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04/12/2014 | FRANCE | N°12MA04028

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 04 décembre 2014, 12MA04028


Vu, I, la requête, enregistrée par télécopie le 2 octobre 2012, régularisée le 3 octobre 2012, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 12MA04028, présentée pour la SARL " Arbre et Ciel " représentée par sa gérante en exercice, dont le siège est 31 avenue de Ségur à Paris (75007), par la société d'avocats Huglo, Lepage et associés ;

La SARL " Arbre et Ciel " demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804290 et 0804291 du 6 août 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation

de son préjudice ;

2°) d'annuler les décisions implicites de rejet de ses demand...

Vu, I, la requête, enregistrée par télécopie le 2 octobre 2012, régularisée le 3 octobre 2012, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 12MA04028, présentée pour la SARL " Arbre et Ciel " représentée par sa gérante en exercice, dont le siège est 31 avenue de Ségur à Paris (75007), par la société d'avocats Huglo, Lepage et associés ;

La SARL " Arbre et Ciel " demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804290 et 0804291 du 6 août 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice ;

2°) d'annuler les décisions implicites de rejet de ses demandes indemnitaires prises par le maire de Théoule-sur-Mer et le préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) de condamner solidairement la commune de Théoule-sur-Mer et l'Etat à lui verser la somme de 17 394 562 euros en réparation de son préjudice ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Théoule-sur-Mer et l'Etat la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, II, la requête enregistrée le 21 décembre 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 12MA04908, présentée pour la SARL " Arbre et Ciel " représentée par sa gérante en exercice, dont le siège est 31 avenue de Ségur à Paris (75007), par la société d'avocats Huglo, Lepage et associés ;

La SARL " Arbre et Ciel " demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101383 du 25 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 septembre 2010 par lequel le maire de la commune de Théoule-sur-Mer a décidé d'opposer la prescription quadriennale à sa demande indemnitaire ;

2°) d'annuler le dit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Théoule-sur-Mer la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 1er ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2014 :

- le rapport de M. Gonneau, premier-conseiller ;

- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public ;

- les observations de Me B...substituant Me A...pour la société Arbre et Ciel et de Me C...pour la commune de Théoule-sur-Mer ;

1. Considérant que les requêtes précitées portent sur les mêmes demandes indemnitaires et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur l'annulation de la décision du 28 septembre 2010 du maire de Théoule-sur-Mer :

2. Considérant que la société " Arbre et Ciel " relève appel sous le n° 12MA04098 du jugement du 25 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2010 par lequel le maire de la commune de Théoule-sur-Mer a opposé la prescription quadriennale à sa demande indemnitaire d'une somme de 17 394 562 euros en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de réaliser la zone d'aménagement concertée de Saint-Hubert ;

3. Considérant que lorsque, dans le cadre d'un litige indemnitaire, l'administration oppose à la créance objet de ce litige la prescription prévue par les dispositions de la loi du 31 décembre 1968, le créancier qui entend contester le bien-fondé de la prescription doit le faire devant le juge saisi de ce même litige ; que, dans cette hypothèse, le créancier n'est par conséquent pas recevable à demander au juge de l'excès de pouvoir l'annulation de la décision opposant la prescription quadriennale à la créance dont il se prévaut ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 25 mars 2011, à laquelle la société " Arbre et Ciel " a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande d'annulation de la décision du maire de Théoule-sur-Mer du 28 septembre 2010 opposant la prescription quadriennale à ses demandes indemnitaires, la prescription avait déjà été opposée à l'intéressée par la commune dans le cadre du recours de plein contentieux formé par cette dernière tendant à la condamnation de la commune à lui payer la somme de 17 394 562 euros en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de réaliser la zone d'aménagement concertée de Saint-Hubert ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la société " Arbre et Ciel " n'était pas recevable à exercer un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté du 28 septembre 2010 ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société " Arbre et Ciel " n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de ladite décision ;

Sur les conclusions à fin de condamnation de l'Etat et de la commune de Théoule-sur-Mer :

