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09/11/2012 | FRANCE | N°10MA01837

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 09 novembre 2012, 10MA01837


Vu, enregistrée le 12 mai 2010 par télécopie et le 17 mai 2010 par courrier sous le n° 10MA01837, la requête présentée pour M. Jean-Pierre B, demeurant ..., par Me Marie-Nina Valli ; M. B demande à la Cour :

- d'annuler le jugement rendu le 26 février 2010 par le tribunal administratif de Nice sous les n° 0901954 et 0902832 ;

- d'annuler la délibération du conseil général des Alpes-Maritimes en date du 18 mars 2009 ayant approuvé la suppression de son emploi ;

- d'annuler la décision en date du 3 juin 2009 portant licenciement ;

- d'enjoindre au

conseil général de le réintégrer au même poste et de reconstituer sa carrière et ses dr...

Vu, enregistrée le 12 mai 2010 par télécopie et le 17 mai 2010 par courrier sous le n° 10MA01837, la requête présentée pour M. Jean-Pierre B, demeurant ..., par Me Marie-Nina Valli ; M. B demande à la Cour :

- d'annuler le jugement rendu le 26 février 2010 par le tribunal administratif de Nice sous les n° 0901954 et 0902832 ;

- d'annuler la délibération du conseil général des Alpes-Maritimes en date du 18 mars 2009 ayant approuvé la suppression de son emploi ;

- d'annuler la décision en date du 3 juin 2009 portant licenciement ;

- d'enjoindre au conseil général de le réintégrer au même poste et de reconstituer sa carrière et ses droits à pension en lui versant l'intégralité des primes et salaires inhérents à cet emploi ;

- de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes le paiement d'une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- les observations de Me Valli pour M. B,

- les observations de Me Bazin pour le département des Alpes-Maritimes ;

1. Considérant que M. B, ingénieur de recherches titulaire de 2ème classe, en poste au rectorat de Nice, a été mis en disponibilité pour convenances personnelles en 1986 ; qu'il a été recruté, à compter du 1er mars 1986, par le département des Alpes-Maritimes pour exercer, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, les fonctions de directeur de la jeunesse ; qu'à compter du 20 novembre 2003, il a exercé les fonctions d'auditeur consultant au sein du service d'évaluations et prospectives dudit département ; que, par une délibération en date du 18 mars 2009, le conseil général des Alpes-Maritimes a décidé de procéder à la suppression de l'emploi occupé par M. B ; que ce dernier a été licencié par une décision en date du 3 juin 2009 ; que M. B demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 26 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses requêtes dirigées, d'une part, contre la délibération précitée du 18 mars 2009 et, d'autre part, contre la décision de licenciement dont il a fait l'objet, et de faire droit à ses demandes de première instance ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, que le jugement attaqué, qui visait, d'une part, les dispositions de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, d'autre part, le décret du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, et enfin, le code général des collectivités territoriales, était suffisamment motivé en droit ;

3. Considérant, en second lieu, que les mentions portées sur la lettre de notification du jugement quant aux voies de recours susceptibles d'être exercées sont sans incidence sur la régularité dudit jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :

S'agissant des conclusions dirigées contre la délibération du 18 mars 2009 :

A. légalité externe :

4. Considérant, en premier lieu, que M. B soutient que l'information donnée aux conseillers généraux, avant qu'ils ne délibèrent sur la suppression d'emploi litigieuse, était erronée et incomplète ;

5. Considérant, d'une part, que M. B fait valoir que l'avis du comité technique paritaire était, contrairement à ce qui a été indiqué en séance du conseil général, défavorable à la suppression de cet emploi et non favorable ; qu'il ressort des pièces du dossier que dix représentants titulaires du personnel étaient présents et ont voté contre cette mesure de suppression d'emploi ; qu'il résulte de la feuille d'émargement audit comité que si neuf représentants titulaires de l'administration étaient présents, le dixième a été remplacé par l'un des six suppléants présents ; que les dix représentants de l'administration ont voté pour ladite suppression d'emploi ; qu'en application de l'article 26 du décret n° 85-565 du

