Vu la requête, enregistrée le 21 juin, présentée par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0803516 du 25 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a déchargé M. et Mme D...B..., en droits et pénalités, de la taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité, au titre des années 2003 et 2004 ;
2°) de remettre à la charge de M. et MmeB..., au titre des années 2003 et 2004, les droits et pénalités afférents à la taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2014,
- le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
1. Considérant que M. et Mme B...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2003 et 2004 ; qu'à l'issue de ce contrôle, ils ont été assujettis à un rappel de la taxe sur les ventes de bijoux, d'objets d'art, de collection et d'antiquité, en raison de la vente par M.B..., durant ces deux années, de véhicules de compétition anciens ; que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat relève appel du jugement, en date du 25 mars 2011, par lequel le tribunal administratif de Nice a accordé à M. et Mme B...la décharge, en droits et pénalités, de ladite taxe forfaitaire au titre des années 2003 et 2004 ;
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Considérant, d'une part, que l'article 7 de la convention fiscale, conclue le 18 mai 1963 entre la France et la Principauté de Monaco, stipule que " I- Les personnes physiques de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 seront assujetties en France à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France " ; qu'il résulte de ces stipulations que les personnes physiques de nationalité française sont assujetties en France aux impositions qu'elles mentionnent dans les mêmes conditions que si ces personnes avaient leur domicile ou leur résidence, soit lorsqu'elles transportent à Monaco leur domicile ou leur résidence, soit lorsqu'elles n'ont pu justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962, ce qui est le cas si elles sont nées à Monaco après la date marquant le point de départ de cette période de cinq ans ; qu'après la suppression de la taxe complémentaire par l'article 5 de la loi du 24 décembre 1969, l'article 2-I de la loi du 21 décembre 1970 a prévu que l'impôt sur le revenu des personnes physiques prendrait le nom d'impôt sur le revenu ; qu'il en résulte que c'est pour ce seul impôt que la France trouve dans l'article 7 précité le droit d'imposer ceux de ses nationaux qui ont transporté à Monaco leur domicile ou leur résidence ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 150 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Sous réserve des dispositions particulières qui sont propres aux bénéfices professionnels (...), les ventes de bijoux, d'objets d'art, de collection et d'antiquité sont soumises à une taxe de 4,5 % lorsque leur montant excède 3 050 euros ; dans le cas où ce montant est compris entre 3 050 euros et 4 600 euros, la base d'imposition est réduite d'un montant égal à la différence entre 4 600 euros et ledit montant... " ; et qu'aux termes de l'article 150 V sexies du même code, alors en vigueur : " Le vendeur des bijoux et objets mentionnés au deuxième alinéa du I de l'article 150 V bis peut opter, par une déclaration faite au moment de la vente, pour le régime défini aux articles 150 A à 150 T sous réserve qu'il puisse justifier de la date et du prix d'acquisition. Les conditions de l'option sont fixées par décret en Conseil d'Etat. " ; et qu'aux termes de l'article 150 UA dudit code : " I. - Sous réserve des dispositions de l'article 150 V bis et de celles qui sont propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de biens meubles ou de droits relatifs à ces biens, par des personnes physiques, domiciliées en France au sens de l'article 4 B, ou des sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 quinquies dont le siège est situé en France, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. II. - Les dispositions du I ne s'appliquent pas : 1° Sous réserve des dispositions de l'article 150 V sexies, aux meubles meublants, aux appareils ménagers et aux voitures automobiles qui ne constituent pas des objets d'art, de collection ou d'antiquité ; 2° Aux meubles dont le prix de cession est inférieur ou égal à 5 000 Euros. " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées, anciennement codifiées aux articles 302 bis A et 302 bis E du code général des impôts et issues de la loi du 19 juillet 1976 portant imposition des plus-values et création d'une taxe forfaitaire sur les métaux précieux, que les