Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°11MA01926, présentée pour le groupement foncier rural (GFR) Reillanne, représenté par M. C...E..., et dont le siège est domaine Reillanne au Cannet-des-Maures (83340), par la SCP Fischer, Tandeau de Marsac, Sur et associés ;
Le GFR demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902532 du 17 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 17 août 2009 par lequel le préfet du Var a refusé sa demande de défrichement concernant les parcelles cadastrées I 29 et I 30 au Cannet des Maures au lieu dit " La Lonne " ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 17 août 2009 sus mentionné ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code forestier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2013 :
- le rapport de Mme Chenal-Peter, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Salvage, rapporteur public;
- et les observations de Me D...de la SCP Fisher Tandeau de Marsac Sur et associés, pour le GFR Reillanne ;
1. Considérant que le GFR Reillanne, représenté par M.E..., a déposé, le 3 novembre 2008, sur une parcelle cadastrée section I n°29 d'une surface de 16 hectares 96 ares et 50 centiares, une demande d'autorisation de défricher 5 hectares, et, sur une parcelle cadastrée section I n°30 d'une surface totale de 16 hectares 35 ares et 40 centiares, une demande d'autorisation de défricher 5 ares, ces parcelles étant situées au lieu dit " La Lone d'Estelle " sur le territoire de la commune du Cannet-des-Maures ; que par un arrêté du 17 août 2009, le préfet du Var a refusé de lui délivrer une telle autorisation de défrichement ; que, par jugement en date du 17 mars 2011, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande du GFR Reillanne, tendant à l'annulation de cet arrêté; que le GFR Reillanne relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le GFR Reillanne fait valoir que le second mémoire du préfet du Var, enregistré au greffe du tribunal le 3 février 2011, accompagné des pièces supplémentaires, enregistrées le 4 février 2011, contenant en particulier les arrêtés de délégation de signature comportant la signature des intéressés et des preuves de la publication desdits arrêtés, ne lui ont pas été communiqués, en méconnaissance du principe du contradictoire; que toutefois, il ressort des pièces du dossier de première instance que ce mémoire ne contenait aucun élément nouveau susceptible de modifier la solution retenue par les premiers juges, dès lors qu'ils ont considéré que la circonstance que les ampliations des arrêtés de délégations de signature, lesquels sont en tout état de cause publiés au recueil des actes administratifs de la préfecture du Var, n'étaient pas signés, était sans incidence sur leur légalité ; qu'en outre, la publication de ces arrêtés ainsi que de leurs annexes était également disponible dans ce même recueil, accessible à tous ; qu'ainsi, et conformément aux dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, l'absence de communication de ce mémoire au requérant n'a pas méconnu le principe du contradictoire et n'a pas entaché d'irrégularité le jugement attaqué ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-3 du code forestier alors en vigueur, : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire :...huit A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population ;... "
4. Considérant que Nicolas Jeanjean, directeur adjoint de la direction départementale de l'équipement et de l'agriculture du Var, qui a signé l'arrêté attaqué, bénéficiait d'une subdélégation de signature de Mme B...A..., directrice départementale de l'équipement et de l'agriculture du Var, par un arrêté du 1er juillet 2009, pris sur le fondement d'un arrêté du préfet du Var du 29 juin 2009 déléguant à Mme A...l'instruction des demandes ainsi que de la délivrance ou du refus des autorisations de défrichement ; que lesdits arrêtés ont été respectivement publiés avec leurs annexes au recueil des actes administratifs de la préfecture n°41 spécial du 12 août 2009 et n°31 spécial du 30 juin 2009 ; que l'absence de signature manuscrite sur les ampliations de ces arrêtés est sans incidence sur leur légalité, dès lors que les originaux ont bien été signés ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait ;
5. Considérant que l'arrêté litigieux énonce les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement, en citant, d'une part, les articles L. 311-1 à L. 311-4 du code forestier et d'autre part, en mentionnant la présence des espèces végétales et animales à protéger, justifiant le refus de l'autorisation sollicitée sur le fondement du 8° de l'article L. 311-3 du code forestier; que la circonstance que le préfet du Var n'indique pas précisément en quoi le défrichement aurait des incidences sur les espèces citées et en quoi les mesures compensatoires qu'elle a formulées seraient insuffisantes n'est pas par de nature à démontrer que la motivation dudit arrêté serait insuffisante ;que dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 312-1 du code forestier en vigueur à la date de l'arrêté attaqué: " Sous réserve des