6. Considérant que par une délibération en date du 10 novembre 1994, le conseil municipal de la commune de Théoule-sur-Mer a approuvé la création d'une zone d'aménagement concertée dite de Saint-Hubert, ainsi que le programme d'aménagement de zone, le programme des équipements publics, et la convention relative à la réalisation des équipements et des participations de l'aménageur, signée quant à elle le 11 août 1993 par le maire de la commune et la société " St Catharines Developments " ; que cette zone d'aménagement concertée devait comprendre 25 villas d'une surface hors oeuvres nette de 500 m² à 1000 m² par villa, pour une hauteur maximale de huit mètres, pouvant atteindre dix mètres sur 20 % de l'emprise au sol, la surface hors oeuvres nette totale représentant 25 000 m² sur 14 hectares, ramenée à 20 250 m2 par une délibération en date du 3 juillet 1995 ; qu'à la demande du préfet des Alpes-Maritimes le tribunal administratif de Nice, par jugement en date du 5 octobre 1995, a annulé la délibération susmentionnée du 10 novembre 1994, au motif que la création de la zone d'aménagement concertée portait atteinte à un site protégé par les dispositions des articles L. 146-6 et R. 146-6 du code de l'urbanisme ; que par un arrêt en date du 20 octobre 1998, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif après avoir constaté l'irrecevabilité du déféré préfectoral ; que par acte en date du 29 décembre 1998, la société " Arbre et Ciel " a acquis de la société " St Catharines Developments " les terrains faisant l'objet de la zone d'aménagement concertée, et a repris la totalité des charges et obligations dont la société " St Catharines Developments " était redevable envers la commune de Théoule-sur-Mer ; que la société " Arbre et Ciel " a déposé une demande de permis de construire le 31 juillet 2002, complétée le 11 juillet 2003, pour la construction de dix villas avec voirie et annexes, d'une surface hors oeuvres nette totale de 5 890 m² sur une superficie de terrain de 65 178 m² ; que par un arrêté en date du 26 mai 2004, le maire de la commune de Théoule-sur-Mer a rejeté cette demande de permis de construire ; que par un jugement en date du 16 octobre 2008, devenu définitif, le tribunal administratif de Nice a rejeté le recours de la société " Arbre et Ciel " dirigé contre ce refus au seul motif que l'autorisation de défrichement ne couvrait pas l'ensemble du projet ; que par courriers en date du 25 mai 2007, la société " Arbre et Ciel " a demandé à la commune de Théoule-sur-Mer et à l'Etat de lui verser la somme de 19 835 290 euros en réparation du préjudice causé par l'impossibilité de réaliser la zone d'aménagement concertée Saint-Hubert ; qu'elle relève appel des jugements n° 0804290 et n° 0804291 du 13 juin 2012 qui ont rejeté ses requêtes, demande à la cour d'annuler les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par la commune et par le préfet des Alpes-Maritimes sur ses demandes indemnitaires et de les condamner solidairement à lui verser la somme de 17 394 562 euros en réparation de son préjudice ;

En ce qui concerne la régularité du jugement du 6 août 2012 :

7. Considérant que la société " Arbre et Ciel " soutient que le jugement attaqué serait irrégulier en la forme dès lors que sa motivation serait erronée, le projet de construction ne portant en effet que sur la moitié de la zone d'aménagement concertée de 14 hectares et non pas sur le tiers de l'ensemble des terrains acquis, et ce projet n'étant pas en contradiction avec les règles de protection environnementale et les règles d'urbanisme contrairement à ce que retient le jugement ; qu'un tel moyen qui tend à critiquer les erreurs de droit ou de fait qu'auraient commises les premiers juges est sans influence sur la régularité du jugement ;

8. Considérant que la société " Arbre et Ciel " relève aussi une contradiction dans les motifs adoptés par le tribunal, équivalant à une insuffisance de motivation, dès lors qu'il retient que le refus de permis de construire n'avait pas eu pour effet de rendre le terrain inconstructible alors qu'il avait relevé auparavant que le terrain faisait partie d'une zone à préserver ; que, toutefois, le tribunal après avoir cité les motifs de refus du permis a jugé que, nonobstant leur importance, le refus n'avait eu ni pour objet ni pour effet de déclarer inconstructible le terrain d'assiette du projet ; qu'il a ainsi exposé son raisonnement de manière suffisamment motivé, sans que celui-ci ne soit entaché de contradiction ;

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

S'agissant de la responsabilité contractuelle de la commune :

9. Considérant que la société requérante soutient que la responsabilité contractuelle de la commune serait engagée sur le fondement de la convention relative à la réalisation des équipements et des participations de l'aménageur signée le 11 août 1993 ; que cette convention portait sur les équipements publics à réaliser, sur la cession de parcelles et le montant de la participation de l'aménageur ; qu'elle précisait aussi que l'aménageur s'engageait à ne réaliser qu'un logement par habitation construite ;

10. Considérant que la société " Arbre et Ciel " soutient que la responsabilité de la commune de Théoule-sur-Mer serait engagée du fait de l'inconstructibilité des terrains révélée selon elle par les motifs du refus de permis du 26 mai 2004, qui entrainent l'impossibilité de mener le projet de zone d'aménagement concertée à son terme ; que la société " Arbre et Ciel " ne soutient à cette occasion ni qu'une des clauses de la convention du 11 août 1993 n'aurait pas été respectée par la commune, ni que son préjudice aurait pour cause l'inexécution ou la mauvaise exécution de la convention elle-même par la commune de Théoule-sur-Mer ; que la société " Arbre et Ciel " ne tenait de cette convention aucun droit ni au maintien des règles d'urbanisme applicables à l'intérieur de la zone, ni à la délivrance du permis de construire demandé et qui lui a été refusé ; que la responsabilité de la commune ne saurait donc être engagée sur le fondement de cette convention dont l'inexécution de fait a une cause extérieure à cette dernière ;