ventes autres que celles effectuées dans l'exercice d'une activité commerciale professionnelle, de métaux précieux, de bijoux, d'objets d'art, de collection et d'antiquité sont, à moins d'une option du vendeur pour le régime d'imposition des plus-values de cession défini aux articles 150 A à 150 T, soumises à une taxe qui, lorsqu'un intermédiaire participe à la transaction, doit être versée par celui-ci ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...a vendu, à Monaco, le 20 janvier 2003, trois véhicules Porsche RS 60 (1960) Porsche 906 (1966) Porsche 908 (1969) à la société américaine Blue Square pour un prix global de 610 000 dollars ; qu'il a également vendu à cette même société, le 11 février 2003, un autre véhicule Porsche 356 A 1600 Carrera GT (1959), pour 35 000 dollars, et le 19 novembre 2004 une Porsche 917 (1970) au prix de 300 000 dollars ; qu'enfin, il a vendu le 12 février 2003 un véhicule Gordini 1946 pour 115 000 euros à M.C... ; que ces six véhicules ont été considérés par l'administration comme des véhicules de collection, dont la vente était soumise à la taxe forfaitaire sur les ventes de bijoux, d'objets d'art, de collection et d'antiquité, M. B...ne remplissant pas les conditions pour opter pour le régime d'imposition des plus-values de cession ; que M.B..., résidant en Principauté de Monaco durant les années 2003 et 2004, a contesté être redevable de cette taxe, en estimant qu'elle n'était pas applicable aux ressortissants français résidant à Monaco ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles 150 V bis à 150 V sexies du code général des impôts que la taxe sur les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité constitue une modalité particulière d'imposition de la plus-value réalisée lors de la vente de biens qu'elle concerne, que le contribuable ait ou non exercé le droit d'option, prévue à l'article 150 V sexies du code général des impôts, pour le régime des plus-values défini aux articles 150 A à 150 T du même code ; que, de ce fait, elle ne peut être regardée comme une imposition distincte de l'impôt sur le revenu ; qu'il suit de là que les stipulations susmentionnées de la convention franco-monégasque justifient que les nationaux français ayant transporté à Monaco leur domicile ou leur résidence soient soumis à cette taxe ; que, dès lors, l'administration était fondée à en réclamer le paiement à M.B..., en raison de la vente des véhicules de collection précités ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont prononcé, pour le motif tiré de l'absence de base légale de l'assujettissement des Français résidant à Monaco à la taxe sur les ventes d'objet d'art, de collection ou d'antiquité, la décharge des impositions en litige ;
7. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B...tant devant le tribunal administratif qu'en appel ;
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations de manière utile ;
9. Considérant qu'il résulte de l'examen de la proposition de rectification en date du 14 juin 2006 que, s'agissant de la taxe sur les ventes d'objets d'art, de collection ou d'antiquité, outre l'indication des textes applicables, soit les articles 150 V bis à V sexies, 1600 K du code général des impôts et 74 S ter de l'annexe II au code général des impôts, elle comporte l'ensemble des faits ayant conduit le service à faire supporter à M. B...ladite taxe ; qu'elle mentionne en particulier que l'option pour la taxation de la plus-value n'était pas valable pour la vente à la société Blue Square de quatre véhicules Porsche les 20 janvier et 11 février 2003 au motif que les factures ont été établies par un commerçant résidant aux Etats Unis, ce qui ne permettait pas d'établir le prix d'achat de manière suffisamment probante ; que, contrairement à ce qui est soutenu, le fondement textuel de l'impossibilité de recourir à cette option, en l'espèce l'article 74 S ter de l'annexe II au code général des impôts, avait bien été visé ; que par suite, la motivation de la proposition de rectification adressée aux requérants répondait aux exigences fixées par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
10. Considérant, en second lieu, que M. et Mme B...font valoir que l'administration aurait illégalement fondé les impositions litigieuses sur une instruction n° 131 du 4 août 2006, dont les indications seraient contraires aux stipulations de l'article 7 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 ; que toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le service aurait entendu fonder l'imposition en litige sur cette doctrine, laquelle est au demeurant postérieure aux années concernées par les rappels de taxe, et non sur la loi et la convention franco-monégasque ;
