Vu l'arrêt du Conseil d'Etat n° 331970 du 7 mars 2012 annulant et renvoyant devant la présente Cour l'arrêt n° 06MA02133, 06MA02462 du 10 juillet 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de la commune de Saint-Cyprien tendant, d'une part, à l'annulation des jugements n° 005589, 0100585, 0406823 et n° 0406499, 0406500 du 18 avril 2006 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande de décharge des impositions en litige et, d'autre part, à leur décharge ;
Vu les requêtes enregistrées par le greffe de la Cour le 17 juillet 2006, présentées pour la commune de Saint-Cyprien, tendant à l'annulation des jugements du tribunal administratif de Montpellier du 18 avril 2006 rejetant sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, d'imposition forfaitaire annuelle à l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle de 10 % d'impôt sur les sociétés auxquelles l'établissement public du port de Saint-Cyprien a été assujetti au titre des exercices clos entre 1997 et 2003, et à la décharge desdites impositions ;
Vu les mémoires enregistrés au greffe de la Cour le 7 février 2007 et le 22 février 2007, présentés pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, concluant au rejet des requêtes de la commune de Saint-Cyprien ;
Vu le courrier de demande d'observations adressé aux parties le 19 avril 2012 par le greffe de la Cour ;
Vu le mémoire, enregistrée le 11 septembre 2012, présenté pour la commune de Saint-Cyprien représentée par son maire, par Me Nicolaÿ de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin ;
La commune de Saint-Cyprien demande à la Cour :
1°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2012,
- le rapport de Mme Haasser, rapporteur ;
- les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
- et les observations de Me Nicolaÿ de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin pour la commune de Saint-Cyprien ;
1. Considérant que, par délibérations de son conseil municipal des 26 juin et 24 juillet 1996, la commune de Saint-Cyprien a confié à l'établissement public du port de Saint-Cyprien, régie municipale dotée de la personnalité morale, l'exploitation du port de plaisance qui était antérieurement assurée par une régie communale dépourvue de personnalité ; que, par deux jugements du 18 avril 2006, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, d'imposition forfaitaire annuelle à l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle de 10 % d'impôt sur les sociétés auxquelles l'établissement public du port de Saint-Cyprien a été assujetti au titre des années 1997 à 2003 à la suite de deux vérifications de comptabilité ; que par un arrêt du 10 juillet 2009 n° 06MA02133, 06MA02462, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé devant elle par la commune de Saint-Cyprien, qui s'est pourvue en cassation ; que par un arrêt du 7 mars 2012 le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour et lui a renvoyé l'affaire aux fins d'y statuer à nouveau ;
2. Considérant que contrairement aux affirmations de la commune de Saint-Cyprien, le jugement du tribunal administratif de Montpellier a pris position sur la nature administrative autant qu'industrielle et commerciale des activités du port de plaisance qu'elle exploite ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés (...) sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations à but lucratif " ; qu'aux termes de l'article 207 du même code : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) 6° Les régions et les ententes interrégionales, les départements et les ententes interdépartementales, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, syndicats de communes et syndicats mixtes constitués exclusivement de collectivités territoriales ou de groupements de ces collectivités, ainsi que leurs régies de services publics. " ; qu'aux termes de l'article 1654 du même code : " Les établissements publics, les exploitations industrielles et commerciales de l'Etat ou des collectivités locales, les entreprises concessionnaires ou subventionnées, les entreprises bénéficiant de statuts, de privilèges, d'avances directes ou indirectes ou de garanties accordées par l'Etat ou les collectivités locales, les entreprises dans lesquelles l'Etat et les collectivités locales ont des participations, les organismes ou groupements de répartition, de distribution ou de coordination, créés sur l'ordre ou avec le concours ou sous le contrôle de l'Etat ou des collectivités locales doivent - sous réserve des dispositions des articles 133, 207, 208, 1040, 1382, 1394 et 1449 à 1463 - acquitter, dans les conditions de droit commun, les impôts et taxes de toute nature auxquels seraient assujetties des entreprises privées effectuant les mêmes opérations. " ;
4. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions du 1 de l'article 206 du code général des impôts et de l'article 1654 du même code qu'une régie d'une collectivité territoriale, dotée ou non de la personnalité morale, n'est pas passible de l'impôt sur les sociétés si le service qu'elle gère ne relève pas, eu égard à son objet ou aux conditions particulières dans lesquelles il est géré, d'une exploitation à caractère lucratif ; qu'il résulte des dispositions du 6° du 1 de l'article 207 du code général des impôts que si le service qu'elle gère relève d'une exploitation à caractère lucratif, elle ne bénéficie de l'exonération d'impôt sur les sociétés que si la collectivité territoriale a le devoir d'assurer ce service, c'est-à-dire si ce service est indispensable à la satisfaction de besoins collectifs intéressant l'ensemble des habitants de la collectivité territoriale ;
5. Considérant qu'il convient, dans un premier temps, de vérifier si la régie gère le port de plaisance en se livrant à une exploitation à caractère lucratif, eu égard à l'objet du service et aux conditions particulières dans lesquelles il est géré, c'est-à-dire si les prestations fournies sont de même nature que celles fournies par des personnes privées à but lucratif, et dans l'affirmative, si ces prestations sont fournies dans des conditions et modalités d'exercice différentes de celles d'une entreprise privée (produit offert, gratuité, modulation des tarifs selon les ressources, public bénéficiaire, publicité réalisée...) au regard de l'intérêt général ;
6. Considérant que la commune soutient que la gestion du port de plaisance de Saint-Cyprien est un service qui, par son objet, ne relève pas d'une exploitation à but lucratif car, au regard des critères de l'activité lucrative, à savoir exercer l'activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, en répondant notamment à des besoins insuffisamment satisfaits ou en s'adressant à un public spécifique par des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel, sans recourir à des méthodes de publicité commerciale, cette gestion présente un but désintéressé, dans la mesure où la commune ne cherche ni à dégager un profit, ni à enrichir son budget ou son patrimoine ou les dirigeants de l'établissement, et qu'elle intervient dans un secteur non concurrentiel, les communes ayant le monopole de la création, de l'aménagement et de l'exploitation des ports de plaisance ; qu'en outre, les ventes de carburant ne sont pas réalisées dans un but lucratif, s'agissant d'une activité accessoire imposée par le cahier des charges initial ;
7. Considérant qu'en se bornant à souligner le caractère désintéressé de sa gestion du port, la commune n'éclaire pas le juge sur le point de savoir si son objet et ses conditions de gestion sont à but lucratif ou non ; qu'en l'espèce, l'objet de la régie communale ne consiste pas simplement à assurer la sécurité et la police du trafic maritime ou l'entretien des quais, digues, pontons..., mais aussi à proposer des anneaux à la location et assurer des prestations payantes telles que la mise à disposition de bornes pour le branchement à l'eau, au gaz et à l'électricité, la fourniture d'essence et d'emplacements de stationnement ; que ce mode de gestion est de même nature qu'une gestion exercée par des personnes privées à but lucratif, la circonstance que la décision de création d'un port relève du préfet ne conférant pas aux communes un monopole dans ce domaine ;
8. Considérant que les conditions et modalités d'exercice (gratuité ou modulation des tarifs selon les ressources, public bénéficiaire, publicité réalisée...) restent inconnues faute d'être précisées par la commune, hormis la vente de carburant dont le tarif n'est ni précisé ni comparé à celui d'autres ports, et ne permettent pas d'apprécier dans quelle mesure l'intérêt général bénéficie ou non d'une telle gestion ;
