Vu la décision n° 344559 du 6 décembre 2013 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, annulé les articles 2 et 3 de l'arrêt n° 08MA01715 du 30 septembre 2010 de la Cour et lui a renvoyé l'affaire pour statuer sur les conclusions de la requête de la SARL 361 Records, anciennement dénommée No Sell Out, tendant à l'annulation du jugement n° 0501975 du 21 janvier 2008 du tribunal administratif de Marseille et à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société No Sell Out a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2000, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ;
Vu l'arrêt n° 08MA01715 du 30 septembre 2010 partiellement annulé en tant qu'il a annulé le jugement du 21 janvier 2008 du tribunal administratif de Marseille et réduit la base des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la SARL 361 Records a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2000 ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 février 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui demande à la Cour de rejeter la requête de la SARL 361 Records et de rétablir les impositions dégrevées, en exécution de l'arrêt du 30 septembre 2010, à hauteur des montants en droits et pénalités de 27 897 euros en matière d'impôt sur les sociétés et de 2 084 euros en matière de contribution sur l'impôt sur les sociétés ;
Il soutient que les frais d'hébergement, de restauration et de transport des artistes et techniciens ayant concouru à l'élaboration des morceaux présents sur les deux matrices de disque en cause se rattachent à la réalisation de ces matrices et doivent être pris en compte pour le calcul du prix de revient de celles-ci ;
Vu l'ordonnance en date du 28 mars 2014 fixant la clôture de l'instruction au 25 avril 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 avril 2014, présenté pour la SARL 361 Records, qui maintient ses conclusions initiales tendant :
1°) à l'annulation du jugement n° 0501975 du 21 janvier 2008 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2000 ;
2°) à la réduction de ces impositions et à la restitution des sommes indûment versées, soit 29 663,07 euros ;
3°) à la condamnation de l'Etat au versement des intérêts moratoires à compter du paiement de l'impôt ;
4°) à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2014 :
- le rapport de M. Pourny, président,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;
1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1999 et 2000, la SARL No Sell Out, aux droits de laquelle est venue la SARL 361 Records, s'est vu notifier des redressements en matière d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt pour l'exercice clos en 2000 ; que l'administration a remis en cause la déduction par la société des résultats de cet exercice de frais d'hébergement, de restauration et de transport d'artistes et de techniciens ayant concouru à l'enregistrement des morceaux présents sur deux matrices de disques et a réintégré les sommes correspondantes dans le prix de revient des matrices porté à l'actif du bilan ; qu'assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, établies selon la procédure de taxation d'office prévue aux articles L. 66 et L. 68 du livre des procédures fiscales, assorties de pénalités, la SARL No Sell Out en a demandé la décharge au tribunal administratif de Marseille, qui a rejeté sa demande par un jugement du 21 janvier 2008, dont la SARL 361 Records a interjeté régulièrement appel ; que les articles 2 et 3 de l'arrêt n° 08MA01715 du 30 septembre 2010 par lequel la Cour avait annulé ce jugement et prononcé la réduction de ces impositions ont été annulés par une décision du Conseil d'Etat du 6 décembre 2013, qui a renvoyé l'affaire à Cour ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. (...) " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. (...) " ;
3. Considérant que si la SARL 361 Records soutient que l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts n'est pas conforme aux principes de clarté, d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et demande à la Cour de transmettre " au Conseil constitutionnel " une question prioritaire de constitutionnalité, la question prioritaire de constitutionnalité prévue par les dispositions des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne peut porter que sur la conformité d'une disposition législative à la Constitution ; que les dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts n'étant pas des dispositions de nature législative, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat, seule juridiction administrative compétente pour saisir le Conseil constitutionnel, la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée ; que, par suite, il n'y a pas lieu pour la Cour de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Sur le bien fondé des impositions en litige :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " ; que, dès lors, les impositions en litige ayant été établies selon la procédure de taxation d'office prévue aux articles L. 66 et L. 68 du livre des procédures fiscales, la SARL 361 Records supporte la charge de la preuve ;
5. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (tort parmi les dépenses constituant des charges de production des matrices en question, des dépenses ne se rattachant pas à cette production). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ; qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : / (...) Pour les immobilisations créées par l'entreprise, du coût d'acquisition des matières ou fournitures consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production à l'exclusion des frais financiers " ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 : " La loi est votée par le Parlement. La loi fixe les règles concernant : (...) l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures " ; qu'il appartient au pouvoir réglementaire d'édicter les mesures qui sont nécessaires à la mise en oeuvre de ces règles dès lors que ces mesures ne mettent en cause aucune des règles ni aucun des principes fondamentaux placés dans le domaine de la loi par l'article 34 de la Constitution ; que la valeur pour laquelle un contribuable inscrit un élément d'actif à son bilan ne conduit par elle-même, eu égard aux dispositions de l'article 38 du code général des impôts, à la constatation d'aucun profit ni d'aucune perte ; que, dès lors, en définissant la valeur pour laquelle les immobilisations sont inscrites au bilan, les dispositions réglementaires de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts ne participent pas à la détermination de l'assiette, du taux et des modalités de recouvrement des impositions en méconnaissance de l'article 34 de la Constitution ; que le moyen tiré de ce que cet article excéderait les limites fixées par la Constitution au pouvoir réglementaire doit par suite être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que les matrices servant à la fabrication des disques constituent des matériels de production qui doivent être regardés comme correspondant à des éléments de l'actif immobilisé ; que l'ensemble des frais engagés pour leur réalisation ne peut, dès lors, faire l'objet d'une déduction des résultats de l'exercice mais seulement d'un amortissement ; que, notamment, les rémunérations, directes et indirectes, versées aux artistes et techniciens qui effectuent les enregistrements des morceaux présents sur les matrices constituent des charges de production de cette immobilisation au sens des dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts ; que, par suite, les frais d'hébergement, de restauration et de transport des artistes et techniciens ayant concouru à l'élaboration des morceaux présents sur les deux matrices de disque en cause, pris en charge par la SARL No Sell Out, ont eu pour objet de produire ou de permettre la production de ces matrices et devaient, en conséquence, être regardés comme des charges directes ou indirectes de production des matrices ; qu'ainsi, l'administration était fondée à remettre en cause le caractère déductible de dépenses d'hébergement, de restauration et de transport remboursées à des artistes et techniciens participant à des sessions d'enregistrement, qui devaient être immobilisées au même titre que les cachets et les frais de production des matrices de disques ;
8. Considérant, en troisième lieu, que si la SARL 361 Records persiste à contester le report pur et simple des sommes portées sur la DAS1 pour la détermination des frais de production de la bande originale du film " Comme un aimant ", elle n'apporte pas la preuve dont elle a la charge que l'administration aurait retenu à... ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL 361 Records n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par suite, le ministre est fondé à demander le rétablissement des droits et pénalités, d'un montant de 27 897 euros en matière d'impôt sur les sociétés et de 2 084 euros en matière de contribution sur l'impôt sur les sociétés, dont le dégrèvement avait été prononcé en exécution de l'article 3 de l'arrêt n° 08MA01715 du 30 septembre 2010 ; que les conclusions de la SARL 361 Records tendant à la restitution des sommes versées et à la condamnation de l'Etat au versement d'intérêts moratoires doivent en conséquence être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de telles conclusions ; que doivent également être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SARL 361 Records.
Article 2 : La requête de la SARL 361 Records est rejetée.
Article 3 : Les droits et pénalités de 27 897 (vingt-sept mille huit cent quatre-vingt-dix-sept) euros en matière d'impôt sur les sociétés et de 2 084 (deux mille quatre-vingt-quatre) euros en matière de contribution sur l'impôt sur les sociétés, dont le dégrèvement a été prononcé en exécution de l'article 3 de l'arrêt n° 08MA01715 du 30 septembre 2010, sont remis à la charge de la SARL 361 Records.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL 361 Records et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications des situations fiscales.
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N° 13MA05099