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27/05/2014 | FRANCE | N°12MA02302

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 27 mai 2014, 12MA02302


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 juin 2012 sous le n° 12MA02302, présentée par MeB..., pour Mme C...A..., demeurant... ;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement rendu le 5 avril 2012 par le tribunal administratif de Marseille sous le n° 1005100-1101043 en tant que ce jugement n'a que partiellement fait droit à sa demande, enregistrée sous le n° 1101043, tendant à la condamnation de l'État à lui verser une indemnité de 30 864,73 euros en réparation de divers préjudices qu'elle estime avoir subis ;

2°) de condamner l'État

à lui verser une indemnité totale de 30 864,73 euros ;

3°) de mettre à la charge ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 juin 2012 sous le n° 12MA02302, présentée par MeB..., pour Mme C...A..., demeurant... ;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement rendu le 5 avril 2012 par le tribunal administratif de Marseille sous le n° 1005100-1101043 en tant que ce jugement n'a que partiellement fait droit à sa demande, enregistrée sous le n° 1101043, tendant à la condamnation de l'État à lui verser une indemnité de 30 864,73 euros en réparation de divers préjudices qu'elle estime avoir subis ;

2°) de condamner l'État à lui verser une indemnité totale de 30 864,73 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi modifiée n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi modifiée n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

Vu la loi modifiée n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 86-487 du 14 mars 1986 relatif au recrutement et à la formation des instituteurs ;

Vu le code des pensions civiles et militaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2014 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public ;

1. Considérant que par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 1005100, MmeA..., professeur des écoles, a demandé l'annulation des décisions en date des 8 juillet et 6 juillet 2010 par lesquelles le ministre de l'éducation nationale et l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale des Bouches-du-Rhône, ont refusé de lui accorder le bénéfice d'une pension avec jouissance immédiate à l'âge de cinquante-cinq ans, et que, par une requête enregistrée au greffe du même tribunal sous le n° 1101043, elle a demandé la réparation des conséquences dommageables de l'illégalité fautive de ces décisions, ainsi que du comportement fautif de son administration qui lui aurait communiqué des renseignements erronés relatifs à son départ à la retraite ; qu'après avoir joint ces deux requêtes, par un jugement rendu le 5 avril 2012 sous le n° 1005100-1101043, le tribunal, d'une part et dans la première instance n° 1005100, a rejeté les conclusions de Mme A...à fin d'annulation des décisions susmentionnées, d'autre part et dans la première instance n° 1101043, a alloué à celle-ci une indemnité de 2 000 euros ; que le président de la Cour de céans ayant renvoyé devant le Conseil d'Etat les conclusions de Mme A... en tant qu'elles étaient dirigées contre le jugement n° 1005100, il reste pour la Cour à juger les conclusions de Mme A...en tant qu'elles sont dirigées contre le jugement n° 1101043, Mme A...soutenant que le tribunal aurait sous-estimé son indemnisation en ne lui allouant que 2 000 euros et réclamant la somme totale de 30 864,73 euros ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la légalité des décisions des 8 juin 2010 et 6 juillet 2010 :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A...a été maître-nageur titulaire de la ville de Marseille du 1er janvier 1978 au 12 février 1989 ; qu'inscrite sur la liste d'aptitude des élèves-institutrices au titre de la promotion 1988, elle a effectué une scolarité de près de deux années avant d'être titularisée comme institutrice le 1er septembre 1991 ; qu'elle a intégré le corps des professeurs des écoles treize années plus tard, à sa demande, le 1er septembre 2004 ; que née en juin 1954, elle a sollicité le bénéfice de la jouissance immédiate de sa pension de retraite à l'âge de cinquante-cinq ans, ce qui lui a été refusé par les décisions en date des 8 juin 2010 et 6 juillet 2010 susmentionnées ;

