Vu, I, enregistrée le 5 juin 2012 sous le n° 12MA02279, la requête présentée pour M. A... D..., demeurant..., par Me B...C... ; M. D...demande à la Cour :
* d'annuler le jugement n° 1103054 rendu le 24 avril 2012 par le tribunal administratif de Marseille ;
* d'annuler l'arrêté en date du 1er avril 2011 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour ;
* d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de régulariser sa situation ;
* de mettre à la charge de l'Etat le paiement des entiers dépens ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, II, enregistrée le 6 août 2013, sous le n° 13MA03306 la requête présentée pour M. A... D..., demeurant..., par Me B...C... ; M. D...demande à la Cour :
* d'annuler le jugement n° 1304982 rendu le 2 août 2013 par le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille ;
* d'annuler l'arrêté en date du 30 juillet 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai ;
* d'annuler l'arrêté en date du 30 juillet 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a assigné à résidence ;
* de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le paiement des entiers dépens ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord du 9 octobre 1987 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu le décret n° 2011-1950 du 23 décembre 2011 modifiant le code de justice administrative, notamment les dispositions de ses articles 1er à 11 relatives à la dispense de conclusions du rapporteur public et au déroulement de l'audience ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2014 :
- le rapport de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur ;
1. Considérant que M.D..., de nationalité marocaine, est entré pour la première fois en France en 2005 et a été recruté, chaque année, de 2005 à 2009, en qualité de travailleur saisonnier agricole pour des périodes de 6 mois dont une prolongation de près de deux mois en 2007 ; qu'il a été mis en possession d'un titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier valable du 27 avril 2008 au 26 avril 2011 ; que, se prévalant d'un contrat à durée indéterminée pour exercer les fonctions de façadier au sein de la société "Tata Provence Façade" à compter du 1er octobre 2010, il a présenté, avant l'expiration de la durée de validité de son précédent titre de séjour, une demande sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour par le travail ; que, par un arrêté en date du 1er avril 2011, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, sans toutefois assortir son refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par un jugement en date du 24 avril 2012, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions présentées par M. D...contre l'arrêté précité ; que M. D... interjette appel de ce jugement dans le cadre de la requête enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 12MA02279 ; que M. D...a été interpellé le 30 juillet 2013 dans le cadre d'un contrôle d'identité ; que, par deux arrêtés du même jour, le préfet des Bouches-du-Rhône a, d'une part, obligé l'intéressé à quitter sans délai le territoire français et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de 25 jours ; que, dans le cadre de la requête enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 13MA03306 M. D...demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 2 août 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté son recours dirigé contre les deux arrêtés en date du 30 juillet 2013 ;
2. Considérant que les requêtes enregistrées au greffe de la Cour sous les n° 12MA02279 et n° 13MA03306 concernent la situation d'un même étranger et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les conclusions de la requête n° 12MA02279 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
4. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du
9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône ne pouvait légalement rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail présentée par M. D...en se fondant sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions mentionnées par les dispositions de l'article L. 313-14 ; que, toutefois, il est possible de substituer à cette base légale erronée celle tirée du pouvoir, dont dispose le préfet, de régulariser ou non la situation d'un étranger dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant que la décision attaquée, prise à tort sur le fondement de l'article L. 313-14 et motivée par la circonstance qu'aucune considération humanitaire, ni aucun motif exceptionnel ne justifiait la délivrance à M. D...d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié, trouve un fondement légal dans l'exercice par le préfet du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont il dispose ; que ce fondement légal peut être substitué au fondement erroné retenu par le préfet ; qu'il ressort des pièces du dossier que si M. D...est entré pour la première fois en France en 2005 et y a travaillé pour des périodes de six mois ou, en 2007, de près de huit mois, il est, chaque année, comme il s'y était engagé dans le cadre de ses contrats d'introduction de travailleur saisonnier agricole, retourné au Maroc où résident son épouse, ses quatre enfants et sa mère ; qu'en outre, M. D...ne se prévaut de la présence en France d'aucun membre de sa famille ; que, par ailleurs, si M. D...était, ainsi qu'il le soutient, bénéficiaire d'un contrat de travail à durée indéterminée pour exercer les fonctions de tailleur de pierres façadier et non d'une simple promesse d'embauche, cette circonstance, à supposer même, ce qui n'est pas établi, que la société qui souhaitait l'employer, laquelle n'avait pas, à la date de l'arrêté attaqué, déposé une demande d'autorisation de travail, ait eu des difficultés de recrutement, est insuffisante pour caractériser une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; que si M. D...se prévaut également de la circonstance qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société "Tata Provence Façade" au sein de laquelle il a travaillé jusqu'en septembre 2012, il a bénéficié d'une promesse d'embauche en qualité d'aide boulanger ou pâtissier, ladite promesse, datée du 3 juin 2013, est postérieure à l'arrêté attaqué ; que, par ailleurs, M. D...n'est, en tout état de cause, pas fondé à se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 28 novembre 2012, postérieure également à l'arrêté attaqué ; que, compte tenu de la situation professionnelle et personnelle de M. D...telle que rappelée ci-dessus, le rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour n'est, bien que le requérant n'ait causé aucun trouble à l'ordre public, entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Marseille a, par le jugement du 24 avril 2012, rejeté ses conclusions aux fins d'annulation dirigées contre l'arrêté du 1er avril 2011 ; que, par voie de conséquence, doivent être également rejetées tant ses conclusions aux fins d'injonction que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et au titre des dépens ;
Sur les conclusions de la requête n° 13MA03306 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français sans délai :
8. Considérant, en premier lieu et en tout état de cause, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que M. D...aurait dû bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour par le travail doit être écarté ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 13 de ladite convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ;
10. Considérant que M. D...fait valoir que le fait d'avoir édicté à son encontre une obligation de quitter le territoire français alors qu'il avait interjeté appel du jugement en date du 24 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille avait rejeté son recours dirigé contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 1er avril 2011 portant refus d'admission exceptionnelle au séjour, est contraire aux stipulations précitées des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant que M. D...a, pour contester l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 1er avril 2011, saisi le tribunal administratif de Marseille, lequel a rendu un jugement ; qu'il a donc bénéficié d'un droit au recours effectif ; que le caractère non suspensif du recours exercé en appel contre ce jugement n'est pas contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors, d'une part, que M. D...avait la possibilité, dont il n'a pas fait usage, de demander qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement et, d'autre part, et en tout état de cause, que les stipulations précitées n'imposent pas l'existence d'un double degré de juridiction ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M.D..., bien qu'il n'ait pas causé de trouble à l'ordre public et ne soit pas polygame, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français sans délai en date du 30 juillet 2013 ;
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
13. Considérant, en l'absence de moyen spécifiquement dirigé contre l'assignation à résidence, qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 30 juillet 2013 l'assignant à résidence pendant une durée de 25 jours ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, par voie de conséquence, doivent être également rejetées les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et au titre des dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 12MA02279 et n° 13MA03306 présentées par M. D...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
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