S'agissant de la responsabilité extra-contractuelle de la commune :

11. Considérant d'une part qu'aux termes de l'article L. 146-1 du code de l'urbanisme : " Les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions d'utilisation des espaces terrestres, maritimes et lacustres dans les communes littorales définies à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ; (...) Les directives territoriales d'aménagement prévues à l'article L. 111-1-1 peuvent préciser les modalités d'application du présent chapitre. (...) Les directives territoriales d'aménagement précisant les modalités d'application du présent chapitre ou, en leur absence, lesdites dispositions sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, installations et travaux divers, la création de lotissements et l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l'établissement de clôtures, pour l'ouverture de carrières, la recherche et l'exploitation de minerais. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 146-6 du même code : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 146-1 du même code : " en application du 1er alinéa de l'article L. 146-6 sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable (...) g) Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 (...) ".

12. Considérant qu'il n'est pas contesté par la société " Arbre et Ciel " que la directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes, approuvée par un décret en date du 2 décembre 2003, a prévu les modalités d'application des dispositions particulières au littoral prévues par les articles L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme ; que cette directive a notamment qualifié de zone remarquable à protéger les contreforts du massif de l'Estérel dominant la commune de Théoule-sur-Mer, où est situé le terrain d'assiette de la zone d'aménagement concertée de Saint-Hubert ; qu'il n'est pas contesté non plus que ce terrain est une partie naturelle, indépendamment de la qualité de la végétation présente sur ce site, de la commune de Théoule-sur-Mer, reconnue elle-même comme un site classé par arrêté du 10 octobre 1974 en application de la loi du 2 mai 1930 ; que, par suite, le terrain en cause devait être préservé en application des dispositions précités ; que, dès lors, le maire de la commune de Théoule-sur-Mer a pu légalement, pour ce motif, refuser le permis de construire demandé pour la réalisation d'un projet de la requérante ;

13. Considérant d'autre part que la société " Arbre et Ciel " ne conteste pas les motifs du refus de permis de construire fondés sur la circonstance que le projet ne respectait pas les dispositions du plan de prévention des risques incendie, compte tenu de l'implantation des bâtiments à plus de 150 mètres d'un poteau d'incendie normalisé et de la présence d'un seul point d'eau normalisé alors qu'il devait être prévu, au minimum, un point d'eau à chaque extrémité de la voie ; que la société " Arbre et Ciel " ne conteste pas non plus le motif de refus tiré de ce que la serre et la maison de gardien ne se trouvaient pas dans la zone faisant l'objet de l'autorisation de défrichement et de ce qu'une partie de la voirie était située dans l'espace boisé classé ;

14. Considérant qu'à supposer même, comme le soutient la société requérante, que les terrains ne seraient pas classés en zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique, que le projet ne porterait pas atteinte à la sécurité publique, serait accessible aux handicapés, ne créerait pas de risques d'incendie et ne pouvait être apprécié au regard du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme du secteur de Cannes-Grasse-Antibes approuvé le 5 juin 1979, le maire de la commune de Théoule-sur-Mer, au regard des points 7 et 8, n'a commis aucune illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la commune en refusant le permis de construire demandé ;

15. Considérant que la société " Arbre et Ciel " soutient aussi que la commune de Théoule-sur-Mer lui aurait fourni des assurances quant à la possibilité de construire et l'aurait incitée à acheter les terrains faisant l'objet de la zone d'aménagement concertée, et que cette attitude, alors que les motifs du refus de permis existaient déjà à cette période, engagerait la responsabilité de la commune ; que, toutefois, la société " Arbre et Ciel ", qui a fait l'acquisition des terrains en cause le 29 décembre 1998, ne produit à l'appui de ce moyen qu'une lettre postérieure à cette date, du 18 octobre 1999, dans laquelle la commune conseille à une banque mandatée par la société de déposer 4 ou 5 demandes de permis de construire en partie basse du terrain et, qu'une fois assurée de la constructibilité de ce secteur, de déposer d'autres demandes de permis pour les parcelles au régime juridique " plus flou ", dans une zone " plus risquée en termes de faisabilité ", située " sous les tracés du classement de l'Estérel et de la loi littoral " ; qu'elle fait état aussi des renseignements d'urbanisme fournis par la commune et annexés à l'acte notarié, relatifs à la situation réglementaire des terrains acquis à la date de cette acquisition mais ne comportant aucune assurance quant à leur constructibilité ; qu'aucun de ces éléments ne démontre l'existence d'un comportement fautif de la commune ainsi qu'allégué par la société " Arbre et Ciel " ;