3. Considérant que Mme A...invoque l'illégalité fautive de ces deux décisions, en soutenant que le décompte de ses années de service actif effectué par son administration serait erroné, notamment du fait d'une confusion entre la position de détachement et la position de disponibilité pour convenance personnelle, et qu'elle justifierait bien de quinze années de service actifs ou de catégorie B au sens de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite aux termes duquel : " I.- La jouissance de la pension civile est immédiate : 1° Pour les fonctionnaires civils (...) qui ont atteint à la date de radiation des cadres, l'âge de soixante ans ou, s'ils ont accompli au moins quinze ans de services actifs ou de la catégorie B, l'âge de cinquante-cinq ans. Sont rangés dans la catégorie B, les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. La nomenclature en est établie par décrets en Conseil d'Etat. " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que si Mme A...a été placée, par arrêté du maire de Marseille en date du 31 janvier 1989, en position de disponibilité pour convenance personnelle pour une durée d'un an à compter du 12 février 1989, toutefois, elle a été installée le 10 avril 1989 en qualité d'élève-institutrice en étant, à cette date, détachée de son corps d'origine de la fonction publique territoriale, afin d'effectuer son stage préalable à sa titularisation ; qu'en effet, en vertu de l'article 11 du décret du 14 mars 1986 relatif au recrutement et à la formation des instituteurs, les candidats reçus qui possèdent la qualité de fonctionnaire titulaire de l'État et des collectivités territoriales ou de militaire sont placés en position de détachement pendant la durée de leur scolarité à l'école normale ; qu'à cette fin, le maire de Marseille, par arrêté du 13 novembre 1989, a mis fin rétroactivement à la position de disponibilité pour convenance personnelle de l'intéressée, en la réintégrant pour ordre à compter du 10 avril 1989, pour la placer en position de service détaché auprès des services départementaux de l'éducation nationale ; qu'il s'ensuit que l'administration scolaire n'a commis aucune confusion en estimant que l'appelante était en position de détachement à compter du 10 avril 1989 ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 65 de la loi statutaire susvisée du 26 janvier 1984, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire détaché ne peut, sauf dans le cas où le détachement a été prononcé auprès d'organismes internationaux ou pour exercer une fonction publique élective, être affilié au régime de retraite dont relève la fonction de détachement, ni acquérir, à ce titre, des droits quelconques à pensions ou allocations, sous peine de la suspension de la pension de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Il reste tributaire de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et effectue les versements fixés par le règlement de cette caisse sur le traitement afférent à son grade et à son échelon dans le service dont il est détaché " ; qu'aux termes de l'article R. 35 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Les services rendus par les agents qui, terminant leur carrière au service de l'État, ont auparavant relevé du régime de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et des administrations mentionnées aux 3° et 5° de l'article L. 5 sont toujours réputés accomplis dans la catégorie sédentaire. " ; et qu'aux termes de l'article L. 73 du même code : " (...) les avantages spéciaux attachés à l'accomplissement de services actifs ou de la catégorie B sont maintenus en faveur des fonctionnaires détachés dans un emploi classé dans cette catégorie pour exercer des fonctions de même nature que celles assumées dans le cadre d'origine (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 65 précité que, pendant sa scolarité à l'école normale, MmeA..., alors toujours agent titulaire de la fonction publique territoriale détaché auprès de l'éducation nationale comme élève-institutrice, a continué de relever du régime de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), jusqu'à sa titularisation dans le corps des instituteurs le 1er septembre 1991 ; que, dès lors, en application de l'article R. 35 du code des pensions civiles et militaires de l'État, les services effectués pendant cette période doivent être classés dans la catégorie sédentaire ; que relèvent de la même catégorie les services assurés par l'intéressée comme maître-nageur de la ville de Marseille, avant son détachement, et qu'il s'ensuit que Mme A...ne peut être regardée comme remplissant les conditions posées par l'article L. 73 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les deux années de formation passées par Mme A...à l'école normale d'instituteurs ne peuvent être comptabilisées comme des années de service actif ou de catégorie B, au sens de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'ainsi, l'administration scolaire n'a commis aucune faute en estimant, par les décisions en date des 8 juin 2010 et 6 juillet 2010 susmentionnées, que l'intéressée, titularisée en qualité d'institutrice le 1er septembre 1991 puis nommée dans le corps des professeurs des écoles le 1er septembre 2004, ne justifiait que de treize années de service actif ou de catégorie B, au sens de cet article L. 24, et non quinze comme elle le soutient ; qu'il s'ensuit que l'administration scolaire n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en refusant en 2010 à l'intéressée le bénéfice de la jouissance immédiate de sa pension à l'âge de 55 ans ;

En ce qui concerne les autres agissements fautifs allégués :

