Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°11MA01927, présentée pour le groupement foncier agricole (GFA) Domaine de Caban, représenté par M. C... E..., et dont le siège est domaine Reillanne au Cannet-des-Maures (83340), par la SCP Fischer, Tandeau de Marsac, Sur et associés ;
Le GFA demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0901152 du 17 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 13 février 2009 par lequel le préfet du Var a retiré l'autorisation tacite de défrichement qu'il avait obtenue le 11 janvier 2009 concernant une superficie de 13 hectares et 22 ares sur la parcelle cadastrée I 298 p au Cannet des Maures ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 13 février 2009 sus mentionné ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code forestier
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2013 :
- le rapport de Mme Chenal-Peter, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public ;
- et les observations de Me D...de la SCP Fisher Tandeau de Marsac Sur et associés, avocat pour le GFA Domaine de Caban ;
1. Considérant que le GFA Domaine de Caban, représenté par M.E..., a déposé, le 20 juillet 2005, sur une parcelle cadastrée section I n°298 située au lieu-dit " la grande pinède " sur le territoire de la commune du Cannet des Maures une demande d'autorisation de défricher 13 hectares et 22 ares de cette parcelle, afin d'y planter des vignes ; que par décision du 4 octobre 2005, le préfet du Var a rejeté la demande au motif que les bois étaient déjà défrichés ; qu'à la suite de l'annulation de cette décision par un jugement du tribunal administratif de Nice du 19 juin 2008, le préfet, qui restait saisi de la demande, a prescrit une reconnaissance de la situation et de l'état des terrains par courrier du 9 septembre 2008 et a porté le délai d'instruction à six mois à compter du 10 juillet 2008 ; qu'une autorisation tacite de défrichement est ainsi née le 10 janvier 2009; que par arrêté du 13 février 2009, le préfet du Var a retiré cette autorisation tacite et a autorisé le défrichement sur une superficie de 5 hectares seulement; que, par jugement en date du 17 mars 2011, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande du GFA Domaine de Caban, tendant à l'annulation de cet arrêté, en tant qu'il porte retrait de l'autorisation tacite de défrichement d'une surface de 13 hectares 22 ares ; que le GFA Domaine de Caban relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-3 du code forestier alors en vigueur, : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire :...8° A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population ;... "
3. Considérant que, par un arrêté du 31 décembre 2008, le préfet du Var a délégué à Mme B...A..., directrice départementale de l'équipement et de l'agriculture du Var, qui a signé l'arrêté attaqué, en particulier l'instruction des demandes ainsi que la délivrance ou du refus des autorisations de défrichement ; que ledit arrêté a été publié avec ses annexes au recueil des actes administratifs de la préfecture du Var n°62 spécial du 31 décembre 2008; que l'absence de signature manuscrite sur l'ampliation de cet arrêté est sans incidence sur sa légalité, dès lors que l'original a bien été signé ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 312-1 du code forestier en vigueur à la date de l'arrêté attaqué: " Sous réserve des dispositions de l'article R. 312-3, la demande présentée sur le fondement de l'article L. 311-1 est réputée acceptée à défaut de décision du préfet notifiée dans le délai de deux mois à compter de la réception du dossier complet. Lorsque le préfet estime, compte tenu des éléments du dossier, qu'une reconnaissance de la situation et de l'état des terrains est nécessaire, il porte le délai d'instruction à six mois et en informe le demandeur dans les deux mois suivant la réception du dossier complet. Il peut, par une décision motivée, proroger ce délai d'une durée complémentaire de trois mois, notamment lorsque les conditions climatiques ont rendu la reconnaissance impossible. " ; qu'en l'espèce, le préfet du Var a, par courrier en date du 9 septembre 2008, décidé que le délai d'instruction de la demande du GFA Domaine de Caban était porté de deux à six mois, à compter du 10 juillet 2008, en raison de la nécessité d'effectuer une reconnaissance de l'état de la situation des bois ; que la circonstance que cette lettre ait visé par erreur l'article R 311-2 du code forestier qui était abrogé au lieu de l'article R. 312-1 