, avocat ;

La COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900580 du 1er avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Bastia l'a condamnée à verser à M. A une indemnité d'un montant de 10 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2009, en réparation du préjudice résultant pour l'intéressé du refus du maire de la commune de faire libérer un passage public ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A ;

3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.............................................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

...........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de la voirie routière ;

Vu le code rural ;

Vu l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2012 :

- le rapport de Mme Buccafurri, président assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- les observations de Me Rinieri, avocat, pour la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE, et de Me Peres, avocat, pour M. A ;

Considérant que M. B est propriétaire de parcelles cadastrées B 334, 335 et 336, sises sur le territoire de la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE, bordées par un chemin communal les desservant ; que, M. Lastrajoli, propriétaire riverain de ce chemin, a édifié sans autorisation en 1994 des constructions sur l'emprise de cette voie ; que M. B a demandé au maire de ladite commune, par un courrier en date du 6 septembre 2006, de prendre les mesures nécessaires en vue de libérer le chemin communal de ces constructions ; que, par une décision en date du 7 novembre 2006, le maire de la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE a rejeté cette demande ; que, par un jugement du 19 février 2009, le Tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de ladite décision ; que, par un arrêt du 21 février 2011, devenu définitif, la Cour de céans a, d'une part, annulé le jugement dont s'agit au motif que ce litige ne ressortissait pas à la compétence de la juridiction administrative et, d'autre part, rejeté la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que, parallèlement à cette instance, M. A a saisi le Tribunal administratif de Bastia d'un recours indemnitaire à l'encontre de la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE afin d'obtenir la réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision précitée du 7 novembre 2006 ; que la COMMUNE DE CHIATRA DU VERDE relève appel du jugement n° 0900580 du 1er avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Bastia l'a condamnée à verser à M. A une indemnité d'un montant de 10 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2009, en réparation du préjudice invoqué, à ce titre, par l'intéressé ; que, par la voie d'un appel incident, M. A demande la réformation du jugement dont s'agit en ce qu'il a limité l'indemnité réclamée au montant de 10 000 euros ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale ;

Considérant que, pour demander l'engagement de la responsabilité de la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE, M. A invoque, d'une part, l'illégalité fautive de la décision de refus précitée du 7 novembre 2006 et, d'autre part, l'abstention fautive du maire de la commune dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il détient sur les chemins ruraux en application des dispositions de l'article L. 161-5 du code rural ;

Sur la responsabilité de la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE à raison de l'illégalité fautive de la décision du 7 novembre 2006 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, applicable à la date de la décision attaquée : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. " ; qu'aux termes de l'article L. 2111-14 du même code : " Le domaine public routier comprend l'ensemble des biens appartenant à une personne publique mentionnée à l'article L. 1 et affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées. " ; qu'aux termes de l'article L. 141-1 du code de la voirie routière: " Les voies qui font partie du domaine public routier communal sont dénommées voies communales.... " ; que l'article L. 141-3 du ce code dispose : " Le classement et le déclassement des voies communales sont prononcés par le conseil municipal. Ce dernier est également compétent pour l'établissement des plans d'alignement et de nivellement, l'ouverture, le redressement et l'élargissement des voies. " ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier, et notamment des plans figurant dans le rapport d'expertise établi à la demande de M. A, que le chemin en cause ne dessert que quelques parcelles et se termine en impasse, aboutissant à un rocher très pentu, d'une hauteur de deux mètres comme il est mentionné dans la décision attaquée ; que, dans ces conditions, il ne saurait être regardé comme affecté aux besoins de la circulation terrestre au sens des dispositions précitées de L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques ;

Considérant, il est vrai, que M. A fait valoir que ce chemin, situé dans une agglomération, constitue de ce fait une voie urbaine et, en conséquence, une voie communale faisant partie du domaine public routier de la commune conformément aux dispositions de l'article L. 141-1 du code de la voirie routière ; que, toutefois, s'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, ledit chemin était situé en agglomération et s'il est constant qu'en 1966, la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE a, en partie, bétonné ce chemin, a procédé à l'adduction d'eau dans ce passage et y a apposé un éclairage public, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le chemin en litige existait à la date de la publication de l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales et, à supposer son existence avérée à cette date, qu'il était affecté à l'usage du public antérieurement à l'entrée en vigueur de ladite ordonnance ; qu'ainsi, il n'est pas démontré que le chemin en litige constituait une voie urbaine intégrée dans les voies communales en application des dispositions de l'article 9 de cette ordonnance ;

Considérant, d'autre part, que, s'il est constant que le chemin communal en litige appartient à la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE, laquelle est au nombre des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 du code général de la propriété des personnes publiques, il n'est pas établi ni même allégué que ledit chemin aurait fait l'objet d'une décision de classement dans le domaine public routier de la commune ;

Considérant que, dans ces conditions, le chemin en litige ne constitue pas une voie communale dépendant du domaine public routier de la commune et constitue une dépendance du domaine privé de la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE ;

Considérant, en second lieu, que le refus en date du 7 novembre 2006 du maire de la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE de faire procéder à l'enlèvement des constructions édifiées sur une dépendance du domaine privé de la commune constitue un acte de gestion courante de ce domaine ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour apprécier la responsabilité de la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE du fait de l'intervention de cet acte ; que, par suite, la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE est fondée à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué du 1er avril 2010, le Tribunal administratif de Bastia s'est reconnu compétent pour retenir sa responsabilité sur le fondement ainsi invoqué devant lui par M. A ;

Sur la responsabilité de la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE du fait de l'abstention fautive du maire de la commune dans l'exercice des pouvoirs de police sur les chemins ruraux ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-5 du code rural : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux. " ; qu'aux termes de l'article L. 161-1 du même code : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des plans figurant dans le rapport d'expertise établi à la demande de M. A, que le chemin en cause, comme il a été dit ci-dessus, ne dessert que quelques parcelles et se termine en impasse, aboutissant à un rocher très pentu, d'une hauteur de deux mètres ; qu'ainsi, sans même prendre en compte les ouvrages édifiés sur son emprise par M. Lastrajoli, ce chemin ne saurait être regardé comme affecté à l'usage du public et ne constitue pas un chemin rural ; que, par suite, le maire de COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE n'a commis aucune carence fautive en s'abstenant d'exercer la police des chemins ruraux sur le chemin en litige ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué du Tribunal administratif de Bastia en date du 1er avril 2010 ; que la demande de M. A présentée devant le Tribunal administratif de Bastia, en tant qu'elle est fondée sur la responsabilité de cette collectivité à raison de l'intervention de la décision de refus précitée du 7 novembre 2006, doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; qu'il en est de même des conclusions incidentes, présentées sur ce même fondement, de M. A tendant à la réformation du jugement dont s'agit ; que le surplus de la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Bastia doit être rejeté ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0900580 du 1er avril 2010 du Tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Bastia, en tant qu'elle est fondée sur la responsabilité de cette collectivité à raison de l'intervention de la décision du 7 novembre 2006, et les conclusions incidentes de M. A sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Le surplus de la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Bastia est rejeté.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par M. A sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE CHIATRA DI VERDE et à M. Pierre-Vincent A.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA01867
Date de la décision : 27/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

17-03-02-05-01-02 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. Responsabilité. Responsabilité extra-contractuelle. Compétence judiciaire.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : RINIERI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-03-27;10ma01867 ?
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