dispositions de l'article R. 312-3, la demande présentée sur le fondement de l'article L. 311-1 est réputée acceptée à défaut de décision du préfet notifiée dans le délai de deux mois à compter de la réception du dossier complet. Lorsque le préfet estime, compte tenu des éléments du dossier, qu'une reconnaissance de la situation et de l'état des terrains est nécessaire, il porte le délai d'instruction à six mois et en informe le demandeur dans les deux mois suivant la réception du dossier complet. Il peut, par une décision motivée, proroger ce délai d'une durée complémentaire de trois mois, notamment lorsque les conditions climatiques ont rendu la reconnaissance impossible." ; qu'en l'espèce, les services de la direction départementale de l'équipement et de l'agriculture ont, par courrier en date du 24 avril 2009, d'une part, informé le GFR Reillanne que son dossier de demande d'autorisation était complet à la date du 8 avril 2009, et d'autre part, décidé que le délai d'instruction était porté de deux à six mois en raison de la nécessité d'effectuer une reconnaissance de l'état de la situation des bois ; que la circonstance que cette lettre ait visé par erreur l'article R 311-2 du code forestier qui était abrogé au lieu de l'article R. 312-1, est une erreur matérielle, qui est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient le requérant, cette erreur matérielle n'a pas eu d'influence sur son droit à l'information dès lors que le contenu de ladite lettre l'informait des conditions de prolongation des délais d'instruction applicables en l'espèce; que de la même façon, la mention, sur l'arrêté attaqué, d'une date erronée du procès-verbal de reconnaissance n'a pas d'influence sur sa légalité ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 312-2 du code forestier, alors en vigueur: " Huit jours au moins avant la date fixée pour l'opération de reconnaissance, le préfet en informe le demandeur par lettre recommandée avec accusé de réception, en l'invitant à y assister ou à s'y faire représenter. Au cas où la demande d'autorisation n'est pas présentée par le propriétaire, le préfet adresse à ce dernier le même avertissement. Si le préfet estime, au vu des constatations et des renseignements portés sur le procès-verbal, que la demande peut faire l'objet d'un rejet pour un ou plusieurs des motifs mentionnés à l'article L. 311-3 ou que l'autorisation peut être subordonnée au respect d'une ou plusieurs des conditions définies à l'article L. 311-4, il notifie par lettre recommandée avec accusé de réception le procès-verbal au demandeur, qui dispose d'un délai de quinze jours pour formuler ses observations." ; que la procédure contradictoire prévue par ces dispositions a été respectée dès lors que les services de la direction départementale de l'équipement et de l'agriculture du Var ont transmis à M. E... le procès-verbal de reconnaissance de l'état de la situation des bois le 15 juillet 2009, ainsi que l'avis défavorable du directeur départemental de l'équipement et de l'agriculture du Var et que ce dernier a fait parvenir ses observations écrites le 30 juillet 2009 ; que par suite, la circonstance que lesdites observations, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été prises en considération, n'ont pas été visées dans l'arrêté litigieux du préfet du Var est sans incidence sur sa légalité ;
8. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, le procès-verbal du 30 juin 2009 décrit de façon circonstanciée les caractéristiques de la parcelle en cause, et a été rédigé après un transport sur les lieux en date du 11 juin 2009 ; que si une reconnaissance de l'état du terrain a été effectuée le 28 novembre 2008 sur une autre des parcelles du requérant, située dans la même zone géographique de la commune du Cannet des Maures, une telle circonstance ne suffit pas à établir l'inutilité de la reconnaissance de la situation de l'état des bois sur la parcelle en cause, effectuée le 11 juin 2009, dès lors qu'une telle reconnaissance a pour objet d'apprécier les caractéristiques propres à chaque parcelle ; qu'en outre, il ressort des procès-verbaux rédigés après ces deux reconnaissances de bois à défricher que les parcelles ne présentaient pas les mêmes caractéristiques, l'une d'elle ayant déjà fait l'objet d'un défrichement sans autorisation en 2003 ; que par suite, le GFR Reillanne n'est pas fondé à soutenir que le procès-verbal de reconnaissance de l'état des lieux était inutile ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que si la demande d'autorisation de défrichement en litige a été reçue le 5 novembre 2008 par les services de la direction départementale de l'équipement et de l'agriculture du Var, le dossier complet relatif à cette demande n'a été réceptionné par ces mêmes services que le 8 avril 2009 ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit au point n° 6, le 24 avril 2009, le délai d'instruction a été prorogé de deux à six mois à compter du 8 avril 2009, afin de procéder à la reconnaissance de l'état des lieux, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 312-1 du code forestier ; que dans