11. Considérant, en troisième lieu, que des objets peuvent être qualifiés d'objets de collection, au sens des dispositions précitées de l'article 150 V bis du code général des impôts, s'ils répondent à un certain nombre de critères, parmi lesquels peuvent figurer leur intérêt artistique ou historique, ou encore leur ancienneté, leur prix quand il excède sensiblement la valeur du bien destiné à un usage courant, ou encore l'arrêt de la fabrication du bien ; qu'en l'espèce, M. B...a lui même retenu la qualification d'automobile de collection dans la déclaration d'option pour le régime de taxation des plus-values qu'il a effectué pour la vente du véhicule Porsche 917 de 1970 ainsi que dans la facture de vente du 12 février 2003 du véhicule Gordini de 1946 ; que les quatre autres véhicules Porsche, fabriqués en 1959, 1960, 1966 et 1969, doivent également être regardés comme étant des véhicules de collection, eu égard à leur âge, leur prix, ainsi qu'à l'arrêt de la fabrication de ces modèles ; que par suite, M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le service a qualifié ces véhicules de véhicules de collection ; que les requérants ne peuvent pas non plus se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine 8M 2-06 concernant la qualification des objets de collection, dès lors qu'elle ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait ici application ;
12. Considérant, en quatrième lieu, que M. et Mme B...font valoir qu'ils ont régulièrement exercé l'option pour la taxation de la plus-value prévue à l'article 150 sexies du code général des impôts, s'agissant du véhicule Porsche 917 vendu à la société Blue Square le 9 novembre 2004 ; que toutefois, si les requérants produisent une déclaration d'option 2048 M-A..., non datée, ils ne justifient pas de la date de réception de cet envoi par un accusé de réception postale ou tout autre document comportant date certaine permettant d'établir qu'ils auraient souscrit cette option en temps utile, alors que l'administration soutient qu'elle n'a jamais reçu une telle déclaration ; qu'en tout état de cause, en application des dispositions de l'article 74 S ter de l'annexe II du code général des impôts, M. B...ne pouvait exercer l'option pour la taxation de la plus-value pour ce véhicule, dès lors qu'il a été acheté à un commerçant ne résidant pas en France ;
13. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts, dans sa version applicable jusqu'au 31 décembre 2005 : " le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F. Le taux de l'intérêt de retard est de 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. " ;
14. Considérant que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et de payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution du taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; qu'en outre, si le taux de l'intérêt de retard a été ramené à 0,40 % par mois à compter du 1er janvier 2006, par l'ordonnance n°2005-1512 du 7 décembre 2005, l'ancien taux de 0,75 % est demeuré applicable pour les intérêts courus jusqu'au 31 décembre 2005 ; qu'en l'espèce, contrairement à ce qui est soutenu, l'administration a donc pu à bon droit retenir, pour le décompte de l'intérêt de retard dû par M. et MmeB..., un taux mensuel de 0,75 % pour la période antérieure au 1er janvier 2006 ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à demander, d'une part, l'annulation du jugement en date du 25 mars 2011 du tribunal administratif de Nice et, d'autre part, que soit remise à la charge de M. et Mme B...la somme correspondant au rappel de la taxe sur les ventes de bijoux, d'objets d'art, de collection et d'antiquité, en droits et pénalités, dont le tribunal avait prononcé la décharge ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. et Mme B...quelque somme que ce soit au titre des frais qu'il ont exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 25 mars 2011 est annulé.
Article 2 : La somme correspondant, en droits et pénalités, au rappel de la taxe sur les ventes de bijoux, d'objets d'art, de collection et d'antiquité, auquel M. et Mme B...ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004, est remise à la charge de M. et MmeB....
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...B...et au ministre de l'économie et des finances.
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N° 11MA02403 2
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