Vu la requête, enregistrée le 1er juin 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le numéro 12MA02180, présentée pour la SCI l'Abadie, dont le siège est au chemin de l'Abadie à Saint-Etienne-les-Orgues (04230), par la SCP d'Avocats Ibanez - Allam - Filliol - Abbou ; la SCI l'Abadie demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101856 du 2 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 11 janvier 2011 du maire de Saint-Etienne-les-Orgues opposant un sursis à statuer sur sa demande de permis de construire déposée le 15 octobre 2010 en vue de la réhabilitation d'un immeuble existant sis place de la fontaine ronde ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne-les-Orgues une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le jugement est irrégulier faute d'avoir répondu au moyen tiré d'une erreur de droit dans la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme ; que la décision contestée méconnait les dispositions des articles R. 424-9 et A. 424-7 du code de l'urbanisme en ce qu'elle n'indique pas le délai dans lequel le demandeur pourra confirmer sa demande ; que le projet en cause porte sur une maison individuelle contrairement à ce qu'a retenu le premier juge ; qu'elle disposait ainsi d'un permis de construire tacite à compter du 16 décembre 2010 ; que la décision querellée doit dès lors s'analyser comme un retrait de permis ; que le maire devait ainsi l'inviter à présenter ses observations en application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme ; qu'en effet l'état d'avancement du PLU était insuffisant et le projet en cause est dépourvu d'incidences sur l'exécution du futur PLU ; qu'en outre le choix de la commune de construire des logements sociaux sur cette parcelle n'est pas opportun ; que le tribunal ne pouvait juger qu'un projet de construction qui entre en contradiction avec un futur PLU dont l'état est suffisamment avancé implique nécessairement qu'il soit de nature à faire obstacle à ce PLU ; que l'institution d'un emplacement réservé ne permet pas de surseoir à statuer sur une demande de permis de construire ;
Vu le courrier du 5 novembre 2013 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2013 au greffe de la Cour, présenté pour la commune de Saint-Etienne-les-Orgues, représentée par son maire en exercice, par MeA..., qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SCI l'Abadie à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que le premier juge n'a pas entaché son jugement d'omission à statuer ; que l'absence de mention du délai de réitération n'a pas pour conséquence de rendre illégal l'arrêté contesté ; que le délai prévu par l'article R. 423-23 b) du code de l'urbanisme ne trouvant pas à s'appliquer en l'espèce, la SCI l'Abadie ne saurait se prévaloir d'un permis de construire tacite ; que le projet de PLU était suffisamment avancé ; que le projet en cause est susceptible de compromettre l'exécution du futur PLU : que le moyen tiré dune erreur de droit ne saurait être accueilli, l'appelante ajoutant une condition à la loi ;
Vu l'ordonnance en date du 19 décembre 2013 du magistrat-rapporteur portant clôture d'instruction immédiate ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2014 :
- le rapport de M. Salvage, premier-conseiller,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la commune de Saint-Etienne-les-Orgues,
1. Considérant que par le jugement contesté du 2 avril 2012 le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de la SCI l'Abadie dirigée contre la décision en date du 11 janvier 2011 du maire de Saint-Etienne-les-Orgues opposant un sursis à statuer sur sa demande de permis de construire déposée le 15 octobre 2010 en vue de la réhabilitation d'un immeuble existant sis place de la Fontaine Ronde ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Marseille le 15 mars 2012, la SCI l'Abadie a expressément soulevé un nouveau moyen, tiré d'une erreur de droit dans la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, l'administration ne pouvant se prévaloir dans ce cadre d'un futur emplacement réservé, distinct du moyen tiré de l'erreur d'appréciation qui était divisé en deux branches se rapportant d'une part à l'état d'avancement du projet de plan local d'urbanisme, d'autre part à l'absence d'incidences du projet en cause sur l'exécution de ce dernier ; que les premiers juges ont répondu à ce dernier moyen pris en ses deux branches mais pas au nouveau moyen qu'ils n'ont d'ailleurs pas visé dans leur jugement ; que l'appelante est ainsi fondée à soutenir que le jugement contesté est entaché d'irrégularité et à demander son annulation ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCI l'Abadie devant le tribunal administratif de Marseille ;
Sur la légalité de la décision contestée :
4. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 423-22 du code de l'urbanisme : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41 " ; que selon les dispositions de l'articles R. 423-38 du même code : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un courrier électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes (...) ; qu'aux termes de l'article R. 423-41 : " Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d'un mois prévu à l'article R. 423-38 n'a pas pour effet de modifier les délais d'instruction définis aux articles R. 423-23 à R. 423-37 et notifiés dans les conditions prévues par les articles R. 423-42 à R. 423-49 " ;