30 mai 1985 relatif aux comités techniques paritaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, lequel dispose que "(...) en cas de partage des voix, la proposition est réputée adoptée", l'avis devait être regardée comme ayant été favorable ; qu'en outre, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que cet avis, qui au demeurant ne s'imposait pas en application des dispositions de l'article 97 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 dès lors que M. B était agent contractuel et non titulaire, soit communiqué aux conseillers généraux ; que, par suite, l'information donnée à ce titre aux conseillers généraux n'était ni erronée ni incomplète ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'a été adressé aux conseillers généraux, dans les délais prescrits par l'article L. 3121-19 du code général des collectivités territoriales, un rapport relatif à la politique des ressources humaines ; que ce rapport précisait qu'il était envisagé de supprimer, dans un contexte d'économies budgétaires et d'efficience, un emploi de responsable de la cellule d'audit interne et un emploi d'administrateur territorial ; que cette notice explicative, qui précisait la nature des postes à supprimer était, bien que n'ait pas été mentionnée l'identité des deux agents concernés, ce qui n'était pas obligatoire, suffisante ; que, par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obligation au président du conseil général d'aborder la question de la suppression de l'emploi litigieux dans le cadre de son rapport introductif à la séance du conseil général ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen susmentionné doit, en toutes ses branches, être écarté ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 3121-14 du code général des collectivités territoriales : "Le conseil général ne peut délibérer si la majorité absolue de ses membres en exercice n'est présente. / Toutefois si, au jour fixé par la convocation, le conseil général ne se réunit pas en nombre suffisant pour délibérer, la réunion se tient de plein droit trois jours plus tard et les délibérations sont alors valables quel que soit le nombre des présents./ Sous réserve des dispositions des articles L. 3122-1 et L. 3122-5, les délibérations du conseil général sont prises à la majorité des suffrages exprimés." ; qu'il ressort des pièces du dossier que la majorité absolue des conseillers généraux étaient présents ou représentés tant le matin que l'après-midi de la séance qui s'est tenue le 18 mars 2009 ; que, par ailleurs, si M. B fait valoir que l'on ignore si la délibération n° 32 a été réellement votée, il ressort de ladite délibération ainsi que du procès-verbal des débats auxquels elle a donné lieu, que cette proposition a été adoptée à la majorité des suffrages exprimés ;

B. légalité interne :

8. Considérant, en premier lieu, qu'une collectivité publique peut légalement, quel que soit l'état de ses finances, procéder à une suppression d'emploi par mesure d'économie ; qu'il ressort des pièces du dossier que la suppression de poste litigieuse est survenue dans un contexte de restriction budgétaire et de limitation des dépenses de fonctionnement et, notamment, des dépenses de personnel ; qu'il n'est, par ailleurs, pas établi que le fait de confier à des prestataires extérieurs au département les tâches jusqu'alors accomplies par le requérant serait contraire à l'intérêt du service ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'intérêt du service aurait été méconnu doit être écarté ;

9. Considérant, en second lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ; que si M. B fait valoir que l'emploi qu'il occupait précédemment aurait été immédiatement recréé par une délibération en date du 30 novembre 2009, il ressort des pièces du dossier que le poste de chef du service des sports créé par cette délibération était totalement différent de l'emploi d'auditeur consultant au sein du service évaluations et prospectives occupé jusqu'alors par le requérant ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions dirigées contre la délibération du conseil général des Alpes-Maritimes en date du 18 mars 2009 ;

S'agissant des conclusions dirigées contre la décision de licenciement en date du 3 juin 2009 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés à l'appui de ces conclusions ;

11. Considérant qu'il résulte du principe général de droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l'emploi est supprimé que les règles statutaires applicables dans ce cas aux agents publics, qu'il appartient à l'employeur de chercher à reclasser dans un autre emploi le salarié dont l'emploi est supprimé et, en cas d'impossibilité, de prononcer dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement ; que ce principe est applicable, en particulier, aux agents contractuels de droit public dès lors qu'ils occupent un emploi permanent ;

12. Considérant que M. B occupait, depuis 2003, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, un emploi permanent ; qu'il est constant que le département des

Alpes-Maritimes n'a pas, à la suite de la suppression de cet emploi, cherché à le reclasser dans un autre emploi ; que, par suite, la décision de licenciement est entachée d'illégalité ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 3 juin 2009 ; que, par l'effet dévolutif de l'appel, il y a lieu pour la Cour d'annuler ladite décision ;

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :

14. Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision de licenciement implique nécessairement que M. B soit réintégré juridiquement dans ses fonctions de la date de prise d'effet de son licenciement, soit le 8 décembre 2009, jusqu'à la date à laquelle il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite et qu'il soit procédé, au cours de cette période, à la reconstitution de ses droits sociaux et, notamment, de ses droits à pension ; que le présent arrêt n'implique en revanche pas, puisque M. B était agent contractuel du département des Alpes-Maritimes et non titulaire, qu'il soit procédé à une reconstitution de sa carrière ; que le présent arrêt n'implique pas non plus, en l'absence de service fait, qu'il soit enjoint au département des Alpes-Maritimes, de verser à M. B les traitements et primes qu'il aurait perçus au cours de cette période s'il n'avait pas été illégalement évincé ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes, le paiement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a en revanche pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le département intimé en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement rendu le 26 février 2010 par le tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 0902832.

Article 2 : La décision en date du 3 juin 2009 par laquelle M. B a été licencié est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au département des Alpes-Maritimes de procéder à la réintégration juridique de M. B et à la reconstitution de ses droits sociaux du 8 décembre 2009 jusqu'à la date à laquelle il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B est rejeté.

Article 5 : Le département des Alpes-Maritimes versera à M. B une somme de 2 000 (deux mille) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions présentées par le département des Alpes-Maritimes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Pierre B et au département des

Alpes-Maritimes.

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N° 10MA018372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA01837
Date de la décision : 09/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT-DOMINGUEZ
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : VALLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-11-09;10ma01837 ?
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