8. Considérant, en premier lieu, que Mme A...soutient qu'avant son choix d'être d'intégrée dans le corps des professeurs des écoles, l'administration scolaire lui aurait indiqué que sa période de deux années de stage à l'école normale pouvait être comptabilisée dans le calcul des quinze années de service actif ou de catégorie B au sens de l'article L. 24 précité, que ce serait en raison de cette information erronée qu'elle aurait choisi son intégration dans ledit corps des professeurs des écoles dès le 1er septembre 2004 et qu'elle aurait, sinon, attendu une telle intégration au 1er septembre 2006 seulement ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'appelante n'apporte aucun élément de nature à établir qu'une telle information erronée lui aurait été communiquée avant l'année 2004, soit par écrit, notamment dans ses états de service, soit même oralement ; qu'en particulier, si elle soutient qu'elle aurait reçu un décompte erroné en 1996, elle ne le démontre pas ; qu'elle n'est donc pas fondée à demander l'engagement de la responsabilité de l'administration sur ce point ;

9. Considérant, en revanche et en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que le dossier d'examen des droits à pension de MmeA..., établi le 24 juin 2008 par l'inspection d'académie des Bouches-du-Rhône et approuvé par le service des pensions du ministère de l'éducation nationale, comporte un décompte de ses services jusqu'au 18 avril 2007, soit 27 ans et 10 mois , dont 15 ans et 4 mois en service actif en qualité d'institutrice, incluant ainsi à tort les deux années de stage de l'intéressée à l'école normale ; que l'information erronée figurant sur ce document officiel constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration scolaire ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est seulement fondée à réclamer la réparation des conséquences dommageables de la faute administrative ayant consisté à lui avoir communiqué, en juin 2008, des informations erronées sur ses droits à pension, et notamment sur la possibilité qu'elle aurait eu alors de bénéficier d'une jouissance immédiate ;

Sur la réparation :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite du renseignement erroné qui lui a été communiqué en juin 2008, lui indiquant qu'elle pouvait partir à la retraite à l'âge de 55 ans, soit dès le mois de juin 2009, MmeA..., née en juin 1954, a sollicité son départ à la retraite pour l'été 2010, à l'âge, donc, de 56 ans ; que les décisions susmentionnées des 8 juin 2010 et 6 juillet 2010, qui lui ont refusé cette admission, ont présenté pour l'intéressée un caractère soudain alors qu'elle s'était préparée à son départ à la retraite et avait organisé à cette fin sa vie personnelle et familiale, pensant notamment, et alors légitimement, pouvoir garder son petit-fils ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que si Mme A...soutient en outre que la remise en cause de ses attentes aurait provoqué une grave dépression nerveuse ayant nécessité une hospitalisation, aucun élément versé au dossier ne permet d'établir un lien de causalité suffisamment direct et certain entre l'illégalité fautive retenue par le présent arrêt et l'état de santé de l'intéressée, en l'absence notamment de renseignements précis sur cet état de santé avant le mois de juin 2010 ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme A...soutient enfin qu'elle avait organisé son départ à la retraite par un "pot de départ" d'un coût total de 864,73 euros dont elle demande le remboursement ; que toutefois, ainsi que l'a estimé le tribunal, ce "pot de départ" relève de sa seule initiative, notamment en ce qui concerne le montant de son coût, et ne peut donc être regardé comme étant la conséquence directe de la faute commise par l'État ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, eu égard notamment à la brusque mise en cause des attentes de MmeA..., qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en lui allouant les sommes de 2 000 euros au titre de son préjudice moral et de 2 000 euros au titre ses troubles dans les conditions d'existence ; qu'il y a donc lieu pour la Cour de réformer le jugement attaqué sur ce point en portant le montant de la condamnation prononcée à hauteur de 4 000 euros ; que le surplus des conclusions indemnitaires de l'appelante doit en revanche être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État (ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche) la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par

MmeA... ;

DECIDE :

Article 1er : Le montant de 2 000 € (deux mille euros) de la condamnation indemnitaire prononcée par l'article 2 du jugement attaqué est porté à la somme totale de

4 000 € (quatre mille euros).

Article 2 : Le jugement attaqué rendu le 5 avril 2012 par le tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'État (ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche) versera à Mme A...la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 12MA02302 de Mme A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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N° 12MA023022


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA02302
Date de la décision : 27/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT - SEMERIVA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-05-27;12ma02302 ?
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