9. Considérant que, par suite, la commune qui ne soutient pas pratiquer des tarifs différenciés selon le public touché, ni financer ses services à l'aide de subventions, ni se contenter de simplement vouloir par ses tarifs couvrir les charges de fonctionnement du port, ne produit pas d'éléments suffisants permettant d'affirmer que sa gestion du port de plaisance ne s'exerce pas dans les mêmes conditions qu'une gestion privée à but lucratif ;
10. Considérant qu'il convient, dans un second temps, de vérifier si l'activité concerne un service indispensable à la satisfaction des besoins de l'ensemble des habitants, ce qui n'est pas le cas s'il présente un intérêt essentiellement économique et financier pour la collectivité ;
11. Considérant que la commune soutient, à ce titre, exercer une mission de service public qu'elle a le devoir d'assurer, car dès sa création en 1969, le port, qui comporte actuellement près de trois mille anneaux, répondait à un besoin collectif d'estivants et de vacanciers de plus en plus nombreux à posséder un bateau nécessitant des infrastructures d'accueil aménagées, besoin collectif satisfaisant un intérêt général très large compte tenu de la localisation de la commune en bord de mer, port ouvert à tous et devenu indispensable en tant qu'activité essentielle de la commune pour l'ensemble des habitants, bien au-delà de la seule population touristique ou des seuls plaisanciers ; qu'une telle installation satisferait des besoins collectifs alors même que les usagers en sont toujours une " catégorie particulière de public, ici des plaisanciers ;
12. Considérant cependant que ces éléments ne caractérisent aucunement un service public indispensable à la satisfaction des besoins de l'ensemble des habitants, mais concernent un service réservé à une clientèle spécifique, les plaisanciers, que la commune n'a pas le devoir de satisfaire ; que si l'ensemble de la population peut fort bien fréquenter les installations, elle n'a pas la possibilité de les utiliser sauf à souscrire un contrat ; que la fréquentation du bord de mer n'a pas sa source dans la seule présence du port de plaisance ; que, par suite, les conditions de l'exonération d'impôt sur les sociétés ne sont pas remplies ;
13. Considérant que la commune de Saint-Cyprien soutient, à titre subsidiaire, que le législateur ayant créé un lien entre l'exercice d'une activité lucrative et l'assujettissement à l'impôt, il convient de dissocier les activités et d'asseoir l'impôt sur les seuls bénéfices tirés de l'exploitation lucrative ; qu'en l'espèce, les revenus tirés des redevances domaniales, tels les amodiations des Capellans, les redevances d'occupation de terrains aménagés et de parc de stationnement (situé sur le domaine public), doivent échapper à l'impôt ou bénéficier d'un taux réduit d'imposition ;
14. Considérant que, pour les personnes passibles de l'impôt sur les sociétés, le bénéfice imposable est, en vertu des dispositions de l'article 38 du code général des impôts applicable en vertu de l'article 209, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature sans qu'il puisse être pratiqué une quelconque sectorisation des activités hormis le cas où elle serait exigée par un texte ; que, dès lors, il y a lieu de tenir compte, pour le calcul de cet impôt, de l'ensemble des opérations que la régie communale a réalisées au cours des exercices litigieux ; qu'il est en tout état de cause constant que la commune de Saint-Cyprien n'a pas constitué de secteurs comptables distincts permettant de dissocier les revenus selon leur origine et ne pourrait pas chiffrer les montants correspondants ;
15. Considérant que la commune de Saint-Cyprien se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, du bénéfice de l'instruction du 1er mars 1995 en tant qu'elle prévoit la possibilité de séparer activité administrative et lucrative ; que, toutefois, l'alinéa 2 de l'article L. 80 A ne s'applique que " si le contribuable a appliqué le texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions " ; qu'en l'espèce, la commune de Saint-Cyprien n'a pas appliqué l'instruction en cause dès lors qu'elle n'avait procédé à aucune sectorisation de ses activités ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Cyprien n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la commune de Saint-Cyprien la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Cyprien est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Cyprien et au ministre de l'économie et des finances.
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N° 12MA01312