Vu la requête, enregistrée le 14 avril 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 12MA01471, présentée pour la commune d'Eyragues, représentée par son maire en exercice, par Me Ibanez, avocat ;
La commune d'Eyragues demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001034 du 13 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 14 décembre 2009 par lequel son maire a procédé au retrait du permis de construire tacitement délivré à Mme D...B...en vue de l'édification d'un bâtiment agricole, sis chemin de Couderc, lieu-dit Plaine de Pechimbert ;
2°) de rejeter la demande de Mme D...B...devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de Mme D...B...une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 9 septembre 2013 désignant Mme Isabelle Buccafurri, présidente-assesseure de la 1ère chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Lilian Benoit, président de la 1ère chambre ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2013 :
- le rapport de Mme Simon, première conseillère,
- les conclusions de M. C...Revert, rapporteur public,
- et les observations de Me Ibanez pour la commune d'Eyragues et de Me A...pour Mme D...-B... ;
1. Considérant que, par arrêté du 14 décembre 2009, le maire de la commune d'Eyragues a refusé de délivrer à Mme D...B...un permis de construire portant sur l'édification d'un bâtiment agricole, d'une superficie de 163 m² de surface hors oeuvre nette (SHON), comprenant un hangar avec logement ouvrier incorporé, le tout sis chemin de Couderc, lieu-dit Plaine de Pechimbert, et classé en zone NC du plan d'occupation des sols de la commune ; que, par un jugement du 13 février 2012, le tribunal administratif de Marseille a annulé ledit arrêté en considérant qu'il constituait en réalité une décision de retrait du permis de construire tacitement délivré à la pétitionnaire ; que la commune d'Eyragues interjette appel de ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par MmeB... ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que les conclusions de la requête introductive d'instance de Mme B...enregistrée au greffe du tribunal le 17 février 2010 tendaient à l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2009 par laquelle le maire d'Eyragues a refusé de lui délivrer un permis de construire ; que, par un nouveau mémoire enregistré le 14 octobre 2011, elle a sollicité, à titre principal, l'annulation de " l'arrêté du 14 décembre 2009 portant retrait du permis de construire tacite du 10 décembre 2009 " et, à titre subsidiaire, l'annulation de " l'arrêté du 14 décembre 2009 rejetant sa demande de permis de construire " de refus et qu'il soit enjoint à la commune, le cas échéant, sous astreinte, de se prononcer sous quinzaine sur sa demande de permis ; que le tribunal a annulé l'arrêté querellé en considérant qu'il procédait au retrait du permis de construire tacitement délivré à Mme B...et a ainsi fait droit aux conclusions présentées à titre principal par la requérante ; que, dans ces conditions, les premiers juges n'avaient pas à se prononcer sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par celle-ci ; que, par suite, la circonstance qu'ils aient omis de viser les conclusions du mémoire du 14 octobre 2011 n'est pas de nature à entacher le jugement du 13 février 2012 d'un vice de forme ;
Sur la fin de non recevoir opposée à la demande de première instance par la commune d'Eyragues :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation. (...) " ; que Mme B...a joint à sa requête introductive d'instance une copie intégrale de l'arrêté querellé du 14 décembre 2009 ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée en appel par l'appelante à la demande de Mme B...doit être écartée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales.(...) ; et qu'aux termes de l'article 1er de cette loi : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) retirent ou abrogent une décision créatrice de droits " ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 423-19 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet " ; qu'aux termes de l'article R. 423-22 du même code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41 " ; que l'article R. 423-41 du même code prévoit : " Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d'un mois prévu à l'article R. 423-38 n'a pas pour effet de modifier les délais d'instruction définis aux articles R. 423-23 à R. 423-37 et notifiés dans les conditions prévues par les articles R. 423-42 à R. 423-49 " ; qu'aux termes de l'article R. 423-46 : " Les notifications et courriers prévus par les sous-sections 1 et 2 ci-dessus sont adressés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, par courrier électronique. " ; qu'aux termes de l'article L. 424-2 du même code: " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. (...) " ; que l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme dispose enfin que : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a déposé sa demande de permis de construire le 10 août 2009 et qu'il lui a été indiqué à cette occasion que le délai d'instruction était de trois mois sauf si dans le mois qui suit le dépôt de la demande l'administration indiquait que des pièces étaient manquantes ; que, par un courrier en date du 8 septembre 2009, le maire d'Eyragues a sollicité de la pétitionnaire la production de plusieurs pièces complémentaires et a fixé une nouveau délai d'instruction ; que, toutefois, si la pétitionnaire qui a déposé lesdites pièces le 23 septembre 2009 a eu de ce fait nécessairement connaissance de la lettre du 8 septembre 2009, il n'est pas établi, en l'absence d'envoi de cette lettre avec accusé réception ou en l'absence d'un récépissé de réception, qu'elle en a eu notification dans le délai d'un mois à compter du dépôt de sa demande de permis de construire, soit avant le 10 septembre 2009 ; que, par suite, en application de l'article R. 423-41 du code de l'urbanisme précité, le délai d'instruction n'ayant pas été interrompu, Mme B...était bénéficiaire le 10 novembre 2009 ainsi que l'a jugé le tribunal d'un permis de construire tacite ; que la commune ne peut utilement se prévaloir du fait que la pétitionnaire n'a pas contesté dans le délai de recours contentieux la légalité de la décision du 8 septembre 2009 fixant un nouveau délai d'instruction, laquelle a été prise alors que le délai initial d'instruction de trois mois n'était pas parvenu à expiration, dans la mesure où l'intéressée est recevable à en contester la légalité par la voie de l'exception dans le cadre de la présente instance dirigée contre le retrait de permis de construire dés lors que ces deux décisions relèvent de la même opération administrative ; que, dans ces conditions, en refusant à Mme B...par l'arrêté litigieux le permis sollicité, le maire d'Eyragues a en fait retiré ce permis tacite ;
7. Considérant qu'une décision de retrait est au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 précitée et, par suite, être précédée de la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 précitée ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'édiction de l'arrêté du 14 décembre 2009 n'a pas été précédée du respect de cette procédure laquelle constitue une garantie pour l'intéressée ; qu'ainsi, l'arrêté querellé a été pris à la suite d'une procédure irrégulière et est, dès lors, entaché d'illégalité pour ce motif ; que la commune ne peut utilement soutenir qu'elle était tenue de refuser le permis sollicité dés lors que la décision querellée s'analyse, comme il a été dit précédemment, non comme un refus de délivrance d'un permis de construire mais comme un retrait qu'elle n'était pas tenue de prendre faute d'avoir été saisie d'une demande en ce sens ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Eyragues n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 14 décembre 2009 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que MmeB..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la commune d'Eyragues la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ladite commune une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune d'Eyragues est rejetée.
Article 2 : La commune d'Eyragues versera à Mme B...une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Eyragues et à Mme D...B....
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