16. Considérant que la société requérante soutient aussi de manière générale et abstraite que le retard dans la délivrance d'un permis de construire et la délivrance de renseignements erronés sont des fautes susceptibles d'engager la responsabilité de l'administration ; que ces moyens sont cependant dépourvus de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

S'agissant de la responsabilité pour faute de l'Etat :

17. Considérant que la société requérante allègue que les services de l'Etat lui auraient interdit illégalement de déposer toute demande de permis de construire pendant une durée de deux ans, en lui assurant que ces demandes ne seraient pas instruites ; que la société ne justifie toutefois aucunement la réalité de telles manoeuvres qu'elle qualifie de détournement de pouvoir et de procédure ;

18. Considérant que la société " Arbre et Ciel " soutient aussi que les services de l'Etat lui aurait sciemment délivré une autorisation de défrichement le 9 juin 2003 qui ne permettait pas de respecter le plan d'aménagement de zone ; que la société " Arbre et Ciel ", qui ne soutient d'ailleurs pas que cette décision aurait été illégale, ne produit à l'appui de ce moyen ni la demande d'autorisation de défrichement, ni la décision elle-même ; que le moyen n'est dès lors pas accompagné des précisions permettant d'apprécier son bien-fondé ;

19. Considérant enfin que ni l'absence de pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 20 octobre 1998 évoqué au point 1, ni des erreurs qu'aurait commises le préfet des Alpes-Maritimes dans son mémoire en défense présenté devant le tribunal administratif de Nice en première instance, ne prouvent l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

S'agissant de la responsabilité sans faute :

20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu. " ; qu'aux termes de l'article 1er du Protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. - Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (...) " ;

21. Considérant que si les stipulations ci-dessus reproduites ont pour objet d'assurer un juste équilibre entre l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit de propriété, elles laissent au législateur une marge d'appréciation étendue, en particulier pour mener une politique d'urbanisme, tant pour choisir les modalités de mise en oeuvre d'une telle politique que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l'intérêt général, par le souci d'atteindre les objectifs poursuivis par la loi ;

22. Considérant que, d'une part, l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme subordonne le principe qu'il édicte de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme à la condition que celles-ci aient été instituées légalement, aux fins de mener une politique d'urbanisme conforme à l'intérêt général et dans le respect des règles de compétence, de procédure et de forme prévues par la loi ; que, d'autre part, cet article ne pose pas un principe général et absolu, mais l'assortit expressément de deux exceptions touchant aux droits acquis par les propriétaires et à la modification de l'état antérieur des lieux ; qu'enfin, cet article ne fait pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ;

23. Considérant d'une part que la société " Arbre et Ciel " ne peut se prévaloir de droits acquis, qui ne sauraient être révélés, contrairement à ce qu'elle soutient, par les renseignements d'urbanisme annexés à l'acte d'achat des terrains et par une lettre du maire qui aurait écrit que la zone d'aménagement concertée valait certificat d'urbanisme, nonobstant sa qualité d'autorité compétente pour délivrer les certificats d'urbanisme ;

24. Considérant, d'autre part, que la société " Arbre et Ciel " ne peut se prévaloir non plus de l'existence de la zone d'aménagement concertée et du plan d'aménagement de celle-ci, qui ne conféraient aucun droit au maintien des règles d'urbanisme ;

25. Considérant enfin que le caractère inconstructible des terrains faisant l'objet de la zone d'aménagement concertée de Saint-Hubert, résultant de l'application à l'ensemble du site des dispositions législatives et réglementaires relatives au littoral, n'a fait peser sur la société " Arbre et Ciel ", qui a succédé en 1998 aux droits de la société " St Catharines Developments, aucune charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec les justifications d'intérêt général sur lesquelles reposent la protection des sites littoraux ;

26. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Théoule-sur-Mer, que la société " Arbre et Ciel " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

27. Considérant que cet article dispose : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; que les conclusions dirigées par la société " Arbre et Ciel " sur ce fondement contre la commune de Théoule-sur-Mer et contre l'Etat, qui ne sont pas dans ces instances les parties perdantes, ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstance de l'espèce, de mettre à la charge de la société " Arbre et Ciel " une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Théoule-sur-Mer en application des dites dispositions au titre des deux instances ;

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes présentées par la SARL " Arbre et Ciel " sont rejetées.

Article 2 : La SARL " Arbre et Ciel " versera à la commune de Théoule-sur-Mer une somme de 3 000 (trois mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL " Arbre et Ciel ", à la commune de Théoule-sur-Mer et à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

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N° 12MA04028, 12MA04908


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA04028
Date de la décision : 04/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-05 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Jean ANTOLINI
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : SCP DELAPORTE BRIARD TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-12-04;12ma04028 ?
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