est une erreur matérielle qui est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient le requérant, cette erreur matérielle n'a pas eu d'influence sur son droit à l'information dès lors que le contenu de ladite lettre l'informait des conditions de prolongation des délais d'instruction applicables en l'espèce;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier du procès-verbal établi à la suite de la reconnaissance des bois à défricher effectuée le 28 novembre 2008 que la demande de défrichement portait sur une surface de 13 hectares 22 ares de la parcelle cadastrée section I n° 298, laquelle avait fait l'objet d'un défrichement illégal en 2003, et qui est constituée de landes sèches à callune sous forêt de pins maritimes, avec un maquis à chêne liège, et qui est traversée par la partie supérieure d'un ruisseau temporaire méditerranéen ; qu'elle est située, d'une part en zone 1 du projet d'intérêt général de protection de la plaine des Maures, et dans le projet de réserve naturelle nationale de la plaine des Maures, créée par décret du 23 juin 2009, et d'autre part, s'agissant de Natura 2000, au sein d'une zone de protection spéciale " plaine des Maures " et dans un site d'intérêt communautaire " massif et plaine des Maures " ; qu'il ressort des cartes annexées aux documents d'objectifs Natura 2000 du site de la plaine des Maures, notamment les cartes des habitats d'intérêt communautaire, ainsi que celles annexées au rapport final du plan national d'actions en faveur de la tortue d'Hermann ainsi que des inventaires scientifiques réalisés par l'ONF, que, avant le défrichement, étaient présentes sur ladite parcelle deux habitats d'intérêt communautaire, la pinède dense de pins maritimes et le maquis à chêne liège, un habitat prioritaire, constitué par la partie supérieure du ruisseau temporaire et l'aira provincialis ou canche de Provence ainsi que l'orchidée la serapia neglecta, espèces végétales protégées par arrêté ministériel du 9 mai 1994 ; qu'en outre, une autre espèce végétale, l'isoetes durieui, a été repérée dans les mares temporaires qui se sont constituées sur le plateau ; qu'enfin, cette parcelle est située dans une zone d'importance majeure pour les tortues d'Hermann, espèce en danger, et protégée par un arrêté ministériel du 22 juillet 1993, par les conventions de Berne et de Washington et par la directive 92/43 du 21 mai 1992 ;
que cette espèce ne vit en France que dans le Var et en Corse, la protection de ces tortues étant au demeurant une des principales raisons de la création de la réserve naturelle nationale de la plaine des Maures ; que dès lors, le préfet du Var était fondé à procéder au retrait de l'autorisation tacite de défrichement portant sur 13 hectares et 22 ares et n'a pas commis d'erreur d'appréciation en limitant l'autorisation demandée à 5 hectares, au motif tiré de la protection d'un territoire présentant un intérêt remarquable en raison de la préservation des espèces animales et végétales précitées, et ce à supposer même que la densité des arbres présents était faible, en conséquence du défrichement illicite effectué ;
6. Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que la SAS Sovatram, exploitant un centre de traitement de déchets ménagers, a obtenu une autorisation de défrichement par arrêté préfectoral du 21 mars 2008 pour une parcelle proche géographiquement du terrain en litige, le défrichement ne portait que sur 3 hectares et 23 ares d'espace naturel, le reste de la parcelle étant artificialisé depuis plusieurs années ; qu'ainsi, alors même que ces deux terrains se situaient tous deux au sein de la zone Natura 2000 de la plaine des Maures, ils ne présentaient pas le même intérêt écologique ; qu'au surplus, l'autorisation du 21 mars 2008 a été accordée à titre dérogatoire, pour une activité d'intérêt public, et soumise à d'importantes mesures compensatoires ; que dans ces conditions, le moyen tiré de la violation du principe d'égalité des citoyens devant la loi doit donc être écarté ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le GFA Domaine de Caban n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse au GFA Domaine de Caban quelque somme que ce soit au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du GFA Domaine de Caban est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au GFA Domaine de Caban et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
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N° 11MA01927
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