5. Considérant que si la commune de Saint-Etienne-les-Orgues a demandé à la SCI l'Abadie par un courrier du 15 décembre 2010, qui lui a été notifié le 27 décembre, la production de pièces manquantes, consistant d'ailleurs en un simple renseignement complémentaire, cette demande est intervenue plus d'un mois après la réception du dossier de permis de construire 2010 et n'a donc pas eu pour effet de modifier le délai d'instruction ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun est de : /a) Un mois pour les déclarations préalables ; /b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; /c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. " ; que selon les dispositions de l'art L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation : " Toute personne qui se charge de la construction d'un immeuble à usage d'habitation ou d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage d'après un plan qu'elle a proposé ou fait proposer doit conclure avec le maître de l'ouvrage un contrat soumis aux dispositions de l'article L. 231-2 " ;
7. Considérant qu'au sens et pour l'application de ces dispositions, l'usage professionnel doit s'entendre comme excluant les professions commerciales, dont le régime ne relève pas du contrat de construction ; que le projet en cause porte sur la réhabilitation d'un immeuble existant en conservant sa destination mixte initiale, soit un seul logement aux étages et un commerce en rez-de-chaussée ; que le délai d'instruction était ainsi de trois mois, et à la date du 15 décembre 2010 la SCI Labadie ne saurait ainsi être regardée comme titulaire d'un permis de construire tacite, que le maire aurait retiré par la décision contestée ; que la décision litigieuse ne pouvant ainsi être regardée comme une décision de retrait d'une décision favorable, il s'ensuit que le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, en vertu desquelles les décisions individuelles qui doivent être motivées n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, orales, est inopérant ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 424-8 du code de l'urbanisme : " En cas de sursis à statuer, la décision indique en outre la durée du sursis et le délai dans lequel le demandeur pourra, en application du quatrième alinéa de l'article L. 111-8, confirmer sa demande. / En l'absence d'une telle indication, aucun délai n'est opposable au demandeur " ;
9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'absence de mention des délais dans la décision de surseoir a pour seul effet de rendre celui-ci inopposable et n'est pas de nature à en affecter la légalité ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'urbanisme : " Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus par les articles L. 111-9 et L. 111-10 du présent titre, ainsi que par les articles L. 123-6 (dernier alinéa), L. 311-2 et L. 313-2 (alinéa 2) du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement " ; que selon les dispositions de l'article L. 123-6 du même code : " (...) A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan " ;
11. Considérant que la SCI l'Abadie soutient qu'aucune des conditions de mise en oeuvre du sursis à statuer n'était remplie en l'espèce ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, le plan local d'urbanisme a été prescrit le 27 juin 2008, que le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durable a eu lieu le 29 juin 2010, qu'un projet de rapport de présentation très détaillé était établi dès le 25 janvier 2010, et qu'un document de travail du 5 octobre 2010, intitulé 1ère ébauche de zonage, faisait apparaître notamment l'emplacement réservé devant grever le terrain de l'opération, ainsi que sa destination précise, de même que la seconde proposition de zonage en date du 9 novembre 2010 et un tableau des emplacements réservés de janvier 2011 ; que l'état d'avancement du projet était ainsi suffisant pour permettre au maire de prendre la décision en litige ;
12. Considérant, d'autre part, que l'instauration d'un emplacement réservé a notamment pour conséquence d'interdire toute utilisation ou occupation du sol qui ne serait pas conforme à sa destination ; que l'emplacement en cause prévoit la création de salles des associations et de logements sociaux ; que le projet de la SCI l'Abadie n'est pas conforme à cette destination ; qu'il n'appartient pas au juge, dans le cadre du présent litige de se prononcer sur l'opportunité d'un tel emplacement réservé ; que, par suite, le maire de la commune de Saint-Etienne-les-Orgues a pu, sans erreur de droit, estimer que la construction litigieuse était de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme ;
13. Considérant, en quatrième lieu, que la SCI l'Abadie soutient que le maire ne pouvait légalement prononcer un sursis à statuer en se prévalant de l'existence d'un futur emplacement réservé dans le PLU, celui-ci ne pouvant tenir lieu de l'acte décidant la prise en considération d'un projet de travaux publics et délimitant les terrains affectés par ce projet ; que toutefois aucune disposition applicable en l'espèce ne s'oppose à ce que la maire prenne compte de toutes les prévisions du futur PLU, y compris des orientations du plan d'aménagement et de développement durable, et donc des emplacements réservés projetés ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que la SCI l'Abadie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI l'Abadie le versement de la somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Etienne-les-Orgues au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce que cette dernière, qui n'est pas la partie perdante, verse à la SCI l'Abadie quelque somme que ce soit au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête présentée par la SCI l'Abadie est rejetée.
Article 2 : La SCI l'Abadie versera une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à la commune de Saint-Etienne-les-Orgues au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI l'Abadie et à la commune de Saint-Etienne-les-Orgues.
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N° 12MA02180
CB