ces conditions, et alors que cette reconnaissance était utile, le GFR Reillanne n'était pas en possession d'une autorisation implicite d'acceptation de défrichement pour la parcelle litigieuse le 8 juin 2009 comme il le prétend ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier du procès-verbal établi à la suite de la reconnaissance des bois à défricher effectuée le 11 juin 2009 que les parcelles cadastrées section I n°29 et I n° 30, composées de landes sèches à callune avec pins maritimes, sont situées, d'une part en zone 1 du projet d'intérêt général de protection de la plaine des Maures, et dans le projet de réserve naturelle nationale de la plaine des Maures, créée par décret du 23 juin 2009, et d'autre part, s'agissant de Natura 2000, au sein d'une zone de protection spéciale " plaine des Maures " et dans un site d'intérêt communautaire " massif et plaine des Maures " ; qu'il ressort des cartes annexées aux documents d'objectifs Natura 2000 du site de la plaine des Maures et au rapport final du plan national d'actions en faveur de la tortue d'Hermann ainsi que des inventaires scientifiques réalisés par l'ONF dans le cadre de Natura 2000, que sont présentes sur lesdites parcelles, l'aira provincialis ou canche de Provence, espèce végétale protégée par arrêté ministériel du 9 mai 1994, la tortue d'Hermann, espèce en danger, et protégée par arrêté ministériel du 22 juillet 1993, et que le biotope est favorable à l'engoulevent d'Europe, oiseau protégé en application de l'article L. 414-4 du code de l'environnement et de la directive 79-409 du 2 avril 1979 relative à la conservation des oiseaux sauvages ; qu'en particulier, les parcelles sont dans une zone d'importance majeure pour les tortues d'Hermann, celles-ci étant protégées également par les conventions de Berne et de Washington et par la directive 92/43 du 21 mai 1992, et ne se trouvant plus en France que dans le Var et en Corse, la protection de ces tortues étant une des principales raisons de la création de la réserve naturelle nationale de la plaine des Maures ;que dès lors, le préfet du Var n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant d'autoriser le défrichement demandé, sur l'intégralité de la parcelle, au motif tiré de la protection d'un territoire présentant un intérêt remarquable en raison de la préservation des espèces animales et végétales précitées, et en estimant que les mesures compensatoires préconisées par le requérant, consistant notamment en un déplacement des tortues à l'extérieur de la zone forestière et à un enherbage en périphérie des parcelles, étaient insuffisantes ; qu'enfin, si le GFR requérant se prévaut d'un avis favorable du directeur départemental de l'équipement et de l'agriculture du Var en date du 19 décembre 2008 à l'octroi d'une autorisation de défrichement d'une bande de terrain lui appartenant de quatre hectares, le long d'une piste de défense des forêts contre l'incendie, les terrains concernés, même s'ils se situent à proximité des parcelles en litige, avaient déjà fait l'objet d'un défrichement en 2003 et ne présentaient donc pas les mêmes caractéristiques que ces dernières ;
que par suite, l'avis défavorable rendu en l'espèce par cette même autorité le 15 juillet 2009, motivé par la conservation des habitats et des espèces précitées, n'était pas en contradiction avec son avis précédent ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être exposé que le moyen tiré de ce que le défrichement n'aurait aucun effet significatif sur l'équilibre biologique du secteur et qu'une autorisation partielle, subordonnée au respect de certaines conditions, pouvait être délivrée au requérant, conformément à l'article L. 311-4 du code forestier, ne peut qu'être rejeté ;
11. Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que la SAS Sovatram, exploitant un centre de traitement de déchets ménagers, a obtenu une autorisation de défrichement, par arrêté préfectoral du 21 mars 2008, pour une parcelle proche géographiquement des parcelles en litige, le défrichement en cause ne portait que sur trois hectares et 23 ares d'espace naturel, le reste du terrain étant artificialisé depuis plusieurs années ; qu'ainsi, alors même que ces deux terrains se situaient tous deux au sein de la zone Natura 2000 de la plaine des Maures, ils ne présentaient pas le même intérêt écologique ; qu'au surplus, l'autorisation du 21 mars 2008 a été accordée à titre dérogatoire, pour une activité d'intérêt public, et soumise à d'importantes mesures compensatoires ; que dans ces conditions, le moyen tiré de la violation du principe d'égalité des citoyens devant la loi doit donc être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le GFR Reillanne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse au GFR Reillanne quelque somme que ce soit au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du GFR Reillanne est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié au GFR Reillanne et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
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N° 11MA01926
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