Vu la requête, enregistrée le 4 mars 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA00925, présentée pour M. Ahmed A, demeurant ..., par Me Jaidane, avocat ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'infirmer le jugement n° 0904074 du 31 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 13 octobre 2009, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer, sous peine d'astreinte de 200 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;
Vu la circulaire du ministre de l'intérieur du 10 décembre 1999 relative à l'application de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 aux partenaires ayant conclu un pacte civil de solidarité ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 2012 ;
- le rapport de Mme Pena, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Chenal-Peter, rapporteur public;
Considérant que, le 24 avril 2009, M. A, ressortissant tunisien, a présenté une demande de titre de séjour " vie privée et familiale " auprès de la préfecture des Alpes-Maritimes, qui y a été réceptionnée le 27 avril suivant ; que suite au silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois, une décision implicite de refus est née le 27 août 2009 ; que par un courrier en date du 12 septembre 2009, réceptionné en préfecture des Alpes-Maritimes le 17 septembre suivant, M. A a demandé au préfet la communication des motifs de ce refus implicite ; que, par arrêté du 13 octobre 2009, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de M. A et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination ; que M. A interjette appel du jugement en date du 31 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que le Tribunal administratif de Nice a demandé à la préfecture des Alpes-Maritimes, le 19 novembre 2009, de produire l'arrêté publié donnant délégation de signature à M. Brocart ; que cet arrêté a été reçu au tribunal le 23 novembre 2009 avant d'être dûment communiqué, le 25 novembre suivant, au conseil de l'appelant, Me Jaidane ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de communication par le tribunal administratif de la délégation de signature en cause à M. A manque en fait et doit être écarté ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant, en premier lieu, que M. Brocart, signataire de l'arrêté attaqué, secrétaire général de la préfecture des Alpes-Maritimes, bénéficiait d'une délégation permanente de signature du préfet des Alpes-Maritimes en date du 31 juillet 2009, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs spécial n° 53-2009 du 3 août 2009, à l'effet notamment de signer tous arrêtés, actes, circulaires et décisions, y compris les déférés préfectoraux s'inscrivant dans le cadre de l'exercice du contrôle de légalité, relevant des attributions de l'Etat dans le département des Alpes-Maritimes à l'exception des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938, des arrêtés portant convocation des collèges électoraux, des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit, de la notation des chefs de service départementaux et directeurs de préfecture ; que dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté litigieux comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde ; qu'il mentionne notamment les textes applicables, à savoir la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment son article 8, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment son article L.511-1 I, la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité et notamment son article 12 ainsi que la circulaire du 30 octobre 2004 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des étrangers en situation irrégulière ; qu'il fait également état de la situation familiale et personnelle du requérant et mentionne notamment la circonstance qu'il a conclu le 3 mai 2007 un pacte civil de solidarité avec Mlle Jennifer B, ressortissante française ; qu'il s'ensuit que cette motivation n'est pas stéréotypée et répond aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant, en troisième lieu, que M. A invoque, par voie d'exception, l'illégalité de la décision implicite de refus née le 27 août 2009 du fait du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes suite à sa demande de communication des motifs ; que toutefois, la décision expresse du 13 octobre 2009 s'est substituée à la décision implicite initialement intervenue, laquelle n'avait créé aucun droit au profit de l'intéressé qui n'est dès lors pas fondé à se prévaloir de son illégalité à l'encontre de la décision explicite ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " d) Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle (...) : les ressortissants tunisiens qui justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans (...) " ;
Considérant que si M. A a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L.313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort toutefois de l'arrêté litigieux que le préfet des Alpes-Maritimes, après lui avoir refusé la délivrance du titre sur ce fondement, a ajouté que l'intéressé " ne remplit aucune des conditions de l'accord franco-tunisien ou du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " ; qu'il doit ainsi être regardé comme ayant examiné d'office si l'appelant remplissait les conditions prévues par lesdits textes pour se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur un autre fondement ; que, par suite, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, une telle mention rend opérant le moyen, soulevé par M. A, tiré de la méconnaissance des stipulations susmentionnées de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, dès lors que ces dispositions constituent un cas d'attribution de plein droit d'un titre de séjour ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du compte rendu d'entretien en préfecture du 15 mars 2006 produit en défense par le préfet des Alpes-Maritimes ainsi que de la demande initiale de titre de séjour produite par l'appelant lui-même, que ce dernier avait déclaré à ces deux occasions être entré en France en 2003 via l'Allemagne ; qu'il ne peut, par suite, justifier d'une durée de séjour en France de plus de dix ans au 13 octobre 2009, date de la décision litigieuse ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien doit être écarté ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; et qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :
(...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ";
Considérant que M. A, qui ainsi qu'il a été dit, est entré en France au plus tôt en 2003, soutient qu'il possède en France l'ensemble de ses liens personnels et familiaux, à savoir son père, titulaire d'une carte de résident, son frère, son oncle, ses cousins et cousines, ainsi que sa compagne, de nationalité française, avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité en mai 2007 ; que s'il fait valoir que la communauté de vie avec sa compagne n'a pas cessé depuis janvier 2006, la seule production, outre du récépissé d'enregistrement de déclaration conjointe de pacte civil de solidarité, du bail d'une durée de trois ans, courant du 2 janvier 2006 au 1er janvier 2009, ne peuvent suffire à établir avec certitude la communauté de vie alors qu'il ne justifie même pas de la poursuite de ladite location au-delà du 1er janvier 2009 ; que M. A, qui se prévaut par ailleurs de l'invalidité non-discutée de son père, n'établit nullement qu'il serait le seul en mesure de le prendre en charge ; que dans ces conditions, et alors qu'il ressort des dires mêmes de l'intéressé au cours de son entretien en préfecture du 15 mars 2006 qu'il a encore en Tunisie sa mère, cinq soeurs et trois frères, la décision attaquée n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le préfet des Alpes-Maritimes n'a méconnu, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L.313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en sixième lieu, que la circonstance que M. A a fait de réels efforts d'intégration au sein de la société française n'est en l'espèce pas de nature à faire regarder la décision attaquée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant, en septième lieu, que l'appelant ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 10 décembre 1999 concernant l'application de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 aux partenaires ayant conclu un pacte civil de solidarité, laquelle est dépourvue de toute valeur réglementaire ;
Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article L.312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L.312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L.313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L.314-11 et L.314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L.431-3 " ;
qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement toutes les conditions prévues aux articles L.313-11, L.314-11 et L.314-2 et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que, comme il a été dit précédemment, M. A n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L.313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2009 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions susvisées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. A la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête susvisée de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ahmed A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
''
''
''
''
2
N° 10MA00925
sd