Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2011, présentée pour M. Mohamed A, domicilié ..., par Me Chabbert-Masson ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101901 du 22 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 17 mai 2011 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois à compter de sa notification et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans les quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de verser cette somme à son avocate, cette dernière renonçant à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
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Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 janvier 2012 constatant la caducité de la demande d'aide juridictionnelle ;
Vu le jugement attaqué ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'arrêté interministériel du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers maladies prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 avril 2012 :
- le rapport de Mme Lastier, président ;
- et les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;
Considérant que M. A, ressortissant marocain, demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1101901 du 22 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 17 mai 2011 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois à compter de sa notification et a fixé le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête,
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République" et, que selon les dispositions de l'article R. 313-21 du même code : "Pour l'application du 7° de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine" ;
Considérant qu'il est constant que M. A, ressortissant marocain, est entré en France le 20 décembre 2002 et a été en situation régulière en qualité de conjoint d'une ressortissante française jusqu'à leur divorce prononcé en 2004, que ses trois soeurs et l'un de ses frères résident sur le territoire national et que trois d'entre eux, ainsi que ses huit neveux et nièces, sont de nationalité française, tandis que le dernier est en situation régulière ; que si M. A, dont le père est décédé, a conservé des attaches familiales dans son pays d'origine, il produit un certificat d'indigence matérielle concernant son frère ainsi qu'un certificat de santé de sa mère, âgée de 90 ans, qui sont restés au Maroc, pièces qui suffisent à établir que sa famille ne pourrait s'occuper de lui en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il joint également au dossier un certificat médical, qui même s'il a été établi postérieurement à l'arrêté attaqué, soit le 14 octobre 2011, constitue une preuve sérieuse de ce que, à la date d'intervention de cet arrêté, eu égard aux troubles psychiatriques dont il souffre, il ne pouvait déjà vivre seul et avait déjà besoin de la présence constante d'un membre de sa famille auprès de lui, ce dont il bénéficie en France du fait de la situation de ses frères et soeur sur le territoire national telle que décrite ci-dessus ; que, pour regrettables que soient les conditions de maintien en France dans la clandestinité de M. A, le refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français, pris à l'encontre de l'intéressé doit, par suite, être regardé comme portant à la vie privée et familiale de celui-ci, constituée sur le territoire national depuis près de dix années, une atteinte excessive et disproportionnée aux buts en vue desquels il a été décidé ; que, dès lors, le requérant est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'au surplus, cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; qu'il y a lieu en conséquence d'annuler ce jugement et l'arrêté attaqué ;
Sur les conclusions de M. A à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet " ;
Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de Vaucluse de délivrer à M. A un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 22 septembre 2011 et l'arrêté en date du 17 mai 2011 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination sont annulés.
Article 2 : Le préfet de Vaucluse délivrera un titre de séjour à M. A, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohamed A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N° 11MA03943